Le 6 avril a eu lieu la représentation de deux contes lyriques « Le Dragon d’Or et le Pêcheur au fond de la tasse à thé », suivi le 9 avril de « Partition vietnamienne », la toute dernière pièce mise en scène par le dramaturge Olivier DHENIN HUU. Les deux contes lyriques considérés comme de célèbres légendes vietnamiennes étaient intégrés au Livret d’opéra « PAYSAGE DANS L’OUBLI ». La « Partition vietnamienne » s’inspire du même livret, narrant une fresque historique d’un siècle entre le Vietnam et la France.
Cette pièce raconte de tragiques destins marqués entre autres par l’exil des “Viêt Kieu” qui impactent tant la mémoire individuelle que le récit collectif. A travers ce spectacle, nous explorerons les parcours de plusieurs générations confrontées à la séparation, à l’oubli et à la transmission.
1. Quel type de public s’adressent les 3 représentations ?
Olivier DHENIN HUU : Parmi ces 3 représentations, on remarquera un point commun très important, c’est le lien fort tissé entre l’Occident et l’Orient. On peut deviner logiquement que les 3 spectacles s’adressent autant aux français qu’aux vietnamiens à travers le reflet historique des deux pays. Nous devons revenir au contexte passé avec la Guerre d’Indochine.
Face au silence qui a imprégné les générations de Vietnamiens, je pense que la création artistique est un moyen de questionnement de cette conscience et absence de conscience de l’exil et de la mémoire. La connaissance de l’histoire a été a été omise aux descendants des Viet Kieu par le mutisme de leurs parents. L’écriture est une tentative de réparation, le théâtre celle d’une transmission.
2. Pourquoi pensez-vous que le théâtre est un lieu politique pour mettre en œuvre vos pièces ?
Olivier DHENIN HUU : Je trouve que la beauté du théâtre laisse place à la liberté au questionnement, la réflexion sur l’histoire ; les peurs et la société et plus précisément avec l’œuvre « Partition vietnamienne » qui évoque la véritable coupure du pays en deux tel un déchirement intérieur.
A mon avis, dès qu’on entre dans la sphère politique, on entre également dans une sphère beaucoup plus humaine basée sur l’émotionnel. Cela nous demande à questionner sur la véritable place de l’homme dans l’histoire. Mettre en place le travail de la pièce « Partition vietnamienne » fut une grande épreuve, car cette histoire tragique est bouleversante, mais l’implication d’acteurs majoritairement d’origine vietnamienne appelé « Viet Kieu » apporte une force à l’œuvre. Ces événements historiques passés perdurent dans la mémoire des différentes générations sans réellement être questionnés.
3. L’utilisation de l’art théâtrale comme outil de bonne influence sur la mémoire de chaque être.
Olivier DHENIN HUU : Dans Partition vietnamienne, on constate que chaque personnage est à la recherche de son identité : son origine, sa terre ancestrale, son dépaysement du pays natal. J’ai pu constater qu’il y a eu un retour de contact et une prise de conscience tardive de la population asiatique concernant les événements historiques qui se sont déroulés dans leur pays d’origine il y a plus d’un siècle. J’ajouterai même que la mémoire est vive, qu’elle donne lieu à une source d’inspiration fluctuante, elle n’a pas tari avec le silence.
Tout ce travail de réminiscence et de recherche s’est réalisé à travers l’écriture de « Paysage dans l’oubli », lorsque j’ai présenté à Hô Chi Minh Ville, au Vietnam pour les cinquante ans de relations diplomatiques entre la France et le Vietnam en 2023. Je pense que ces « paysages » sont des lieux qui ont existé quelque part en nous mais que nous les avons oubliés dans notre mémoire. Le rôle de chacun est de recouvrer cette mémoire enfouie en nous, de recomposer ces paysages et ces visages afin de la transmettre aux autres.
Grâce à ma collaboration avec le Musée Guimet, j’ai eu l’opportunité de partager ces mémoires dans la conscience collective en miroir d’une magnifique exposition de Marc Riboud sur la guerre du Vietnam. Cette initiative fut un moyen de présenter un état des lieux de l’histoire du pays et qui va permettre de provoquer une réflexion, propre aux recherches intérieures de la part du public. Chacun de nous est libre de s’en emparer, de se questionner et de se rappeler des souvenirs ou même de l’histoire.
4. La transmission d’un héritage historique grâce au jeu des 3 pièces.
Olivier DHENIN HUU : Les œuvres écrites sont basées sur mon récit familial grâce à mon statut de légataire, j’ai pu transmettre une partie de mon histoire. Je souhaitais offrir au public la liberté à la réflexion personnelle mais également d’émettre des hypothèses à travers cette œuvre. Je pense que le théâtre permet de résoudre ou corriger ce qui n’a pu être réalisé dans le passé, mais aussi de confronter les personnages face à leurs destinés à l’exemple d’Homer qui raconte l’histoire de la « Guerre de Troie dans l’Illiade ».
C’est ainsi que ces personnages deviennent tragiques. Dans l’ensemble des représentations, on retrouve bien cette notion de guerre qui bouleverse et déchire l’humanité. Le but de convoquer ce lieu politique sur la scène théâtrale est d’amener la réflexion, l’émotion et le questionnement de chacun de nous à travers les informations et matières transmises par les descendants. Cette transmission doit provoquer une sorte de réveil dans l’esprit de la communauté vietnamienne.
L’horreur, l’effroi des événements racontés dans les 3 pièces représentent la pierre angulaire qui guide à la fois les acteurs mais aussi le public de questionner l’histoire, les faits passés dont personne ose parler. La réflexion doit se faire collectivement (vietnamien et français) afin de surmonter les horreurs infligées par les deux parties dans le but de faire le deuil, d’accorder le pardon puis oublier les ressentiments.
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