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Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 - chapitre 3

1969. À Washington, Richard Nixon prête serment devant le Capitole le 20 janvier. Mais son « Inauguration day » est quelques peu perturbé par des manifestants pacifistes, opposés à la guerre du Vietnam. Il faut dire que le tout nouveau Président américain a fait du désengagement des États-Unis l’une de ses promesses de campagne. Une promesse qu’il aura bien du mal à tenir, chacun le sent bien. Lui-même ne se fait sans doute guère d’illusion sur le sujet.

Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 - chapitre 3Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 - chapitre 3

 

Le Petit Journal vous propose lors de cette série intitulée "Le long chemin qui mène au 30 avril 1975" de revivre la chute de Saïgon, le 30 avril 1975, date qui marque la fin de la guerre du Vietnam. Le premier et deuxième chapitres reviennent sur les péripéties durant la présidence de Lyndon Johnson, années charnières dans l’Histoire des guerres d’Indochine.


L’année 1969 va d’ailleurs être celle au cours de laquelle on constatera la plus forte présence américaine au Vietnam : plus de 500.000 hommes.

Les Américains sont pourtant de plus en plus las de cette guerre dont chacun sans bien qu’elle est sans issue, et surtout qu’elle ne fait aucunement honneur aux Etats-Unis et à ses valeurs.

L’opposition à la guerre du Vietnam est du reste en passe de devenir un vaste mouvement social, en cette fin des années 1960, et pas seulement aux Etats-Unis : partout dans le monde, le mot « Vietnam » est le cri de ralliement d’une génération de plus en plus prompte à remettre en question l’hégémonie et les codes du monde capitaliste.

Le 21 octobre 1967, déjà, une grande manifestation réunissant des milliers de personnes a eu lieu devant le Capitole, à Washington. Ce jour-là, Jan Rose Kasmir, une lycéenne de 17 ans, plante une fleur dans le canon d’un fusil. Elle est photographiée par Marc Riboud. Là encore, c’est une photo, devenue iconique, qui va symboliser les aspirations de toute une jeunesse ouvertement pacifiste, adepte du « flower power».
   
20 janvier 1969, donc. Aussitôt arrivé à la Maison Blanche, Richard Nixon nomme un nouveau conseiller à la sécurité nationale en la personne d’Henry Kissinger. Ce choix n’a rien d’anodin. Depuis le printemps 1968, Henry Kissinger négocie plus ou moins secrètement à Paris avec Le Duc Tho, l’envoyé de la République Démocratique du Vietnam... Tout comme son prédécesseur, Richard Nixon a bien compris que les États-Unis ne pouvaient pas gagner la guerre. Aussi cherche-t-il à trouver une « sortie honorable ».

 

Le Duc Tho serrant la main d’Henry Kissinger
Le Duc Tho serrant la main d’Henry Kissinger

 


La carotte et le bâton

Mais le nouveau président américain est un adepte de la carotte et du bâton, sachant manier l’une et l’autre avec une rare dextérité. Au Vietnam, il commence par augmenter les effectifs du corps expéditionnaire, avant de reprendre à son compte une idée que les Français avaient déjà expérimenté en Indochine et d’en faire une véritable doctrine. Son idée ? Aider la République du Vietnam à se doter une bonne fois pour toute d’une armée digne de ce nom afin qu'elle puisse se défendre par ses propres moyens. Il faut dire que jusque-là, les soldats Américains ont passablement infantilisé l’armée sud-vietnamienne, se réservant le monopole de la conduite des opérations sur le terrain.

Cette doctrine va rentrer dans l’Histoire sous le nom de « vietnamisation », ce qui rappelle furieusement le « jaunissement » du corps expéditionnaire, tenté quelques années plus tôt par les généraux Français, avec le bonheur que l’on sait.

 

Richard Nixon
Richard Nixon


Sinon, sur le plan diplomatique, Richard Nixon ne va pas tarder à lancer ouvertement une politique dite de « détente », en lançant des signaux d’apaisement, aussi bien en direction de Moscou qu’en direction de Pékin (où il se rendra en 1972) : une façon, comme une autre de semer le trouble dans le camp communiste et d’isoler Hanoï de ses soutiens traditionnels. Les négociations qui ont débuté à Paris vont bien évidemment s’en ressentir, d’autant plus qu’Henry Kissinger passe pour être un fervent partisan de cette « détente »

 

Le Cambodge pris dans la tourmente

Il n’empêche. Dès mars 1969, débute une campagne secrète de bombardements américains sur le Cambodge, qui sert de base arrière aux Viêt-Cong.

Le Cambodge ! Jusque-là, le pays avait tout fait pour rester en dehors du conflit. À Phnom Penh, le roi Norodom Sihanouk, désespérément neutraliste, joue la corde raide. Cinéaste amateur à ses heures, il admire aussi bien Mao Tsé-Toung que Charles De Gaulle (qui a prononcé un discours resté célèbre à Phnom Penh, en 1966, dans lequel il déclare tout de go qu’il n’y a « aucune chance que les peuples de l’Asie se soumettent à la loi d’un étranger venu de l’autre rive du Pacifique ».), et tente tant bien que mal de maintenir son petit royaume en paix. La tâche est d’autant plus difficile que dans les jungles du nord-ouest, des maquisards procommunistes commencent à s’agiter. On les appelle les Khmers rouges. À leur tête, un certain Saloth Sar, plus connu sous le nom de Pol Pot.

 

Norodom Sihanouk
Norodom Sihanouk

 

En mars 1970, Norodom Sihanouk est renversé au profit du Général Lon Nol, que les Américains vont aider militairement. Le roi, lui, va trouver refuge à Pékin, mais aussi à Pyongyang, en Corée du Nord donc, où Kim Il-Sung le traite en hôte de marque.

 

Mort d’une figure emblématique

Entre-temps, la République démocratique du Vietnam a perdu son père fondateur. Ho Chi Minh meurt en effet le 2 septembre 1969 à Hanoï, à l’âge de 79 ans.

Sa disparition soulève bien évidemment une immense vague d’émotion, et pas seulement au nord du 17e parallèle. Ses funérailles, le 9 septembre, attirent une foule de 250.000 personnes, venues dire adieu à « Oncle Ho ».

 

« ... un deuil partagé a réuni pour la première fois en quinze ans, de la frontière de la Chine à la pointe de Ca Mau, tout le peuple vietnamien. Unité fugitive, à laquelle avait consacré toute sa vie celui-là même que l’on pleurait : Ho Chi Minh. Champion de la résistance contre « l’agression américaine » pour les 19 millions de Vietnamiens du Nord, il était resté pour les 17 millions de Vietnamiens du Sud, quel que soit leur camp, le héros de la lutte pour l’indépendance contre les Français. En ce frêle mandarin de 79 ans s’incarnait une nation à la reconquête d’elle-même (.) Pour ou contre, chacun, de part et d’autre du 17e parallèle, se définissait par rapport à lui. Et aujourd’hui chacun s’interroge », écrira Claudine La Haye dans L’Express.

À Hanoï, en tout cas, les autorités ne s’interrogent pas longtemps pour trouver un successeur à Ho Chi Minh, qui était du reste en retrait depuis une bonne dizaine d’années. C’est Ton Duc Thang qui hérite de la Présidence de la République démocratique, mais l’homme fort du régime reste Le Duan, l’intransigeant et doctrinaire secrétaire général du Parti communiste, en poste depuis 1960. Quant à Pham Van Dong, le négociateur de Genève, il est Premier ministre.

 

Autour de la dépouille de Ho Chi Minh
Autour de la dépouille de Ho Chi Minh… De gauche à droite : Le Duan, Ton Duc Thang, Truong Chinh (membre du politburo), Pham Van Dong

 

Pendant ce temps à Paris

De son côté, Nixon campe sur l’idée qu’il faut retirer les troupes américaines du Vietnam et met donc en œuvre sa « vietnamisation », dont il a du reste fait son cheval de bataille.

Mais il suit également de près les négociations en cours à Paris. Celles-ci se compliquent avec l’irruption d’un troisième interlocuteur. Le Front national de libération décide en effet, le 8 juin 1969, de créer un Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud-Vietnam, le GRP, lequel s’invite à la table des discussions, en la personne de Nguyen Thi Binh, qui a titre de ministre des Affaires étrangères.

 

« Combattre les Américains pour la liberté, combattre les Américains pour la souveraineté ».
« Combattre les Américains pour la liberté, combattre les Américains pour la souveraineté ».

 

Pour Henry Kissinger, l’essentiel est de permettre aux États-Unis de se retirer en cherchant une issue à peu près honorable et en obtenant de la part du Nord-Vietnam la libération des prisonniers de guerre. Sauf que justement, cette guerre n’a jamais été déclarée et qu’elle n’a aucune existence du point de vue du droit international. Autre problème, et non des moindres : les Etats-Unis refusent de reconnaître l’existence du Front national de libération et a fortiori du Gouvernement provisoire. Quant à la République démocratique du Vietnam, elle refuse purement et simplement de reconnaître la République du Vietnam, qu’elle considère comme un régime « fantoche ». C’est donc entre Hanoï et Washington que se jouent les négociations et à défaut de « guerre », il sera question de « belligérance » impliquant telle ou telle partie. Ces questions byzantines étant réglées, les discussions peuvent se poursuivre.

 

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Le Petit Journal vous propose lors de cette série intitulée "Le long chemin qui mène au 30 avril 1975" de revivre la chute de Saïgon, le 30 avril 1975, date qui marque la fin de la guerre du Vietnam  Nous reviendrons la semaine prochaine avec la quatrième partie...

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