Surnommé affectueusement par ses amis "ant-man", Benoit Guénard, est chercheur et enseignant français à Hong Kong, spécialiste de la biodiversité et expert du monde des fourmis. Il est à l’origine du premier musée de la biodiversité à Hong Kong. Nous l’avons rencontré.
Très jeune, je m'intéressais aux insectes
Quel est votre parcours ?
Depuis très jeune, j’ai eu la chance d’être exposé à la biologie, par mon père d’abord qui lui-même est agronome et phytopathologiste et également dans le reste du cadre familial où j’avais la permission de garder toute sorte d’animaux à la maison. Très vite, je m’intéressais aux insectes. J’ai donc fait mes études supérieures en biologie naturellement. À 21 ans, je suis parti pour Montréal au Québec, et c’est par 6 semaines de cours de terrain dans la forêt laurentienne que j’ai commencé une nouvelle vie. Rapidement, j’ai eu l’opportunité de faire un premier projet de recherche sur les fourmis dans l’un des laboratoires de l’université en collaboration avec le Biodôme de Montréal. C’est de là qu’est née ma passion pour les fourmis que j’étudie depuis plus de deux décennies maintenant. En 2014, j'ai eu l'opportunité de monter mon propre laboratoire, the Insect Biodiversity and Biogeography Laboratory, au sein de l’Université de Hong Kong comme professeur assistant. Je suis ensuite devenu professeur associé titulaire en 2020.
Il existe 16 000 espèces de fourmis
Qu’est-ce qui créé cette passion pour les insectes ?
Enfant, je passais alors des heures à observer autour de moi, et puis il faut bien l’avouer à expérimenter un peu, pas toujours de la façon la plus rigoureuse, ni délicate. Dans ce terrain de jeu, les animaux que je rencontrais le plus souvent étaient les insectes et j’ai donc progressivement commencé à me questionner sur ce qu’ils étaient, ce qu’ils faisaient, combien il y en avait… Et puis dans un livre j’ai lu un jour qu’ils y en avaient plus d’un million d’espèces, alors que nous, les mammifères, ne comptons qu'à peine 6000 espèces. Au début des années 90, alors que le terme biodiversité commençait à se populariser, je me suis dit que je devrais étudier ce groupe qui représente près de 60% de toute la vie sur terre. Ce fut les fourmis, petit groupe d’insectes avec 16,000 espèces connues, qui m’ont d’abord émerveillé par leur comportement au semblant si proche de nos sociétés, puis ensuite leur écologie et leurs rôles et importance dans la plupart des écosystèmes terrestres.
20 000 visiteurs sont passés par le Musée de la Biodiversité
Vous êtes à l’origine du premier musée de la biodiversité de Hong Kong. Comment vous est venue cette idée ?
Lorsque je suis arrivé à l’Université d’Hong Kong (HKU) en 2014, le technicien en chef de l’époque m’a gentiment fait faire le tour des installations. Dans le fond d’un couloir, il me montra une pièce dans laquelle se trouvait un certain nombre de spécimens incluant des mammifères, des oiseaux, batraciens, reptiles, insectes, coraux, mollusques et autres… Ça ressemblait alors plus à un petit entrepôt avec des spécimens entassés qu’à une collection biologique bien ordonnée. Dans mon temps libre, je commençai donc à organiser la collection, ajouter de nouveaux spécimens, beaucoup étant éparpillés dans le département, voire carrément amassés dans des cartons ou sous clef dans des placards depuis une vingtaine d’années. Progressivement l’idée de de partager nos connaissances sur l’incroyable diversité des espèces que l’on peut trouver ici, en Asie et ailleurs a fait son chemin. C’est en novembre 2020, grâce à une bourse du gouvernement Hongkongais (Environment and Conservation Fund) que j’ai pu embaucher notre première curatrice. Le 22 Mai 2021 (jour de la biodiversité), le musée fut ouvert officiellement au public, et depuis c’est près de 20,000 visiteurs qui l’ont visité et gratuitement !
S'intéresser à la nature, c'est s'intéresser à la vie
Quel message aimeriez vous faire passer aux jeunes (et moins jeunes) concernant la nature ?
S’intéresser à la nature, c’est s’intéresser à la vie, qui au cours de centaines de millions d’années d’évolution a pris bien des chemins pour survivre, s'adapter et se multiplier. La nature est un théâtre d’épanouissements permanent. Au Hong Kong Biodiversity Museum, nous incitons les gens à changer de points de vue et à s’émerveiller. C’est avec des connaissances que l’on gagne le respect pour la nature, et à partir de là que l’on souhaite la protéger.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez aujourd’hui?
Au quotidien, j’ai deux jobs. Comme enseignant-chercheur d’abord, où mon laboratoire étudie des problématiques liées aux invasions biologiques, changements des communautés d’espèces en réponse à un nombre de perturbations écologiques, descriptions de nouvelles espèces, rôles et importances des insectes au sein des écosystèmes mais aussi dans nos sociétés… J’ai plusieurs projets de recherches traitant de ces questions à Hong Kong, en Chine et en Asie.
De l’autre côté, la direction du Hong Kong Biodiversity Museum est une toute autre aventure, également très enrichissante. Nous avons plusieurs projets en cours afin de maintenir l’intérêt du public et pour s’adresser à un public toujours plus large soit en ligne ou en personne ; incluant le développement d’expositions dans différents quartiers de Hong Kong. En ce moment, nous travaillons sur la digitalisation de la collection pour rendre la collection accessible en ligne...
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