Édition internationale

Purnima Devi Barman, femme exceptionnelle protectrice des cigognes Hargilas

Chaque année, le magazine TIME sélectionne ses Femmes de l’Année en mettant en avant des figures féminines qui ont marqué le monde par leur engagement, leur courage et leur influence. Ce choix repose sur des critères tels que l’impact de leurs actions, leur capacité à faire avancer des causes majeures et leur rôle dans la transformation des sociétés. Les lauréates proviennent de divers horizons et incarnent des réponses aux défis contemporains, qu’il s’agisse de la lutte pour les droits des femmes, de la protection de l’environnement ou de l’innovation sociale. Cette année, l'Indienne Purnima Devi Barman est une de ces femmes.

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Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 3 mars 2025, mis à jour le 4 mars 2025

Purnima Devi Barman est une biologiste de la faune sauvage, originaire de l'Assam, en Inde. Elle est connue pour son travail de conservation du marabout Argala, aussi appelé Hargila ou "grand adjudant".

 

Purnima et le grand adjudant

Le "grand adjudant" est une immense cigogne mesurant de 130 à 150 cm de hauteur et de 240 à 290 cm d'envergure. Chassé des zones humides où il se nourrissait essentiellement de grenouilles, de gros insectes ou de petits rongeurs, il pille désormais les décharges d'ordures humaines. 

 

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portrait du grand adjudant . Source wikimédia

 

Purnima Devi Barman a étudié à l’université de Gauhati, en Assam, où elle a obtenu une maîtrise en zoologie, avec une spécialisation en écologie et biologie de la faune sauvage. En 2007, elle commence ses recherches de doctorat. C'est là qu'elle tombe amoureuse de ce majestueux animal au caractère fort.

Elle raconte au Times qu’elle a alors reçu un appel l’informant qu’un arbre, abritant une famille de marabouts argalas, était en train d’être abattu dans l’État d’Assam, en Inde, où elle vit. À son arrivée, elle découvre un nid de bébés cigognes en danger gisant au sol. Choquée, elle demande à l’homme qui a coupé l’arbre pourquoi il avait fait cela. Il lui répond que cet oiseau est un mauvais présage, un nuisible, un porteur de maladies. À l’époque, on estime qu’il ne reste que 450 marabouts Argalas dans la région. C'est une des espèces les plus menacées de la planète.

Localement, le marabout argala est surnommé hargila, ou « avaleur d’os » en assamais, en raison de son habitude de fréquenter les décharges. Ce charognard au physique ingrat, aux fientes à l'odeur pestilentielle, aux cris discordants, et à la mauvaise réputation est loin d'avoir les atouts médiatiques d'un mignon panda de Chine ou d'un majestueux tigre du Bengale !

Pour changer cette image désastreuse, Purnima Barman a eu l'idée de créer l' ''Armée Argala'' qui compte actuellement plus de 10.000 femmes. Les participantes protègent les sites de nidification, recueillent les cigognes et fêtent la naissance des nouveau-nés.

 

 

« Pour la première fois, j’ai ressenti l’importance—l’appel de la nature », dit-elle. « Ce jour-là, ma mission a commencé. »

 

Afin de faire connaître le grand adjudant auprès du plus grand nombre, des chansons folkloriques, des poèmes, des festivals et des pièces de théâtre au nom de l'Argala ont été créés. Des métiers à tisser et du fil ont été mis à disposition de ces femmes afin qu'elles puissent créer et vendre des textiles décorés de motifs Argala. Cet entrepreneuriat non seulement fait connaître l'oiseau, mais contribue également à l'indépendance financière des participantes, en améliorant leurs moyens de subsistance et en leur inculquant de la fierté et un sentiment d'appartenance dans leur travail pour sauver la cigogne.

 

L'armée Argala, de la conservation au développement sociale et économique en Assam

Mais sauvegarder la cigogne adjudant signifie également protéger et restaurer ses habitats. L'Armée Argala a aidé les communautés à planter plus de 45.000 jeunes arbres dans les zones de nidification et dans les zones humides, dans l'espoir qu'ils soutiendront les futures populations de cigognes. Les femmes effectuent également des campagnes de nettoyage sur les berges des rivières et dans les zones humides pour éliminer le plastique de l'eau et réduire la pollution.

En 2020, un zoo de l'État d'Assam coopérant avec la biologiste enregistrait la naissance des deux premiers oisillons nés en captivité, donnant un nouvel espoir pour la conservation de l'espèce. Depuis que Purnima Barman a lancé son programme de conservation, le nombre de nids est passé de 28 à plus de 250, ce qui en fait la plus grande colonie reproductrice de grandes cigognes adjudantes au monde.

En 2023, grâce au travail de Barman, leur statut a été réévalué par l’Union internationale pour la conservation de la nature, passant d'espèce en danger à espèce quasi menacée. Leur population en Assam a bondi à plus de 1 800 individus. Et son "argila army" ne cesse, elle aussi, de grandir : non seulement en Assam, mais aussi dans toute l’Inde et désormais au Cambodge. Des écoles jusqu’en France enseignent aux élèves le travail de Purnima Devi Barman.

Ses succès ont été récompensés par de nombreux prix, elle a ainsi obtenu en 2022 le prestigieux titre de « championne de la Terre pour la vision entrepreneuriale » du Programme des Nations Unies pour l'Environnement et est aujourd'hui l'une des femmes de l'année 2025 au magazine Times.

Aujourd’hui, Barman porte fièrement sa tenue traditionnelle et son châle orné d’images des marabouts, tissées par des membres de l’Hargila Army. Que ce soit à travers les vêtements, les chansons ou les célébrations des naissances de nouveaux poussins, Barman affirme : « Cet oiseau fait désormais partie de notre tradition et de notre culture. »

 

 

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