Nieveetha Mohanaraj, la plus jeune des femmes interviewées en ce mois de mars, livre au petitjournal Bombay son ressenti sur la vie en Inde et clôt ainsi notre série sur les Françaises.
Début 2018, Nieveetha Mohanaraj est arrivée en Inde pour effectuer un VIE pour TNP, une société française, après avoir accompli son cursus à l’EPITA (Ecole d’ingénieurs en informatique) et une première expérience à la BNPP. Pendant un an, elle a été basée à Kochi dans le Kerala, tout en voyageant dans le pays. Aujourd’hui, elle est directrice régionale de TNP pour l’Inde du nord et a ouvert le bureau de Delhi.
Née en France dans une famille originaire du Sri Lanka, Nieveetha parle le tamil et le malayalam couramment en plus de l’anglais et du français. La maîtrise de ces deux langues parlées dans l’Inde du sud a été un atout dans ses relations avec les clients et collaborateurs.
A son arrivée à Kochi, Nieveetha a cherché pendant longtemps un appartement et a peiné pour s’intégrer dans la vie locale. “Le Kerala est un état encore très conservateur. En tant que jeune femme seule, je faisais figure d’extraterrestre ! Les propriétaires étaient réticents pour louer leur appartement à une femme non mariée. Mes collaborateurs indiens ne me proposaient pas de sortir avec eux en dehors du travail car, cela aurait pu être mal perçu.”, explique-t-elle. Cependant, la mission s’est avérée très intéressante et c’est la raison pour laquelle elle s’est accrochée, même si, au niveau vie privée, elle avait un peu la nostalgie de la France, de sa famille et de ses amis.
Après quelques mois, les points positifs de la vie en Inde ont pris le dessus et Nieveetha a réalisé qu’il y avait énormément d’opportunités dans ce pays. C’est pourquoi elle a décidé de poursuivre son expérience indienne. Elle est désormais en charge de l’Inde du Nord pour la société qui l’avait envoyé à Kochi et vient d’emménager à Delhi: “Nous avons choisi Delhi parce que plusieurs de nos clients y sont basés et qu’après une rapide comparaison des deux villes, la vie y est moins chère qu’à Mumbai avec autant d’opportunités business.” Elle se déplace très souvent et est presque toutes les semaines à Bombay pour suivre ses projets et developper son cabinet. “Ma famille était surprise quand j’ai annoncé que je repartais, mais je me sens maintenant très bien en Inde et suis ravie d’y être revenue !”, avoue-t-elle.
Les collaborateurs de Nieveetha travaillent dans la structure de Kochi, et sont originaires de l’état du Kerala. Elle s’est rapidement rendue compte que la plupart d’entre eux ne fonctionnaient pas selon le même schéma qu’en France, et qu’en particulier, ils n’étaient pas toujours autonomes dans leur travail : “De temps en temps, ils ont besoin qu’on les prenne par la main et les accompagne. C’est un comportement auquel je n’étais pas habituée mais j’ai du m’y adapter”, nous dit-elle.
Par contre, Nieveetha apprécie beaucoup l’ambiance “familiale” et la bonne humeur des Indiens au travail. “Ils sont zen et toujours joyeux, il n’y a pas de stress,” affirme-t-elle et ajoute : “On rencontre facilement les familles des collaborateurs ce qui n’est pas forcément le cas en France. On parle facilement de sa vie privée aussi.”
Nieveetha a le sentiment que les Indiens sont encore peu habitués à avoir des relations professionnelles avec une femme arrivée à un certain niveau, surtout si elle est plus jeune qu’eux. C’est un milieu encore patriarcal et la femme doit prouver ses compétences et assoir son autorité avant d’être reconnue. “Nous avons eu le cas d’un prestataire qui n’a pas accepté de devoir travailler avec moi et de me rendre compte. La situation devint rapidement ingérable et nous avons du nous en séparer.”
La situation civile de Nieveetha n’est pas naturelle pour les Indiens même dans les grandes villes. “Culturellement, une femme ne vit pas seule et n’est pas indépendante, ce poids culturel est encore fort dans la société indienne. Comme je leur ressemble du fait de mes origines, ils ne comprennent pas”, déclare-t-elle.
Finalement, Nieveetha considère que son séjour en Inde sera un atout dans sa carrière professionnelle même si les relations homme-femme au travail ne sont pas les mêmes qu’en France et que sa vie privée est mise entre parenthèses pendant quelque temps. Elle ne retiendra qu’une chose de cette expérience : rien n’est impossible.