La présentation du budget de l´Etat est toujours un exercice important pour les gouvernements quels qu'ils soient. Ce document prévoit les dépenses et les recettes de l'Etat pour l'année civile à venir. Celui-ci doit être soumis à l'approbation de l'Assemblée de la République et recueillir lors du vote une majorité afin d´être approuvé.
Depuis quelques semaines maintenant, le gouvernement portugais conduit par le Premier ministre António Costa qui a négocié, depuis octobre 2015, une coalition à gauche pour gouverner est en difficulté. En effet, le parti socialiste auquel il appartient sachant qu'il en est également le Secrétaire général en exercice, cherche un terrain d'entente avec les autres partis de gauche qui sont le Bloc de Gauche (BE) et le Parti communiste portugais (PCP). Le soutien de ces partis est indispensable pour que le budget puisse être adopté à l’assemblée. Le vote du budget dans sa partie générale aura lieu ce mercredi 27 octobre, néanmoins le BE et le PCP ont exprimé, pour le moment, leur volonté de voter contre. Cette décision met à mal le Parti Socialiste.
Le BE et le PCP voteront contre le Budget
Depuis déjà quelques semaines, ces deux partis mettent en avant les dissensions avec le gouvernement d'António Costa sur les mesures phares du Budget d'Etat 2022. Ils demandent un approfondissement des mesures sociales avec notamment des revendications du BE sur des sujets que celui-ci juge indispensables pour le bien être des Portugais : notamment l'augmentation des salaires, des retraites et du budget pour le système de santé. Les réunions entre les représentants des partis de gauche, Jerónimo de Sousa (PCP), Catarina Martins (BE) et le Premier ministre António Costa (PS) se sont multipliées mais peu d'avancées notables sont à souligner, bien au contraire. Pourtant, le gouvernement pensait avoir fait un grand pas en avant, ce vendredi 22 octobre en annonçant de nombreuses propositions, censées faire converger les intérêts de chacun. Bon nombre de ces mesures avaient été prises pour satisfaire, principalement, les volontés du BE et du PCP. Parmi celles-ci : la gratuité des crèches en première année à partir de septembre 2022 (concession au PCP), une augmentation du salaire minimum de 50 euros par an pour atteindre 850 euros en 2025 ou encore l'augmentation du montant des retraites pour les retraités percevant une pension jusqu'à 1097 euros par mois. Malgré ces annonces, les deux partis campent sur leurs positions. C'est ainsi que certains membres de l'exécutif portugais ont montré des signes d'agacement. La ministre du Travail, de la Solidarité et de la Sécurité sociale, Ana Mendes Godinho, a déclaré que le budget devait résulter « de compromis et non d'impositions », déplorant l'intransigeance des deux partis de gauche. Justement, pour le BE et le PCP, le gouvernement n'aurait en réalité répondu qu'à certaines de leurs attentes et uniquement en partie. Trop peu pour valider le budget de ce mercredi. Les dernières réunions ont été peu fructueuses ainsi le BE puis le PCP ont annoncé successivement un vote contre le budget du gouvernement. Si chaque parti affirme que les discussions peuvent évoluer jusqu'à mercredi, Jerónimo de Sousa, Secrétaire Général du PCP disait ne plus croire en « la magie ».
Le gouvernement d'Antonio Costa en danger si le budget ne passe pas
La république portugaise est monocamérale, elle est composée d'une seule chambre qui est l'Assemblée de la République. Celle-ci est composée de 230 députés. Si le Parti Socialiste par le bais de son Premier ministre est à la tête du pays, il n'a pas, à lui seul, la majorité absolue dans la chambre, avec 108 députés. Ainsi le désaccord avec le BE et le PCP, s'il en reste ainsi, met grandement en cause la validation du Budget de ce mercredi. Le parti d'opposition de droite (PSD) a 79 sièges et ses voix s'élèveront logiquement contre le budget du gouvernement d'autant plus que le Premier ministre n'a jamais voulu négocier avec les partis de droite. Si les 19 voix du BE, les 10 voix du PCP, les 5 voix du CDS et les 3 abstentions déclarées des députés PAN, s'ajoutent aux voix du PSD, le budget sera très certainement recalé et cela malgré l´abstention de deux députés sans étiquette politique. A cela s'ajouteront certainement les voix de Chega (une) et de l'Initiative libérale (une). Le PS à l´Assemblée de la République se prépare à faire cavalier seul et donc à un scénario compliqué. En effet, le Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa a laissé entendre ce lundi qu'il entamerait « le processus de dissolution » de l'Assemblée si le budget n'était pas accepté. Cette dissolution entraînerait des élections législatives anticipées, alors que les dernières ont eu lieu en 2019. Le PS espère encore trouver un terrain d'entente avant mercredi avec le PCP et le BE pour éviter ce désaveu qui plongerait le pays dans une grave crise.
Surprise des analystes politiques
Certains observateurs politiques s'étonnent de la situation. L'effort consacré au budget 2022 avec des mesures de politique sociale prises par le gouvernement est réel. Le Premier ministre aurait tendu une main vers le PCP et le BE pour les satisfaire mais cela ne devrait pas suffire ! L'ancien président du PSD Luis Marques Mendes s'exprimait, dans un entretien, en disant que les deux partis (BE et PCP) semblaient pourtant avoir gagné la bataille des négociations, qualifiant le budget 2022 comme étant un « des plus à gauche » de ces dernières années. Après les dernières élections municipales qui ont vu le PS perdre la capitale du pays, si la solution n'évolue pas avant ce mercredi 27 octobre le gouvernement du Premier ministre PS pourrait se diriger vers une impasse avec un scénario qui conduirait le pays vers une instabilité certaine sur les prochaines semaines et peut-être mois.