Si vous n'en avez pas encore entendu parler, Adieu Monsieur Haffmann est une pièce qui fait sensation en France depuis plusieurs années, portée par Jean-Philippe Daguerre, auteur lauréat de quatre Molières. Du 5 mars au 12 avril 2025, Jean-Philippe joue sa pièce à Londres pour quelques représentations exceptionnelles : “J’ai choisi la période de l’Occupation car j’ai été inspiré par l’histoire de ma propre famille”.


Paris, 1942. Joseph, bijoutier juif, est traqué par des nazis. Il demande de l'aide à Pierre, son employé de confiance, qui lui propose un marché risqué : cacher Joseph en échange de la gestion de sa bijouterie. Mais la situation devient plus complexe quand Pierre demande un compromis impensable avec la femme de Joseph, Isabelle. Les tensions et les dilemmes moraux se mêlent, tandis que l’amour et la survie se heurtent au contexte tragique d’une époque sombre. Jean-Philippe Daguerre nous a accordé un moment pour parler de son œuvre qui sera présentée au Park Theatre, du 5 mars au 12 avril.
Adieu Monsieur Haffmann a connu un gros succès en France. Qu'est-ce qui, selon vous, a touché le public ?
Je pense que c’est la petite histoire à l'intérieur de la grande qui a eu un réel impact. La grande histoire parle à tout le monde, car la pièce se déroule dans une période terrible de notre histoire avec le monde de l'Occupation. Ce qui fait la différence avec d’autres pièces traitant déjà de ce sujet, est que j'ai privilégié la petite histoire, qui est assez originale dans son contexte.
Le public a été surpris par le point de départ du récit, et aussi par l'humour présent dans la pièce. Il y a une grande scène finale avec beaucoup de suspense. Je pense que les spectateurs s'attendaient à une pièce historique, mais ils ont découvert une histoire où ils pouvaient se reconnaître, à travers les personnages et leurs dilemmes, leurs peurs et leur courage, qui résonnent encore aujourd'hui.

Pourquoi faire le choix du contexte de l’Occupation ?
Je savais que je voulais raconter l’histoire d’un couple prêt à tout pour avoir un enfant. À côté de cela, je voulais les plonger dans une époque où ce désir d’enfant était encore plus compliqué à satisfaire. J’ai choisi la période de l’Occupation car j’ai été inspiré par l’histoire de ma propre famille.
Mes arrière-grands-parents ont caché une famille juive polonaise dans leur cave à Montauban, pendant quelques mois. Cette histoire s’est mêlée à un autre sujet qui me touchait personnellement : des amis proches confrontés aux épreuves de la stérilité. J’ai combiné ces éléments pour donner naissance à Adieu Monsieur Haffmann.
Les prix remportés par la pièce :
Molière du Théâtre privé.
Molière du comédien dans un second rôle : Franck Desmedt, pour son rôle dans Adieu Monsieur Haffman.
Molière de l'Auteur francophone vivant : Jean-Philippe Daguerre, pour Adieu Monsieur Haffmann.
Molière de la Révélation féminine: Julie Cavanna, dans Adieu Monsieur Haffmann.
La pièce a d’ailleurs été très bien reçue aux Molières, avec quatre prix. En tant qu'artiste, qu'est-ce que cela représente pour vous ?
Évidemment, cela fait plaisir. Nous pouvons dire que les récompenses ne sont pas essentielles, mais elles comptent pour plusieurs raisons. D’abord, elles aident un spectacle à vivre longtemps, surtout une pièce qui n’a pas de tête d’affiche connue au départ, comme la mienne. Ensuite, elles prouvent qu’il est possible d’avoir du succès sans être porté par des personnalités télévisuelles, mais avec des comédiens talentueux qui ne sont pas médiatisés.
Symboliquement, cela valorise aussi le travail de troupe et le théâtre de compagnie, ce qui me tient particulièrement à cœur. Enfin, être reconnu par ses pairs est une grande satisfaction. Les Molières ont donné une véritable longévité à la pièce, lui permettant une carrière internationale et une adaptation au cinéma, notamment.
Quel est le message que vous avez voulu transmettre avec cette pièce ?
Je pense que l’être humain est complexe, fait de qualités et de défauts, et qu’il y a toujours une seconde chance dans la vie. Le personnage de Pierre, par exemple, commence comme un homme bon, prêt à faire un sacrifice par amour pour sa femme. Mais, au fil du récit, il bascule à cause de la peur et de la paranoïa, influencé par la situation et les événements. Il devient alors quelqu’un qu’on ne reconnaît plus.
Il s’agit là d’une manière de dire que nous sommes tous capables de basculer du bon ou du mauvais côté, si certaines conditions sont réunies. Cela interroge notre propre part d’ombre et de lumière. La phrase clé de la pièce est "Le courage est plus fort que la peur". C’est ce que je voulais montrer : la complexité des choix humains, sans jugement, sans manichéisme.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de représenter la pièce à Londres ?
Ce n’est pas moi qui ai fait l’adaptation, mais une équipe anglaise de grande qualité, menée par Jérémy Sams, qui a réalisé la traduction. Je ne parle pas très bien anglais, mais j’ai pu voir que le texte restait fidèle à l’esprit original. J’ai assisté à une première version jouée au Théâtre Royal de Bath et j’ai trouvé le travail formidable. Pour moi, c’est un privilège de voir la pièce s’exporter ainsi.
Même si je ne maîtrise pas la langue, je sais ce que ma pièce raconte et je ressens la musicalité des répliques. J’ai lu la traduction, je l’ai écoutée, et j’ai tout de suite senti que l’esprit était respecté. Jérémy Sams a su préserver le rythme et la matière du texte.
Avez-vous des attentes particulières par rapport à la représentation de votre pièce à Londres ?
Non, je n’ai pas d’attente précise, car il s’agit avant tout d'une récompense symbolique. La pièce a déjà eu une belle carrière en France et à l’international, mais Londres, c’est toujours particulier. Nous parlons d’une capitale du théâtre, une référence mondiale, avec Paris et New York. Peu d’auteurs français vivants y sont joués, donc l’honneur est immense. Disons qu’il s’agit d’une belle cerise sur le gâteau, pour ce spectacle qui vit depuis dix ans.
Niveau attente, je pense que mon trac est le même que celui d’un auteur anglais montant une pièce à Paris. Nous savons que nous plaisons au public national, mais qu’en sera-t-il ailleurs ? Cela dit, j’ai déjà pu voir la pièce au Royaume-Uni, et les retours étaient excellents, tant du public que de la critique. Donc, j’ai moins d’appréhension et plus de confiance en ce que la pièce peut susciter !
Informations pratiques :
Date : du mercredi 5 mars au samedi 12 avril
Lieu : Park Theatre, Clifton Terrace, London N4 3JP
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