Il est de ces destins que l’on n’envisage pas, et pourtant… Sarah de Lagarde fait partie de ceux qui, confrontés à une situation extrême et dramatique, décident de passer en mode action, et qui deviennent, presque malgré eux, une figure emblématique qui force le respect. 80% humaine et 20% bionique à la suite d’un terrible accident dans le métro londonien, Sarah de Lagarde nous a confié son histoire, son quotidien, ses projets, sa mission. Un témoignage des plus authentiques et inspirants, dont on ne ressort pas tout à fait le/la même…


Des Pyrénées au Kilimandjaro
Originaire des Pyrénées, Sarah de Lagarde, 46 ans, passe son enfance dans les montagnes. Elle change d’horizon à l’adolescence lorsque sa famille déménage à Francfort, en Allemagne. Elle revient en France pour ses études en langues étrangères appliquées avant un master à l’ESCP, puis s’installe à Londres en 2004 avec son mari. Cette business woman se spécialise alors en communication, gestion de patrimoine d’entreprise, coaching de leaders et management de crise, notamment au sein de Janus Henderson Investors qu’elle intègre en 2019. Sportive et aimant le challenge, elle réalise en 2022 avec son mari Jérémy son rêve de gravir les pentes du Kilimandjaro.
Atteindre le sommet du Kilimandjaro fut une expérience incroyable, j’étais tellement fière de moi, rien ne pouvait m’arriver, je me sentais invincible !

Kilimandjaro, août 2022
Ayant choisi un parcours progressif, Sarah et son mari font une ascension de 7 jours, pour admirer le lever du soleil à 5895 m, une expérience incroyable ! C’est un spectacle bouleversant de beauté, mais aussi une température de -200C, le manque d’oxygène et le mal d’altitude.
L’enfer sous terre
Le 30 septembre 2022, après une longue journée de travail, sur le sol mouillé de la station de métro High Barnet, Sarah glisse dans le fameux « gap » entre le quai et le wagon, sans que personne ne la voit tomber. Le train repart… Il lui faudra attendre 15 min et le passage de deux trains sur son corps pour que l’alerte soit donnée, par ses propres cris. Miraculeusement, Sarah est toujours en vie et consciente : « J’ai tenu bon car j’ai vu le visage de mes deux filles qui me demandaient de rentrer à la maison. J’ai ralenti ma respiration pour m’économiser comme m’avaient appris les guides du Kilimandjaro. Et grâce à mon expertise en management de crise, j’ai su rester calme, pour ne pas paniquer. »
Sarah poursuit : « Après l’expérience extraordinaire du Kilimandjaro, je ne voulais quand même pas mourir sur les rails du métro ! » Les secours mettent 45 min à l’extraire, puis London’s Air Ambulance l’évacue très vite. Le bilan est très lourd : nez cassé, dents en morceaux mais surtout deux membres très sévèrement endommagés, la jambe et le bras droits, qu’il faudra rapidement amputer. La première opération dure 15 heures et les médecins la considèrent comme miraculée tant elle aurait pu mourir dix fois ce jour-là…
Chaque matin, juste avant d’émerger, je pense que c’est un cauchemar, puis je me réveille...
80% humaine, 20% bionique, la vie d’après
Sarah vit aujourd’hui avec deux prothèses dont celle du bras, articulée par de l’IA, qu’elle financera avec son mari par une levée de fonds de 250.000 £ ! Le quotidien reste évidemment très lourd et compliqué. Être dépendant d’autrui, et l’accepter, endurer la souffrance 24h/24, notamment celle des douleurs fantômes des membres amputés, comme une sensation de brûlure permanente : « Chaque matin, juste avant d’émerger, je pense que c’est un cauchemar, puis je me réveille... Là, je dois choisir : abandonner ou me battre. »

La bataille juridique contre TFL
Depuis février 2024, Sarah poursuit en justice la société TFL (Transport for London), pour l’avoir laissée 15 min avant de stopper le trafic, d’appeler les secours et d’arrêter l’alimentation électrique des rails. A ce jour, TFL nie toute responsabilité et n’a formulé aucune excuse à son égard. Sarah explique que le statut mi-privé/mi-public du métro le plus vieux au monde (et un des plus chers) est une des raisons pour lesquelles les profits ne sont que trop peu réinvestis dans la modernisation des infrastructures et de la sécurité : « Je veux pousser TFL à faire de la sécurité une priorité car chaque mois, 22 personnes en moyenne sont sérieusement blessées ou meurent dans le métro à Londres ! » affirme Sarah.
Août 2024, Kilimandjaro le retour
Dès le début de sa convalescence, tout le monde encourage Sarah : « Tu vas remarcher et reprendre la randonnée ! » Sa maman lui peint même une aquarelle du Kilimandjaro. En février 2024, Sarah la battante lance à son mari : « Si on y retournait ? Avec les filles cette fois ! » (9 et 13 ans, NDLR). Banco, la famille s’entraine et se lance dans cette aventure totalement folle, avec deux de ses kinésithérapeutes, Cat et Kat, et la même équipe d’expédition qu’en 2022.
Sur le Kilimandjaro, ils parcourent 82 km en 5 jours, affrontent le froid, le vent, la douleur, le manque d’oxygène, le mal d’altitude, mais aussi le froid et la poussière qui imposent d’ajuster en permanence les deux prothèses de Sarah. Certains s’arrêtent au camp de base (4700 m), puis d’autres au Stella Point (5756 m). C’est finalement sans son mari ni ses filles, mais avec un mental de fer, que Sarah rallie Uhuru Peak (5895 m), l’ultime sommet, accomplissant l’exploit d’être la première femme doublement amputée à atteindre le sommet du Kilimandjaro !

Devant cette lumière rose, ce duvet de nuages enveloppant les glaciers enneigés, je me suis sentie toute petite face à l’infiniment grand, comme sur une autre planète, avec au loin une petite porte entrouverte…
La technologie d’assistance va changer nos vies !
Sarah reprend le travail seulement quatre mois après son accident ! « Chez Janus Henderson, tout le monde s’est montré tellement bienveillant et solidaire, retravailler vite m’a aidée à tenir bon ! » Avec son management, Sarah redéfinit les contours de son poste pour se concentrer sur le secteur de la santé ; elle est aussi conférencière, auteur, influenceuse et ambassadrice pour la start-up COVVI, qui a conçu sa main bionique : « Je veux montrer à quel point cette technologie d’assistance peut et va changer nos vies. » Mais il reste beaucoup de progrès à accomplir pour la population vieillissante et les 60 millions d’amputés dans le monde ! Sarah clame : « Ma mission est d’amener cette coûteuse technologie dans notre quotidien pour plus de sécurité et d’autonomie jusqu’à la fin de nos vies ! »

Ne pas être invisible
Sarah l’affirme, nous sommes tous beaucoup plus résilients que nous le pensons. Oser demander de l’aide, ne pas avoir peur, être authentique et profiter du présent, sont les principes qu’elle essaie de transmettre à ses filles. Et même si elle avoue avoir du mal à accepter sa nouvelle enveloppe corporelle et ne plus pouvoir prendre le métro, Sarah assure avoir retrouvé une certaine paix intérieure.

J’ai décidé de ne pas être invisible et de montrer mes prothèses pour inspirer mes pairs et les encourager à être fiers d’eux !

Le Best Of de Sarah de Lagarde
-Ce qu’elle préfère de Londres : la mentalité des Britanniques, leur tolérance, leur sens de l’humour
-Ce qui lui manque de France : l’art de la table du quotidien
-Sa source d’inspiration : la formidable communauté d’handicapés avec qui elle échange sur les réseaux sociaux ; Olivier Goy et son association Les Invincibles.
-Ce qui la révolte : la publicité de TFL montrant une femme avec un seul bras (du disability washing selon elle). Mais aussi l’attitude malveillante de certains membres du personnel de sécurité dans les aéroports à son encontre.
-Une envie d’ailleurs : découvrir l’Antarctique car…
Se sentir minuscule devant un paysage infiniment grand rend les petits problèmes !
Suivre Sarah de Lagarde :
Site https://www.sarahdelagarde.com/
Instagram @sdelagarde
LinkedIn Sarah de Lagarde
Les entreprises et associations qu’elle soutient :
COVVI, Partners in Prosthetics
London’s Air Ambulance
STAND, We Walk Together
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