Hier, le conservateur Mariano Rajoy a de nouveau démenti toute implication dans une supposée comptabilité irrégulière, lors du sommet hispano-germanique à Berlin. Ses paroles ne suffisent pourtant pas à calmer l'indignation générale qui déferle sur la Péninsule.
(Photo lepetitjournal.com)
"Les opinions sont libres, mais comme je l'ai manifesté ce samedi, les choses dont on m'accuse sont fausses", a insisté le chef du Parti populaire (PP) en réaction à la pression de l'opinion publique et des médias. Devant la chancelière allemande, Angela Merkel, Rajoy a -enfin- répondu aux questions des journalistes sur l'affaire Barcenas. Il l'a fait en niant les accusations, avec quelques légères nuances. Dans cet exercice, le chef du gouvernement espagnol a fait honneur à sa réputation de Galicien, avec une réponse qui en laissera perplexe plus d'un : il a assuré que dans les documents publiés "tout ce qui se réfère à moi et à mes compagnons de parti est faux." Avant d'ajouter : "Sauf certaines choses qui ont été publiées par certains médias" ("Todo lo que se refiere a mí y a mis compañeros de partido no es cierto. Salvo alguna cosa, que es lo que han publicado algunos medios de comunicación")... Comprenne qui pourra. L'intervention a été reprise par de nombreux journaux espagnols, comme 20 minutos, qui reproduit ici une vidéo de l'intervention et des explications du Premier ministre. Des explications qui restent bien vagues pour une enquête d'une si grande importance.
L'affaire Bárcenas en bref Le 16 janvier, la justice espagnole révèle l'existence de 22 millions d'euros dissimulés dans cinq comptes bancaires en Suisse, détenus par l'ex-trésorier du Parti populaire espagnol, Luis Bárcenas. C'est le prélude de l'affaire Bárcenas. Deux jours plus tard, sur la foi de cinq témoignages d'anciens dirigeants du PP, le journal de centre-droit El Mundo amorce la bombe : l'ex-trésorier aurait versé pendant 20 ans des "compléments de salaires" aux principaux dirigeants du parti, pour des sommes oscillant entre 5.000 et 15.000 euros mensuels. Le tout en liquide et dans le dos du fisc espagnol. Cet argent semble provenir de plusieurs entreprises de bâtiment et de travaux publics, moyennant des faveurs pour des contrats de construction, selon le quotidien. Le jeudi 31 janvier, le journal El País (centre-gauche) appuie une deuxième fois sur le détonateur en publiant des photos des comptes manuscrits qui font apparaître le nom du Premier ministre Mariano Rajoy en bonne place dans ce présumé scandale de corruption. Selon ces documents, l'actuel chef du gouvernement aurait perçu entre 1997 et 2008 une somme de 25.200 euros par an sous forme de dons, provenant de chefs d'entreprises. Appelé à se présenter au front médiatique, la secrétaire générale du PP, María Dolores Cospedal dément "fermement" ces accusations. Samedi, au cours d'une intervention devant les cadres de son parti, à l'écart des questions des journalistes, Mariano Rajoy a insisté : "Jamais, je répète, jamais je n'ai reçu ni distribué d'argent au noir." Hier à Berlin, le Premier ministre espagnol a campé sur ses positions. |
Relation de confiance entre Berlin et Madrid
Malgré les différends qui opposent traditionnellement Merkel et Rajoy au sujet de l'économie européenne et de la zone euro, la chancelière allemande a exprimé sa pleine confiance dans le gouvernement espagnol en assurant que l'Allemagne l'appuiera "de toutes ses forces". Angela Merkel a réitéré son respect vis-à-vis des mesures d'austérité mises en place par le gouvernement en Espagne. Elle a par ailleurs assuré que les deux pays s'entraideraient pour lutter contre le chômage des jeunes espagnols en améliorant la formation professionnelle et en fomentant la mobilité des travailleurs dans l'Union européenne.
Une côte de popularité en chute libre
Au coeur de la tourmente, Mariano Rajoy est confronté à une indignation populaire grandissante. Les partis d'opposition ont demandé sa démission de la tête du gouvernement. Alfredo Perez Rubalcaba, chef du parti socialiste, a annoncé à la presse que le chef du gouvernement devait démissionner "ne pouvant pas faire face à la situation très grave que traverse l'Espagne" selon un article du Monde. Dans les intentions de vote des Espagnols, les deux partis opposés sont pratiquement à égalité : 23,9% pour le PP, contre 23,5% pour le parti socialiste, selon un sondage publié dimanche par El Pais, faisant tomber la côte de popularité du parti au pouvoir au plus bas depuis sa victoire aux élections de novembre 2011. Le journal espagnol révèle également que 80% de la population souhaite qu'une enquête approfondie soit réalisée sur l'affaire Barcenas afin de clarifier la situation actuelle.
La Toile s'en mêle
Sur les réseaux sociaux, les tweets concernant l'affaire regorgent d'ironie. Le hashtag #YoCreoEnRajoy, lancé par les communicants du PP, a été détourné par les utilisateurs de la Toile pour s'en moquer. Ainsi peut-on croiser des blagues de plus ou moins mauvais goût au fil des tweets comme des références à l'affaire Lewinski, du nom de l'ancienne secrétaire du président américain Bill Clinton.
Plus sérieusement, une pétition a été lancée jeudi sur la plateforme Change.org : elle recueillait hier soir plus de 850.000 signatures, qui réclament la démission de Mariano Rajoy à la tête du gouvernement.
Milia COLOMBANI (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mardi 5 février 2013
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