Plutôt que de s'offrir une maison en bord de mer, certains décident de faire l'acquisition d'un hameau. En Espagne, environ 3.000 villages sont laissés à l'abandon et beaucoup d'entre eux sont désormais disponibles à la vente. La cote de ces communes désertées remonte auprès des acheteurs pour le plus grand plaisir des promoteurs. Un bien immobilier d'un autre genre qui attire les investisseurs étrangers mais aussi de plus en plus d’Espagnols.
Mieux qu'une maison, ceux qui souhaitent investir dans l'acquisition de murs peuvent pourquoi pas s'offrir un village entier. Désertés il y a plusieurs décennies, les hameaux espagnols se repeuplent peu à peu par le biais d'une offre immobilière alléchante. Ces villages oubliés sont majoritairement situés dans le Nord du pays. La campagne galicienne et les Asturies en regorgent, tout comme la Catalogne. On compte selon El País plus de 3 000 villages abandonnés, et des centaines sur le marché de l’immobilier. Loin des axes routiers, ils sont souvent difficiles d'accès -et c'est bien d'ailleurs pour ça qu'ils sont si demandés. Quand les maisons sont abandonnées depuis trop longtemps, les promoteurs peinent à retrouver les propriétaires pour pouvoir les mettre en vente. Quand ils parviennent à retrouver les propriétaires, il faut parvenir à un accord, et ensuite s’occuper du notaire, du cadastre, et voir avec les conseils municipaux pour les différents papiers supplémentaires. Dans certains cas, ce sont les banques qui ont saisi les ruines restantes. Quand les villages se vident peu à peu, le dernier habitant restant est bien souvent celui qui a racheté les titres de propriété. Pour lui, c'est le jackpot d'un pari sur le long terme. Avant 2008 et la crise, ces villages n'intéressaient pas. Voilà qu'aujourd'hui ils représentent un investissement bon marché et sont synonymes de nouvelles opportunités personnelles ou professionnelles.
Des acheteurs qui se diversifient
Pour répondre à la demande de ceux qui souhaitent lâcher un travail stressant et un rythme effréné pour la tranquillité dans un cadre bucolique, le site internet www.aldeasabandonadas.com/ entre autres propose une soixantaine de villages à la vente dans différentes régions d'Espagne ainsi que d'autres lieux insolites à acquérir. Elvira Fafian, gérante du site explique qu’il y a "beaucoup de clients qui veulent vendre, des gens entre 35 et 45 ans, qui ne sont plus attachés à leur village familial". Du côté des investisseurs, la donne a changé. Auparavant on comptait presque majoritairement sur des acheteurs d’Europe du Nord ; des Anglais, des Belges, des Français, séduits par le style de vie espagnol et qui acquièrent un village pour y couler une douce retraite. D'autres particuliers développent le tourisme rural en transformant les hameaux en maisons d'hôtes. Des idées parfois farfelues arrivent sur la table des promoteurs qui citent le cas de personnes souhaitant réserver le cadre champêtre à des activités de naturisme ou d'échangisme. Aujourd’hui, ils sont environ 70% des acheteurs, mais les Espagnols sont de plus en plus nombreux, passant de 1% il y a quelques années à 30% selon Elvira Fafian. Dans les étrangers, on trouve aussi des investisseurs des pays arabes et de Russie, mais ils restent minoritaires.
Des prix bas, mais qui augmentent
Acheter un village pour pas cher, oui, mais ce ne sera bientôt plus possible. Avec tous les investissements réalisés, le prix de l’immobilier est en train de remonter. Selon El País, le site internet les prix moyens tournent autour de 200.000 et 450.000 euros, et ils peuvent monter jusqu’à 2,5 millions et 7 millions d’euros. De plus même si certains hameaux restent vraiment peu chers, le travail de rénovation derrière peut s’avérer extrêmement coûteux. Selon le quotidien espagnol, "la plupart des villages sont en état de ruines totales, et requierrent en moyenne un investissement de 500.000 à 600.000 euros". Mais des aides existent, du conseil municipal, qui souhaite redynamiser ses hameaux fantômes, aux gouvernements régionaux, en passant même par l’Union européenne. Et il n’empêche que certains hameaux restent moins chers qu’un appartement dans les grandes villes, où le coût de l’immobilier a explosé et n’est pas près de redescendre.
Cette situation met cependant en lumière la crise démographique que connaissent les petits villages. Les jeunes ne veulent pas y rester, la population vieillit et la natalité est souvent nulle. Selon l’Institut National des statistiques (INE), 15 provinces d’Espagne ont perdu au moins dix localités en moins de 23 ans. En même temps, les communes de moins de 101 habitants ont augmenté de 60%, ce qui montre un réel exode rural de la part des personnes des campagnes. Dans ce contexte, les investisseurs sont importants pour les communes, leur offrant une chance de se redynamiser.
Stéphane HODJA + Mathilde DUMUR