Vivre à l’étranger et scolariser son enfant dans une école française n’est pas forcément le choix des expatriés. Les raisons les plus citées sont l’apprentissage d’une autre langue, un système éducatif différent, la proximité du domicile ou encore le coût de la scolarité. Témoignages de Français installés en Espagne.
On aurait pu penser que Javier, PDG d’une entreprise active dans le domaine de la santé, qui a fait toute sa scolarité au Lycée Français de Madrid et une partie de ses études supérieures en France, aurait adopté le même cursus pour ses enfants. Loin de là. Son choix, mûrement réfléchi, s’est porté vers un centre éducatif espagnol reconnu depuis peu par l’OCDE pour la qualité de son enseignement.
Des ratios PISA largement supérieurs à la moyenne espagnole
"Mes enfants vont au Colegio Santa María la Blanca –explique Javier. Ce centre a une méthode d'enseignement très particulière qui a fait son succès. J’avais parcouru le rapport PISA et constaté que cette école avait les mêmes ratios que celles de Singapour, qui sont numéro un".
Dans ce centre situé au Montecarmelo, près de Las Tablas, l’autonomie des enfants est fortement encouragée. "Je suis très satisfait –poursuit-il. D’ailleurs, si je devais engager quelqu'un dans mon entreprise, ce serait mes filles ! Elles ont acquis un sens aigu de l'organisation, de la responsabilité, avec une incroyable routine d’autorégulation. En plus, c'est une école dont la charte prime les critères d'inclusion, avec des enfants ayant un handicap moteur dans chaque classe, et cela me semble important".
Franco-espagnol, Javier conserve peu de relations avec la France, et l’apprentissage du français n’était pas une priorité absolue pour lui. "Il me semble qu'il est inutile d'apprendre une langue qu'on n'utilise pratiquement pas. L'école est bilingue espagnol/anglais, avec option français. Si c’est nécessaire, j’engagerai un professeur de français comme soutien".
International Bachelor (IB) : un Baccalauréat international
Pour Valérie et son mari Emmanuel, le choix était également très clair. "Cela fait 20 ans que nous vivons en Espagne – raconte Valérie- et nous avons toujours travaillé dans des multinationales françaises ou américaines. Nous n’avons jamais eu de velléités de retour en France. Donc très naturellement quand on s’est posé la question de la scolarité pour nos enfants, il n’y avait pas un impératif d’assurer, tout au long de l’expatriation, une continuité dans le système éducatif. Ma famille, qui a toujours travaillé dans l’éducation nationale à l’étranger et a donc été confrontée à des situations d’expatriation, m’a conseillé de les mettre dans un établissement avec un environnement le plus international possible. Je me suis donc tournée vers l’International Bachelor, IB".
Leurs deux enfants, de 10 et 12 ans, sont scolarisés dans des établissements différents, l’ICS (International College Spain, à La Moraleja) et Brains (Colegio Internacional Brains), mais qui possèdent une même méthodologie pédagogique, depuis la Maternelle jusqu’au Bac. "Il s’agit d’une méthodologie très particulière –explique Valérie- qui est reconnue dans le monde entier. Cela donne un Bac international, l’International Bachelor, avec une place réservée pour ce type de diplôme dans différents établissements qui recherchent des profils internationaux et auxquels nos enfants peuvent prétendre. Nous ne sommes donc absolument pas inquiets pour l’avenir de nos enfants".
Il n’y avait pas un impératif d’assurer une continuité dans le système éducatif
On imagine donc que l’anglais y a une place prépondérante. "Ce qui m’intéresse dans cette école, ce n’est pas du tout l’anglais mais l’ouverture d’esprit qu’elle suppose et les valeurs que cette méthodologie circule. Avec cet environnement international, cela fait des jeunes ouverts, curieux, épanouis. On ne sait pas où nos enfants travailleront, mais il est clair qu’ils doivent se préparer à travailler en équipe, à avoir une bonne capacité d’adaptation et apprendre à mettre au service de la communauté leurs compétences", estime Valérie.
En Espagne il existe plusieurs établissements espagnols ou internationaux qui offrent cette méthodologie, mais il est important de vérifier que le centre éducatif soit bien certifié IB. Seul gros bémol : son prix. Comme le signale Valérie, "il faut voir ça comme un investissement, car cela vaut une petite école de commerce à l’année! L’éducation privée en Espagne est hors de prix par rapport à la France".
Il y avait souvent des grèves
De son côté, Philippe, directeur dans le secteur retail de la grande distribution est expatrié depuis des années. Arrivé en Espagne il y a plus de dix ans après un séjour en Ukraine, il a décidé de scolariser ses deux filles, de 13 et 16 ans, au Liceo Europeo (La Moraleja), également certifié IB. Mais dans son cas, d’autres raisons ont pesé dans la balance.
"Quatre motifs ont été déterminants dans notre choix -se souvient-il-. En arrivant d’Ukraine nous avions d’abord mis notre fille au Lycée français parce qu’il a une bonne renommée à l’international. On l’y aurait sans doute laissée mais l’année où elle y était, il y avait souvent des grèves et nous avons eu peur qu’à chaque fois qu’il y ait du remue-ménage en France, ce soit la même chose ici ! Nous n’avons rien contre le système éducatif français, mais à la fin, on paie une école privée qui dépend trop du service public. Par ailleurs, tant les horaires scolaires, si peu en accord avec le mode de vie espagnol, que les nombreuses vacances, trop axées sur le schéma français, rendent très difficile la conciliation familiale. Et puis on voulait une partie de la scolarité en anglais, avec un excellent niveau de langue garanti".
Là encore, l’aspect négatif du Liceo Europeo est son prix. "C’est plus cher que le Lycée français par exemple –signale Philippe-, mais sa renommée fait qu’il est dans le top 5 des écoles privées en Espagne. Il est clair que si l’on change plusieurs fois de pays lors d’une expatriation, il est intéressant de privilégier la scolarité française pour s’assurer une continuité mais nous, on avait décidé de rester en Espagne et l’on voulait de l’anglais. Les filles sont parfaitement bilingues en français".
Nous avons privilégié la proximité
La distance entre l’école et le domicile a été le facteur décisif pour Jean-Baptiste, expatrié français, arrivé en Espagne il y a 20 ans pour son travail. "Nous vivions à Arganzuela –se souvient sa femme Cristina-. Nous avons d’abord regardé les différents centres d'éducation française, comme le LFM ou Saint Louis des Français, mais la logistique aurait été très compliquée pour nous, d’autant que je ne conduis pas, et nous avons finalement choisi une école près de chez nous. Nous vivons maintenant dans le quartier de Dehesa de la Villa et avons également privilégié la question de la proximité. Et pour cela, nous avons cherché les écoles où nous avions une place garantie, et cette fois, ce fut un centre 'concertado'. L'école est à cinq minutes de chez nous, ce qui nous permet de concilier plus facilement la vie professionnelle et familiale".
Nous n'excluons pas une section BachiBac
Mais alors, quelle place pour le français ? "Nos filles sont entièrement bilingues –affirme Cristina. Jean-Baptiste leur parle depuis le début en français et moi, en espagnol. Un autre aspect est qu’elles passent les étés en France avec leurs grands-parents, qui ne connaissent pas un mot d’espagnol. C'est donc une immersion totale pour nos filles. De plus, elles font le catéchisme en français à Saint-Louis des Français et là, elles se sont fait des amis français, élargissant ainsi le cercle de leurs amitiés. Nous n'avons rien contre le système français et nous n'excluons pas de les mettre dans une section BachiBac. D’ailleurs, il y a un centre tout près de chez nous !"
Le fait que ce collège ait une base chrétienne apporte certaines valeurs
Olivier, expatrié français, vit à Madrid depuis plus de dix ans. Marié avec une Espagnole, leur préoccupation première était aussi les longs trajets pour les enfants. "Nous vivons centre ville –explique-t-il- et l’on préférait une petite structure, qui aille de la Maternelle jusqu’au Bac. Je m’étais renseigné sur le LFM et je trouve que cela ressemble à une usine avec énormément de classes par tranche d’âge et il me semblait que cela ne convenait pas à mon fils. Pour son bien-être c’était mieux qu’il soit proche de l’école et n’ait pas à passer au moins une heure par jour pour rentrer chez lui. Une solution aurait pu être de changer de quartier et d’aller vers Conde Orgaz, voire Arturo Soria, mais les logements sont plus chers, ce qui aurait entraîné une augmentation du coût de la vie pour nous. On a donc choisi un établissement espagnol 'concertado' qui est à moins de dix minutes à pied de la maison. C’est important parce que de cette façon notre enfant a ses copains dans le quartier et il n’est pas isolé".
En ce qui concerne le système éducatif, Olivier ne pense pas que l’éducation espagnole soit meilleure ou moins bonne que la française. "Chaque système a ses avantages et ses inconvénients –affirme-t-il- mais ce que je sais, c’est que le système scolaire français s’est beaucoup détérioré en France ces dernières années. L’établissement espagnol que nous avons choisi est marianiste, une structure que je connaissais en France. Même si je ne suis pas pratiquant, le fait que ce collège ait une base chrétienne apporte certaines valeurs que je trouve importante pour l’éducation de mon fils. Nous avons donc fait la demande d’inscription et comme l’un des critères importants à Madrid pour avoir plus de points était la proximité du domicile, nous avons pu obtenir cet établissement".
Mais le coût a également eu une certaine influence. "Le LFM, école publique, a le prix d’un centre privé –rappelle Olivier. Il faut compter 6000 € par an, sans la cantine, beaucoup plus que ce que je paie ! Avec la différence, je peux donner des cours à mon fils ou le mettre dans une colonie de vacances en France, par exemple. En plus, dans un lycée privé, la direction choisit ses professeurs pour leur excellence, car les parents sont en droit d’exiger le nec plus ultra. Au LFM, beaucoup d’enseignants sont détachés de l’éducation nationale".
J’ai dû choisir le système espagnol car les frais de scolarité au LFM sont très élevés, surtout quand on a plusieurs enfants !
Pour d’autres parents cependant, le coût excessif -et en constante progression- de la scolarité française en Espagne, les a obligé à abandonner cette voie pour leurs enfants. C’est le cas de la Française Nieves, guide-conférencière franco-espagnole à Madrid. "J'ai fait mes études au LFM et tout naturellement, j’y avais inscrit mes enfants. Mais finalement, j’ai dû les mettre dans le système espagnol car les frais de scolarité au LFM sont très élevés, surtout quand on a plusieurs enfants !". Pour garder un lien avec la France et profiter des acquis, Nieves a choisi un Instituto qui offre la filière BachiBac. "L'IES Gabriel García Marquez est une des écoles qui a l'option de continuer les cours en français grâce à sa section bilingue et de passer le Bac et le Bachillerato. En plus, il se trouve près de chez nous et permet à mes enfants d'avoir des petits copains dans le quartier, ce qui était assez difficile au LFM, étant donné qu'il y avait des enfants qui venaient d'Aravaca, Pozuelo, La Moraleja ou même de plus loin".
Il me semble que le système espagnol est plus fort en mathématiques
"Je ne regrette vraiment pas ma décision de me tourner vers le BachiBac. Le niveau du LFM est assez élevé en général. Par contre, il me semble que le système espagnol est plus fort en mathématiques. Mais, on a encore tendance à apprendre tout par coeur, même si cela commence à changer. Comme partout, il y a des professeurs très bons et d'autres moins bons. Et surtout, c’est une option parfaite pour ceux qui décident de continuer leurs études supérieures en Espagne", poursuit Nieves.
Nota de corte et formule de conversion
Le coût excessif de la scolarité française à l’étranger a également obligé Laura à trouver une solution alternative pour ses enfants. "Ancienne élève du Lycée français, se souvient-elle-, j’ai bien sûr voulu que mes enfants aillent comme moi au LFM pour avoir une parfaite maîtrise de la langue et de la culture française. Mais malheureusement, nous n'avons pas eu d'autre choix que de les sortir de là pour des raisons économiques. Mon mari et moi avions tous les deux perdu notre emploi. Étant Française, j'ai demandé l’accès aux bourses, mais les conditions sont trop strictes. Comme nous possédons un appartement, acheté à crédit au début des années 90, lorsque les prix étaient encore raisonnables, et qu'il s’est beaucoup réévalué depuis, ils ne nous ont pas accordé la bourse parce que l'appartement valait trop. Quelle était la solution, alors? Vendre l'appartement où l’on vit pour payer l'école? C’est dingue. Nous avions donc regardé toutes les options possibles et finalement décidé de mettre les enfants dans une école publique, l'IES Ramiro de Maeztu, qui est bilingue espagnol-allemand. Et nous en sommes ravis. Les enfants ayant été au LFM jusqu'au CM2, leur niveau de français est excellent tant à l'oral qu'à l'écrit. Ils sont maintenant pratiquement trilingues. En plus, s’ils étaient restés au LFM, il est clair qu’un de mes enfants, qui veut faire des études d’ingénieur, aurait été perdant pour la nota de corte avec la nouvelle formule de conversion de la note du Baccalauréat qui défavorise les meilleurs élèves".