Le nouveau proviseur du Lycée français de Madrid, qui a pris les rênes de l'établissement en cette rentrée, arrive à un moment charnière de l'institution, avec 140 ans d'histoire dans le rétroviseur -et les célébrations de cet anniversaire tout au long du cycle scolaire- mais aussi la nécessité de définir, pour les prochaines années, un cap adapté aux enjeux futurs et les moyens pour y parvenir. "On ne peut faire œuvre collective que si on a des repères partagés", estime le proviseur, fort de ses diverses expériences de direction dans le réseau, en France et à l'étranger. Ses priorités tourneront donc les prochains mois, autour de la rédaction d'un nouveau projet d'établissement et d'un nouveau règlement intérieur, en parallèle d'un effort de communication accru, via la refonte du site web notamment.
On n'a pas 140 ans tous les jours et on aurait tort de se priver du plaisir de les célébrer. Pour Gilles Martinez, dont l'arrivée au sein d'un des plus grands établissements français de l'étranger (près de 4300 élèves répartis entre deux sites) coïncide avec un anniversaire prévu et organisé de longue date, l'enthousiasme réside dans "ce que ce siècle et demi d'existence signifie en termes de partage avec le pays d'implantation". "Imaginez en 140 ans le nombre d'élèves qui sont passés sur nos bancs", s'exclame-t-il, "c'est une chance extraordinaire que de compter sur cet héritage international commun, dans la grande et la petite histoire".
Commémorer les 140 ans, c'est l'occasion de revenir sur le passé, mais aussi de s'interroger sur l'avenir
On reviendra plus loin sur les moments forts qui devraient marquer ces quatorze décennies d'histoire partagée. En attendant, le nouveau proviseur du LFM ne cache pas son entrain face aux perspectives que l'anniversaire permet d'ouvrir : "Commémorer les 140 ans, c'est l'occasion de revenir sur le passé, mais aussi de s'interroger sur l'avenir", évoque celui qui à cet égard avoue n'être "à l'origine de rien, sauf de l'étonnement". L'étonnement et le regard neuf constituent de fait les fondements d'une prise de fonctions, à propos de laquelle le proviseur se dit "très heureux et très honoré". "Je découvre un établissement doté d'un formidable potentiel humain, d'une très grande valeur professionnelle, et d'infrastructures exceptionnelles", déclare-t-il.
Le goût du grand large
Un jugement à recevoir à l'aulne du parcours de l'intéressé. Gilles Martinez aura rapidement pris le goût du grand large et navigué, très jeune, de l'enseignement des Lettres au provisorat. Après une première expérience de direction à Mayotte, dans un contexte particulièrement conflictuel, c'est en 2002 à Viña del Mar, au Chili, qu'il prend pour la première fois la tête d'un établissement du réseau. Des "plus belles années de [s]a vie", il conservera un goût indélébile pour un métier qui, exercé hors des frontières de l'Hexagone, intègre l'élargissement du champ des compétences et des responsabilités. "A l'étranger", évoque-t-il, "on est aux manettes des projets du début jusqu'à la fin". Si à Viña del Mar il avait été en charge de faire homologuer le second degré par les instances françaises, en adaptant notamment les infrastructures et en édifiant un pôle technologique et un gymnase, il est en charge entre 2008 et 2011, lors de son retour dans la métropole à la direction d'un lycée hôtelier de Versailles, de développer des équivalences de diplôme avec la Chine.
Les particularités de l'enseignement à l'étranger
Proviseur du Lycée français de Kuala Lumpur entre 2011 et 2016, il ne part pas de Malaisie sans laisser derrière lui un établissement marqué du sceau de son passage, avec notamment la construction d'une nouvelle Maternelle, mais aussi la création d'un championnat de natation Asie-Pacifique, en partenariat avec la Fédération française. "Ce sont ces beaux moments de rencontre, où chacun apporte sa valeur ajoutée, avec des résultats extraordinaires, qui font la particularité de l'enseignement à l'étranger", souligne-t-il. Son expérience au Lycée français de Prague, qu'il dirige de 2016 à 2021, sera marquée par la crise du Covid, avec des restrictions très fortes dans le pays et "sept mois de confinement à la tête d'un vaisseau fantôme" contraint au téléenseignement. "La pandémie a laissé des séquelles terribles chez les enfants", observe-t-il. C'est enfin dans l'académie de Toulouse qu'il a dirigé un établissement d'excellence, avant d'arriver à Madrid.
Je découvre et je questionne beaucoup, en m'efforçant de ne pas perdre ma capacité d'étonnement
Il affirme se distinguer par sa sincérité à l'heure d'émettre son jugement. Pourtant Gilles Martinez défend plutôt un rôle qu'il semble vouloir conserver en retrait au cours de sa prise de contact avec l'établissement. "Je suis encore en phase d'observation", explique-t-il, "je découvre et je questionne beaucoup, en m'efforçant de ne pas perdre ma capacité d'étonnement et en m'ouvrant à tous les sujets, qui tous m'intéressent a priori". Et de préciser : "Je n'entends pas m'isoler dans une tour d'ivoire, bien au contraire : pour diriger un navire pareil, on a besoin des compétences de tout le monde". On aurait tort de s'en priver, d'autant qu'il serait dommageable de "s'enkyster dans un immobilisme mortifère", estime le proviseur. "Toute structure qui ne pense pas à se renouveler se meurt", prévient-il.
Des dossiers prioritaires
"On va travailler sur un nouveau projet d'établissement qui sera mis en pratique dès la rentrée prochaine", avance dans la foulée le proviseur. "Cela implique un long travail d'analyse, avec les équipes, les parents et les élèves, et la volonté de se projeter dans le futur pour atteindre des consensus", détaille-t-il. "La question à laquelle nous devons répondre est : 'qu'est-ce que nous souhaitons faire avec nos élèves ?'". Et de s'interroger : "Est-ce que on veut en faire des champions ? Est-ce qu'on veut en faire des adultes préparés au monde de demain ? Est-ce qu'on veut en faire des membres de l'élite ? Est-ce qu'on veut en faire des gens heureux, simplement ?". "Je pense qu'on rentrera dans le vif du sujet au retour des vacances de la Toussaint", tranche-t-il.
Refonte du règlement intérieur
Autre chantier prioritaire pour le proviseur : la refonte du règlement intérieur. "C'est la loi interne qui fait que notre micro-société fonctionne", justifie-t-il, "or ce qui était vrai il y a 10 ans ne l'est plus forcément aujourd'hui". C'est vrai pour l'usage des technologies, mais pas seulement. "On ne peut faire œuvre collective que si l’on a des repères partagés", éclaire Gilles Martinez. "Une fois qu'on a les repères, on échappe à beaucoup de vicissitudes, et notamment à l'arbitraire", détaille-t-il. "Il nous faut une feuille de route pour définir des projets, prendre des décisions, et engager des moyens". Et de conclure : "Mon rôle est de constater et de partager le constat avec les équipes. S’il y a un écho favorable, alors on va pouvoir réfléchir ensemble, proposer une méthode et la faire valider par le collectif avant de nous mettre tous au travail". "Mon rôle n'est pas d'être un censeur, mais de prendre des décisions en m'appuyant sur un règlement et un projet établis de façon commune. C’est alors qu’on devient un facilitateur". Dernière priorité définie dès la rentrée : mettre à jour le site Internet, "notre porte d'entrée et notre fenêtre sur l'extérieur", qui devrait déboucher sur une nouvelle version pour la rentrée 2025.
140 ans du Lycée français de Madrid
D'ici là, l'établissement international devrait vibrer au rythme des célébrations de son 140e anniversaire. Plusieurs temps forts devraient marquer cette commémoration, avec notamment le 31 mars, "dans un grand théâtre de Madrid", l'organisation d'un spectacle préparé, entre autres partenaires, par l'équipe pédagogique et les élèves. On devrait y retrouver des anciens de l'établissement -élèves, professeurs, personnels- tandis que le proviseur a souhaité qu'une véritable dimension prospective soit confiée aux étudiants d'aujourd'hui, chargés de représenter comment ils imaginent le LFM dans 20 ans -époque à laquelle ils viendront peut-être eux-mêmes y inscrire leurs enfants. "Commémorer nos 140 ans, c'est aussi l'occasion de nous interroger sur ce que nous souhaitons être dans les années à venir", rappelle le proviseur.
Les équipes très engagées travaillent en parallèle à une journée au cours de laquelle le lycée va montrer ce qu’il est, son savoir-être et son savoir-faire et qui devrait se tenir le 10 mai prochain. "L'idée est d'ouvrir grand les portes pour que les publics découvrent l'établissement tous azimuts, à l'échelle architecturale, pédagogique, culturelle, sportive, artistique, linguistique, scientifique, et littéraire. Tout cela en parcourant ses extraordinaires infrastructures au service des élèves", éclaire Gilles Martinez. L'inauguration de la nouvelle médiathèque devrait avoir lieu à cette occasion, un beau symbole de la propagation du savoir et de l’ouverture d’esprit auxquels s'attache l'établissement depuis 1884.
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