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LIVRE-Les Borgia d'Alexandre Dumas: la fascination du pire en 5 points

Borgia Alexandre DumasBorgia Alexandre Dumas
Les Borgia, d'Alexandre Dumas
Écrit par Artémisia
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 23 février 2018

A travers le récit haletant d’Alexandre Dumas sur la célèbre famille qui s’est imposée à Rome de 1492 à 1593, découvrons ce qui chez les Borgia, fascine encore notre époque.

En 1839-1840, Alexandre Dumas n’a pas encore écrit Les Trois Mousquetaires qui installeront définitivement sa gloire littéraire dès 1844. Pourtant, à 37 ans, il fait déjà figure de dramaturge « à la mode » reconnu du grand public comme des éditeurs. C’est à ce moment qu’il s’intéresse aux Crimes célèbres, curieux panthéon où la famille Borgia va naturellement occuper une place de choix.

Cette famille d’origine espagnole s’est imposée à Rome de 1492 à 1503, faisant élire le pape Alexandre VI qui régnera sur le Vatican pendant 11 ans. La famille Borgia pourrait se définir comme le pendant infernal de la sainte trinité : le père, Roderic Borgia/ Pape Alexandre VI, le fils César et la célèbre fille, Lucrèce. Si la sulfureuse histoire des Borgia a inspiré le 19ème siècle romantique, il semblerait qu’elle passionne aussi le 21ème siècle naissant : outre de nombreux ouvrages de qualité variable, deux séries télévisées leur ont récemment été consacrées, avec succès.

Pour autant, c’est à partir du récit haletant d’Alexandre Dumas que nous allons tenter quelques hypothèses autour de ce troublant engouement : qu’est-ce qui, chez les Borgia, fascine (encore) notre époque ?

1)    Leur légendaire beauté physique
Il est vrai que la beauté diaphane de Lucrèce est fameuse et a été célébrée par maintes générations d’artistes. Dumas l’évoque en ces termes : « Espagnole sous ses cheveux blonds, courtisane sous son air candide, elle avait la tête d’une madone de Raphaël et le cœur de Messaline ». Quant à César, ses nombreux portraits, au moral dans le Prince de Machiavel ou au physique dans de nombreux tableaux, témoignent d’une ambiguïté frappante que Dumas résume ainsi : « Quant à son visage, les auteurs même contemporains en ont laissé une description tout à fait diverse ; car les uns l’ont peint comme un monstre de laideur, tandis que les autres vantent, au contraire, sa beauté. »

2)    Leur mode de vie sulfureux
Sous leur empire, la Rome pontificale « tout entière, abandonnée comme une courtisane à ses orgies et à ses débauches, n’avait jamais été, dit le cardinal de Viterbe, même au temps de Néron et des Héliogabale, plus ardente de sédition, plus chaude de luxure, plus sanglante de carnage. » Les fêtes orgiaques et les plaisirs les plus dépravés se succèdent au Vatican, même pendant la semaine sainte, car, écrit Dumas, « avec l’âme active de César, il lui fallait sans cesse ou des guerres ou des fêtes. »

3)    Leur géni de l’intrigue politique
L’énergie et l’intelligence politique caractérisent cette famille damnée. On les retrouve au cœur de toutes les guerres et de toutes les grandes affaires de leur temps. Du reste, la devise de César Borgia ne laisse pas de doute sur la démesure de son ambition :  Aut Caesar, aut nihil, « César ou rien ».

4)    Ce sont de dangereux criminels
 « La fin justifie les moyens » est la devise que Machiavel prête au modèle du Prince que l’on a souvent assimilé à César Borgia… De fait, les Borgia sont dépourvus de tout sens moral et ils ne reculent devant rien, et surtout pas devant le crime, pour asseoir la puissance de leur maison en éliminant tout « gêneur ». Et aux yeux des Borgia, les gêneurs sont nombreux… même dans leur propre famille ! C’est ainsi qu’ils usent immodérément du poison : « ils avaient une poudre qui avait le goût et l’odeur du sucre, dont il était impossible de distinguer la mixtion dans les aliments, et qui faisait mourir d’une mort lente ou prompte, selon qu’ils le désiraient, et sans laisser de trace ».

5)    Ils sont le monstrueux produit d’une époque
Comme un lointain écho à notre siècle, Dumas relève qu’au temps des Borgia, « Le monde en était arrivé à une de ces époques suprêmes où tout se transforme, entre une période qui finit et une ère qui commence ».

Sous-jacente à cette idée se dessine chez Dumas une analyse, « celle que les grands crimes sont rarement le fait des seuls individus mais qu’ils sont surtout le fait des sociétés »*.

 

*Michel Mourre, Le Nouveau Dictionnaire des Auteurs, Robert Laffont,1994.

Publié dans la revue Forum

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