Historien spécialisé dans les transports et les mobilités, Étienne Faugier se prépare à intervenir au Congrès de l'Institut d'Histoire de l'Amérique française. À quelques jours de son départ pour le Québec, il nous parle de son parcours, de ses recherches, et de l'évolution de la mobilité à travers l'histoire, notamment au Québec.
La mobilité, c'est plus que des moyens de transport : c'est une clef de lecture de nos sociétés.
Maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Lumière Lyon 2 et président de l'association Passé-Présent-Mobilité, Étienne Faugier est un spécialiste reconnu des questions de mobilité. Ses travaux explorent l'automobilisme, la vitesse et le tourisme en France et au Canada. "La mobilité, c'est plus que des moyens de transport : c'est une clef de lecture de nos sociétés", explique-t-il d'entrée de jeu.
Faugier interviendra le 27 octobre à L'Université de Montréal, lors du Congrès de l'Institut d'Histoire de l'Amérique française, du 24 au 26 octobre, pour évoquer l'évolution des transports dans ce pays. Une opportunité pour cet historien passionné de mettre en lumière les spécificités québécoises et leur résonance avec les enjeux contemporains liés à l’écologie et aux nouvelles formes de mobilité. "L’automobile a longtemps été un symbole de liberté et de modernité au Québec, mais aujourd’hui, elle est aussi au cœur de nombreuses questions environnementales," souligne-t-il.
J’espère ouvrir le débat sur ces questions de mobilité, car elles touchent à bien plus que les transports : elles interrogent notre rapport au progrès et à la modernité.
Une histoire marquée par l’automobile
Au cœur de ses recherches, l’automobile occupe une place centrale. Au Québec, Faugier a constaté une dépendance forte à la voiture et aux véhicules motorisés qui structure non seulement les déplacements, mais aussi l’aménagement du territoire. "Les infrastructures québécoises sont largement basées sur l’automobile : il y a peu d’alternatives solides, comme à Montréal avec son métro. À Québec, par exemple, la culture des transports motorisés domine."
Ce modèle est devenu, selon lui, un frein à l’adoption d’autres formes de transport, comme le tramway ou le vélo, pourtant en plein essor dans les grandes villes européennes.
Remettre en question un système qui a si bien fonctionné pendant des décennies est difficile. C’est une question culturelle autant qu’économique.
Un besoin de transformation profonde
Faugier insiste sur l'importance de repenser nos imaginaires liés à la mobilité. "La voiture reste dans l’esprit collectif comme le moyen de transport par excellence. Il est crucial d’offrir de nouvelles perspectives aux citoyens, d’élargir leur vision de ce qu’est le déplacement. Cela prend du temps, mais c'est possible." Ce point est particulièrement pertinent pour lui, car il fait le lien entre histoire et présent.
Au-delà des infrastructures, il observe aussi un défi psychologique à ce changement : "Les Québécois, comme beaucoup de Nord-Américains, ont une relation particulière à l'automobile, à l’espace, aux grandes distances. Cela rend la transition vers des alternatives plus douces, comme le vélo ou les transports en commun, plus complexe à imaginer."
Vers une mobilité plus inclusive ?
Pour Faugier, cette résistance n’est pas insurmontable, mais elle nécessite un dialogue et une réflexion collective. "Les historiens ont un rôle à jouer dans cette discussion. En montrant l'évolution des transports à travers les âges, nous pouvons aider à comprendre pourquoi certains systèmes sont devenus prédominants, et comment nous pouvons les transformer."
À la suite de son intervention au Congrès de l'Histoire de l'Amérique française, Faugier prévoit de présenter ses travaux dans plusieurs universités du pays, notamment à Trois-Rivières (29 octobre), Sherbrooke (30 octobre), Rimouski (31 octobre) et Québec (librairie Pantoute le 1er novembre à 17h).
Alors que la pression écologique s’intensifie et que les villes, et encore davantage les territoires, cherchent à adopter des solutions plus durables, la question se pose : les Québécois sont-ils prêts à transformer leur rapport à la mobilité ? Ou, posé autrement, comment réinventer nos modes de déplacement sans trahir cet attachement historique à l’automobile ?