Cœur culturel et intellectuel de Montréal, le Quartier Latin cherche un nouveau souffle. Lors du Grand Rendez-vous organisé par l’UQAM, en collaboration avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), plus de 600 participants ont reçu un portrait complet du travail accompli depuis deux ans pour faire de ce quartier un territoire apprenant, inclusif et vivant. Un moment fort de mobilisation citoyenne, dans un quartier à la croisée des chemins.


Une mobilisation inédite
Dès l’ouverture, le recteur de l’UQAM, Stéphane Pallage, a planté le décor : « Un dollar de fonds publics investi dans l’UQAM produit chaque année entre 8 et 16 dollars pour la société. » Pour lui, la relance du Quartier Latin passe par une valorisation renouvelée de la vie universitaire et de son ancrage urbain. Avec Priscilla Ananian, vice-rectrice associée à la relance, il a initié une démarche inédite au Canada : faire du Quartier Latin le premier quartier apprenant du pays.
Marie Grégoire, présidente-directrice générale de BAnQ, a salué cette initiative qui s’inscrit dans l’ADN de l’institution : « Apprendre à apprendre, apprendre toute la vie… c’est une vocation naturelle pour nous. »
Steven Guilbeault, ministre canadien de l’Environnement et député de Laurier–Sainte-Marie, a lui aussi tenu à saluer « une démarche profondément citoyenne, qui redonne du sens à l’idée de démocratie culturelle », en assurant que le gouvernement fédéral souhaitait être un partenaire actif de cette transformation.
Animée avec justesse par Katerine-Lune Rollet, diplômée de l’UQAM, la journée a bénéficié d’une fluidité remarquable. Elle a su tisser les liens entre des interventions très variées avec une bienveillance et une intelligence saluées par tous.

Un quartier qui veut apprendre… de lui-même
Tout au long de la journée, le concept de « quartier apprenant », issu du réseau mondial des villes apprenantes de l’UNESCO, a été décliné dans une multitude de contextes. Pour Priscilla Ananian, ce modèle colle parfaitement à la réalité du Quartier Latin, où se côtoient chaque jour plus de 60 000 personnes, des institutions d’enseignement de tous niveaux et une richesse culturelle unique. « Mais il est en quête d’identité », a-t-elle prévenu, plaidant pour que les savoirs citoyens puissent pleinement dialoguer avec les savoirs institutionnels.
Le plan d’action présenté repose sur quatre vocations historiques : culturelle, éducative, sociale et résidentielle. Il mise sur une approche transversale où les projets se construisent avec les citoyens, à partir des ressources déjà présentes dans le quartier.

Un projet Signature pour transformer l’espace public
Parmi les annonces marquantes de la journée, celle d’un financement de 1,2 million de dollars par le gouvernement du Québec pour le projet Signature Quartier Latin a suscité beaucoup d’enthousiasme. Cette initiative donnera naissance à un parcours artistique et poétique à travers le quartier, incluant des murales conçues par Marc-Antoine K. Phaneuf, des installations lumineuses immersives et une signalisation inspirée des mots et des lieux.
« Ce parcours unique mettra en valeur les institutions culturelles et éducatives du quartier, comme la Maison de la chanson, l’École nationale de l’humour et la Grande Bibliothèque », a précisé Stéphane Pallage. C’est une manière concrète de réaffirmer l’identité culturelle du quartier et de faire dialoguer patrimoine, création et innovation.
Limites géographiques du Quartier Latin
Un appui de taille : l’UNESCO en soutien
La portée de l’initiative dépasse déjà les frontières du pays. Dans un message vidéo, Yves-Gérard Méhou-Loko, secrétaire général de la Commission canadienne pour l’UNESCO, a rappelé que le réseau mondial des villes apprenantes compte aujourd’hui 356 membres dans 79 pays. Il a salué la démarche montréalaise, en soulignant que « le Quartier Latin est un territoire propice pour promouvoir l’inclusion et la cohésion sociale grâce à l’apprentissage ».
La Commission canadienne a d’ailleurs indiqué qu’elle entendait promouvoir cette expérience auprès du siège de l’UNESCO à Paris, et œuvrer à l’intégration du Quartier Latin dans les réseaux internationaux. Une reconnaissance qui positionne Montréal comme pionnière en matière d’urbanisme éducatif.

Des inspirations d’ici et d’ailleurs
Les exemples partagés par les intervenants ont illustré toute la richesse de ce que peut être un quartier apprenant. Anne-Lise Rosier, professeure à l’Université d’Avignon, a évoqué des démarches de co-création avec des habitants en situation de précarité : « Ce qu’il faut changer, c’est la posture. Il ne s’agit plus de transmettre, mais de construire avec. » Didier Jutras-Aswad, du CHUM, a quant à lui présenté des projets où les patients en santé mentale se réapproprient leur environnement urbain par l’art. Une approche qui, selon lui, « mise sur la proximité, le vécu partagé et la reconnaissance de chacun comme acteur du territoire ».

À partir de la salle, Jean-Blais Mathieu, résident itinérant du quartier et figure bien connue des milieux communautaires, a pris la parole pour saluer l’initiative. Évoquant les projets de photographie sociale dont parlait M Thuot-Dubé de la BAnQ, il a confié : « C’est une façon d’ouvrir la conversation et de se rencontrer autrement. » Sa présence a rappelé que toute transformation passe par l’écoute de ceux qui vivent réellement dans le quartier.
Une école au cœur du projet
Parmi les projets structurants, celui d’une école primaire dans le Faubourg Saint-Laurent cristallise de nombreuses attentes. « Il n’y a pas d’école dans le quartier, alors qu’il y a des familles », a rappelé Marie-Pierre Fortier. Un projet de recherche est en cours pour en préciser les contours. Il s’agirait d’une école ouverte sur sa communauté, capable d’accueillir une population diversifiée, et de servir de lieu de convergence entre institutions, familles, organismes et acteurs sociaux du quartier.
Hydro-Québec sous haute surveillance citoyenne
Autre sujet abordé : le projet de poste de transformation électrique porté par Hydro-Québec. Jugé nécessaire pour soutenir la croissance du quartier, il soulève néanmoins des préoccupations importantes. « Ce n’est pas le type de projet auquel on rêve quand on pense à l’avenir d’un quartier », a admis un intervenant, insistant sur l’importance d’un processus de consultation exemplaire.
La population attend d’Hydro-Québec une approche transparente, innovante, et à l’écoute des préoccupations locales. Dans un quartier aussi sensible, la manière comptera autant que le fond.

Des partenariats concrets
Le Partenariat du Quartier des spectacles, la SDC du Quartier Latin, la Ville de Montréal, des commerçants, des artistes, des enseignants et des étudiants : tous semblent décidés à œuvrer ensemble. « Il faut fédérer, pas compétitionner », a résumé Monique Simard, présidente du Partenariat. Depuis 2010, cette structure anime des lieux emblématiques comme la Place Pasteur ou les Jardins Gamelin, en étroite collaboration avec les citoyens.
Luc Rabouin, chef de Projet Montréal, a rappelé que « le Quartier Latin, c’est un concentré de Montréal : culture, savoir, diversité… Nous devons lui redonner toutes ses lettres de noblesse, ensemble. »
Le futur café de la rue Saint-Denis, opéré par la SDC, servira de laboratoire à ciel ouvert, où l’on pourra expérimenter des idées, tester des concepts, tisser des liens. De leur côté, les projets étudiants en design de l’UQAM continuent de démontrer tout le potentiel d’un apprentissage ancré dans la réalité. « Il faut se faire confiance, et se laisser surprendre », a rappelé Céline Poisson, professeure à l’École de design.
Un quartier, une cause commune
Ils étaient plus de 600, réunis dans l’auditorium de l’UQAM, à croire en l’avenir du Quartier Latin. Étudiants, chercheurs, commerçants, artistes, citoyens : autant de visages d’un même élan collectif. Faire de ce quartier un territoire apprenant ne sera pas l’affaire d’un plan stratégique figé, mais d’un engagement partagé, quotidien, et ouvert à la diversité des parcours.
Certaines voix ont rappelé l’importance de préserver la mixité sociale. « Comment parler d’un quartier apprenant si les familles modestes ne peuvent plus y habiter ? », a souligné une participante. L’un des défis à venir sera d’assurer un équilibre entre dynamisme économique, accessibilité et inclusion.
Envie de contribuer ? D’agir, d’imaginer, de co-créer ? Écrivez à l’équipe de la relance du Quartier Latin à : vrarql@uqam.ca
Le Quartier Latin ne se rêve pas seul. Il s’invente ensemble. Et Priscilla Ananian a donné rendez-vous à toutes et à tous, dans un an, pour mesurer ensemble le chemin parcouru.
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