Le 13 avril dernier, sous une pluie battante, les premiers visiteurs de l’Expo universelle d’Osaka s’agglutinent avec patience à l’entrée du pavillon français. On se prend en photo devant la façade de cuivre rosé, on commente les statues blanches et nues, imperturbables face aux rafales. On observe les files s’étirer le long des pavillons voisins, on a hâte de découvrir… quoi, exactement ?
À l’heure des réseaux sociaux et des échanges virtuels, que peut bien offrir une exposition universelle ?
Des pavillons, des artistes… et des questions
Sur le site de Yumeshima, île artificielle de la baie d’Osaka, les visiteurs déambulent entre les bâtiments aux architectures extravagantes. L’anneau de bois gigantesque, symbole « d’union dans la diversité », et conçu comme une promenade autour du lieu d’exposition, sert aujourd’hui d’abris contre le mauvais temps. Danseurs, bénévoles, robots et mascottes qui devaient se mélanger à la foule restent cachés, mais ce n’est que partie remise.
La surprise vient parfois de détails inattendus : des toilettes accessibles à tous les genres intriguent les locaux. Dans la « zone signature », huit créateurs japonais (dont seulement deux femmes) proposent des expériences mêlant le monde réel et le virtuel.
Parmi celles-ci, le Dialogue Theater - Sign of Life de Naomi Kawase offre à des duos choisis au hasard, la possibilité d’échanger par écrans interposés autour de questions telles que : « Quelle est la chose la plus douce au monde ? » ou « Quel est votre niveau de curiosité ? ». L’objectif est d’encourager un dialogue en profondeur entre personnes de cultures, de religions ou encore de générations différentes. Une belle manière d’incarner l’un des premiers objectifs des Expositions universelles : s’ouvrir à l’altérité pour élargir sa propre vision du monde.
Après la visite de quelques pavillons, il est tentant d’être septique. Le thème général de cette Expo, Concevoir la société du futur, semble presque ironique à l’heure des IA génératives, des conflits croissants entre puissances mondiales et du vieillissement de la population japonaise. Et pourtant, certains pays relèvent le défi avec sincérité. Pas en accumulant des écrans et des gadgets, mais en s’appuyant sur des récits, des valeurs, des symboles.
On reste. On regarde. On discute.

Le pavillon France : un hymne à l’amour
Dès son inauguration, le pavillon français affirme sa vision de l’avenir en une réponse simple et puissante : aimer. Son architecture, faite de voiles blanches et de matériaux chaleureux, assume une certaine douceur, presque naïve.

Parmi les invités présents figurent l’ambassadeur de France au Japon, Philippe Setton, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, Laurent Saint-Martin, ainsi que deux des quatre parrains et marraines du pavillon : Teddy Riner et Sophie Marceau.

« L’amour, c’est d’abord le respect de soi. L’amour, c’est aussi l’acceptation de la différence et de l’autre. L’amour, c’est enfin la protection de la planète. C’est toute l’histoire que raconte ce Pavillon France », a déclaré Jacques Maire, commissaire général.
Gastronomie, luxe, artisanat : l’art de vivre à la française est ici convoqué comme une forme de soin aux maux actuels. Égocentrique ou généreux ?
Il faut le souligner : cette déclaration d’amour s’adresse d’abord et avant tout au Japon. Les espaces du pavillon mêlent gargouille de cathédrale et tapisserie représentant une scène de film du studio Ghibli, mais aussi Mont-Saint-Michel et torii shintoïste. Les discours officiels, eux, rappellent les nombreux liens déjà existants entre les deux pays, notamment à travers la maison LVMH, partenaire du projet, et ses collaborations avec Kusama Yayoi ou d’autres figures de l’art contemporain japonais.
« La France considère le Japon comme un partenaire d’exception », a affirmé Laurent Saint-Martin. Ajoutant que pouvoir compter sur ses amis dans des temps troublés est plus précieux que jamais.

Pas de ruban à couper lors de l’inauguration, mais un “akai ito”, ce fil rouge japonais qui relie symboliquement les âmes sœurs, déroulé le long de l’escalier du pavillon par Jacques Maire, les équipes de COFREX et plusieurs invités.
Longtemps vitrines de la puissance industrielle et technologique des nations, les Expositions universelles changent de visage. L’accent mis par la France sur l’artisanat, le luxe et le patrimoine peut surprendre. Cependant, en 2025, une démonstration axée exclusivement sur le progrès et les technologies, au détriment de l’humain, semblerait probablement dénuée de sens.
Vous avez deux heures
Le thème Designing Future Society for Our Lives est un véritable sujet de dissertation collective. Chaque pays est invité à livrer sa propre réponse. Ce défi pousse chaque nation à réfléchir à la manière de représenter, par l’architecture, les images, les mots ou la technologie, son utopie pour demain. Outre l’attente d’un public enthousiaste, d’autres choses se jouent dans les coulisses, côté business, pour le Japon, mais aussi pour de nombreux petits pays espérant attirer des investisseurs. Dans un article, The Japan News reportait : “La JETRO a déclaré avoir reçu plus de 120 demandes de la part d'une soixantaine de pays et régions pour l'organisation de forums et de séminaires d'affaires, et des dispositions sont en cours pour concrétiser ces demandes.”


Osaka 2025 fait l’objet de multiples critiques : des financements considérables, des retombées économiques incertaines, et une attention détournée des enjeux urgents. Dans un contexte de ressources limitées et d’alternatives numériques en plein essor, il est légitime de s’interroger sur la pertinence de tels événements. Pourtant, sombrer dans un cynisme absolu serait une impasse.
L’Expo demeure un carrefour de cultures, une plateforme d’échanges humains. Une vitrine, certes — mais aussi un miroir. Vouloir créer une œuvre commune est aujourd'hui un pari. Et certains le relèvent avec plus d’élan que d’autres.
À la sortie, la pluie ne s’est pas arrêtée. Les parapluies s’entrechoquent. Les langues se mêlent. On se demande ce qu’on a vraiment vu, ce qu’on retiendra. Peut-être cette étrange impression d’avoir touché, malgré tout, un bout d’humanité partagée ?
Informations pratiques
- L’Expo se tiendra du 13 avril au 13 octobre 2025.
- Pour vous y rendre, direction Yumeshima à l’ouest d’Osaka, accessible en métro, en bus, en vélo, en voiture et même par bateau.
- Retrouvez les informations détaillées sur les accès à l’Expo et sur l’achat de tickets sur le site officiel de l’Expo.
Attention, les informations pour l’achat de billets sont un peu confuses et il vous faudra réaliser plusieurs étapes avant de pouvoir obtenir vos sésames. L’autre solution est d’acheter des tickets EXPO QUICK (il vous sera par contre impossible de réserver en avance des visites de pavillon) ou directement sur le site.
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