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La Pologne rend hommage au pape François qui avait pourtant secoué l’Église polonaise

Le pape François, de son vrai nom Jorge Mario Bergoglio, 266e pape de l’Église catholique, est décédé ce lundi 21 avril 2025. Son pontificat de 13 ans n'aura pas laissé indifférent : entre enjeux climatiques, accueil des migrants, bénédiction des couples de même sexe, le pape a montré une ouverture jamais vue au sein de l’Église catholique tout en conservant une opposition ferme à l’euthanasie et à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), secouant au passage, certains membres de l’Église catholique polonaise, par ses prises de position, en faveur des couples de même sexe ou sa politique d'accueil des migrants. L'occasion de revenir sur les nombreux hommages qui lui sont rendus dans le pays, la journée de deuil du 26 avril 2025, ainsi que sur sa relation avec la fervente et fidèle Pologne.

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Écrit par Annwenn Levêque
Publié le 23 avril 2025, mis à jour le 24 avril 2025

 

Le visage de l’humanité au sein de l’Église s’est éteint, le Pape François rentre dans l’Histoire

Le lundi de l’Ange, le pape François, premier du nom, est entré dans l’éternité. Depuis 2013, lors de son élection, le souverain pontife avait fait bouger les lignes au sein de l’institution catholique, vieille de plus de deux mille ans. 

Un humaniste, tourné vers « les plus pauvres » - pour reprendre ses mots, et à l’écoute des laissés-pour-compte, comme un écho à Saint François d'Assise qui, suite à l’appel du Christ avait tout abandonné : fortune et confort, pour prêcher l’amour, la paix, la simplicité et le respect de la nature

« François, rebâtis mon Église qui, tu le vois, tombe en ruine » aurait prononcé le Christ à Saint François il y a plus de 800 ans, appel que le Pape François s’était approprié durant son pontificat pour faire de l'Église, un lieu d’entente, de paix, de respect et où la dignité humaine avait une position privilégiée

Feu pape François, avait été élu le 13 mars 2013, à l’issue du conclave qui s’était tenu suite à la résignation du pape Benoît XVI : une résignation volontaire, ayant profondément marqué l’Église, puisque celle-ci n’avait pas connu de démission depuis près de 600 ans. 

 

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Le Pape François ou le don d’irriter l’Église polonaise

La relation entre le pape François et l’Église polonaise a été bien différente de celle entretenue par son prédécesseur : Benoît XVI, qui était très respecté et apprécié de ce côté-ci de l’Oder, car il considérait la nation polonaise comme un modèle de foi chrétienne. 

L’attachement de Benoît XVI aux valeurs chrétiennes traditionnelles - comme la place centrale de la famille, la défense de la vie et la morale chrétienne ainsi que sa reconnaissance envers Jean-Paul II, notamment lors de son déplacement à Cracovie, ont fait de lui un pape apprécié au sein de l’institution religieuse en Pologne. 

 

💡 Si la France est la « fille aînée de l’Église », la Pologne, elle, incarne la fidélité indéfectible 
Nourrie, entre autres, par la Révolution Solidarność ainsi que par l’héritage de Jean-Paul II, cette ferveur façonne encore le débat national, entre attachement spirituel et crispations. 
- La révolution Solidarność, née dans les chantiers navals de Gdańsk, s’est appuyée sur une alliance décisive entre les aspirations des ouvriers et l’Église catholique, qui se dresse alors en bastion face au régime communiste.
- Le catholicisme en Pologne n’est pas seulement une foi, mais un ciment identitaire et politique.
- La relation entre le pape François et l'Église catholique polonaise n’a pas toujours été harmonieuse. Alors qu’aujourd’hui de nombreux hommages affluent et qu’on souligne son humanisme, il fut un temps où le clergé catholique polonais exprimait une vive opposition à cause des prises de position du souverain pontife, en faveur des couples de même sexe ou sa politique d'accueil des migrants.
- En Pologne, l’Église catholique voit depuis plusieurs années vaciller l’autorité morale qu’elle avait longtemps incarnée. Marquée par la répétition de scandales d’abus sexuels, dont pédocriminels, sa proximité affichée avec le parti conservateur PiS (Droit et Justice) de Jarosław Kaczyński, ainsi que son opposition à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et son ostracisme envers des minorités sexuelles, elle semble désormais s’enfermer dans une rhétorique de moins en moins audible.
- En 2020, seuls 9 % des jeunes Polonais déclaraient encore lui accorder une image positive, et la confiance dans l’institution a reculé de dix-huit points en quatre ans. Bénédicte Mezeix-Rytwiński 



Son discours, avec une lecture davantage sociale de l’Évangile, a su cependant séduire les jeunes à travers le monde et a offert à l’Église catholique un nouveau visage : celui d’un renouveau, d’une institution tournée vers les pauvres, plus à l’écoute et plus humble. Preuve en est : son refus qu’on lui embrasse son anneau papal.

Néanmoins, jamais un pape n’a été confronté à une telle avalanche de scandales sexuels. Bien qu’il ait réagi par un discours d’une fermeté sans précédent pour un souverain pontife, les réformes qu’il a proposées suscitent des divisions et ne remportent pas un soutien unanime. Son successeur va hériter d’un dossier épineux. 

 

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💡 Andrzej Duda déclare une journée de deuil national en Pologne, le 26 avril

- À l’occasion du décès du pape François, le président Andrzej Duda a déclaré un deuil national en Pologne le jour des funérailles du Saint-Père, le 26 avril 2025, a annoncé le chef du Bureau de politique internationale du Président, Wojciech Kolarski. 

- Pendant le deuil national, les drapeaux nationaux sont mis en berne. Cela s’applique aux bâtiments officiels, aux institutions publiques et aux missions diplomatiques polonaises à l’étranger.

 

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Les réactions et hommages en Pologne 

 

Andrzej Duda (PiS), président de la République de Pologne, plus qu’un hommage : une prière, avec la référence à « la Maison du Père »

Andrzej Duda a écrit sur X : 

 

Le pape François s'est éteint aujourd'hui dans la Maison du Père. Son ministère pastoral a été guidé par l'humilité et la modestie. Il a adopté comme devise papale les mots de son appel épiscopal : « Miserando atque eligendo » (« Il a regardé avec miséricorde et il a choisi »). Il a été un grand apôtre de la miséricorde, dans laquelle il voyait la réponse aux défis du monde moderne. Mon épouse et moi-même nous joignons à la prière des fidèles de toute l'Église catholique. Brille, Seigneur, sur son âme ! 

 

 

 

 

Donald Tusk, Premier ministre polonais, des mots simples accompagnés d’une photographie pleine de complicité avec le Saint-Père 

Donald Tusk a twitté :

 

Le pape François est mort. Un homme bon, chaleureux et sensible. Qu'il repose en paix. 

 

 

 

Le primat de Pologne, Monseigneur Wojciech Polak, adresse sa reconnaissance et ses remerciements au pape François pour avoir souligné tout au long de son pontificat l’importance du pardon et de la miséricorde 

Monseigneur Wojciech Polak exprime ses condoléances et revient sur la figure du pape François dans une vidéo postée sur Facebook. 

 

 

Dans son homélie de la messe de lundi, le primat de Pologne a déclaré : « Le Pape avait un don si extraordinaire qu'il était capable de parler simplement et clairement du contenu de la Parole de Dieu d'une manière belle et sage, d'une manière qui parlait à nos esprits et à nos cœurs, à notre imagination ». (“Papież miał taki niezwykły dar, że potrafił w sposób piękny i mądry, w sposób przemawiający do naszych umysłów i serc, do naszej wyobraźni, mówić prosto i jasno o treści Słowa Bożego.”) 

Lors d’un point presse lundi, Monseigneur Wojciech Polak, s’est confié à Gazeta Prawna : « Je me souviendrai de ce pontificat comme d'un pontificat d'espérance et d'un pontificat de l'Église qui doit aller vers l'homme ». (“Będę pamiętał ten pontyfikat jako pontyfikat nadziei i pontyfikat Kościoła, który ma wyjść do człowieka.”)

 

Un pape qui dépoussière pour Robert Biedroń, député européen et homme politique polonais, défenseurs actifs des droits des personnes LGBTQ+ en Pologne

Dans un interview accordé à Plotek, Robert Biedroń a déclaré : « Il a ouvert des portes trop longtemps fermées. Il a aéré l'Église. Une Église dans laquelle beaucoup se sentaient étouffés, rejetés et indésirables. Il a montré que l'Église pouvait être différente : plus compréhensive, plus empathique. C'est pourquoi la droite polonaise et la hiérarchie ne l'appréciaient pas ». (“Otworzył drzwi, które zbyt długo były zamknięte. Przewietrzył Kościół. Kościół, w którym wielu czuło się duszno, odrzuconych i niechcianych. Pokazał, że Kościół może być inny: bardziej rozumiejący, empatyczny. Dlatego polska prawica i hierarchowie nie przepadali za nim.”) 

 

Szymon Hołownia a également adressé ses adieux à un pape avant tout humaniste, tout en prenant plaisir à raconter une anecdote hors du commun 

Szymon Hołownia, président de la Diète et ancien présentateur de TVN, et candidat à l’élection présidentielle sous l’étendard, Polska 2050, a rapporté sur son compte Instagram : « Il avait le sens de l'humour. Quand Ula [son épouse] et moi sommes allés le voir juste après notre mariage, alors qu'il parlait aux gens sur la place Saint-Pierre, il nous a demandé si c'était cet évêque, notre ami, qui nous avait bénis ? "Le mariage est invalide ! Invalide! " "Je lui ai interdit de bénir les mariages !" – a-t-il ri. Et à partir de ce moment-là, ma femme et moi avons reçu un certificat de mariage et une déclaration de l'Autorité suprême de l'Église, qui, un quart d'heure plus tard, a annulé le mariage pour nous. Là, sur la place, ce fut ma seule rencontre personnelle avec lui ». (“Miał poczucie humoru. Gdy z Ulą poszliśmy do niego zaraz po naszym ślubie, gdy rozmawiał z ludźmi na Placu Świętego Piotra, zapytał, czy udzielił go nam ten oto biskup, nasz przyjaciel? „Ślub jest nieważny! Nieważny! Ja mu zabroniłem błogosławić śluby!” - śmiał się. I odtąd mamy z żoną i zaświadczenie o ślubie, i nagrane stwierdzenie Najwyżej Władzy Kościoła, które kwadrans później ślub ten nam unieważniło. Tam, na Placu - to było moje jedyne z nim osobiste spotkanie.”)

 

Hanna Gronkiewicz-Waltz, un hommage sincère et juste au pape 

Hanna Gronkiewicz-Waltz (Platforma Obywatelska - PO), ancienne maire de Varsovie et députée européenne, a rendu hommage au pape par un post sur Facebook :  « Le pape François est mort. Il est décédé à l'âge de 88 ans. « Toute sa vie a été consacrée au service du Seigneur Dieu et de son Église. Il nous a appris à vivre les valeurs de l'Évangile avec fidélité, courage et amour universel, d'une manière particulière en faveur des plus pauvres et des marginalisés », peut-on lire dans un communiqué publié par le Vatican.  Il a changé les schémas ossifiés. Il nous a enseigné la simplicité de la vie et a attiré notre attention sur l'amour des autres. Il nous a quittés à un moment où les yeux des fidèles étaient fixés sur la résurrection de Jésus. Qu'il repose en paix ».

 

 


Quid du futur pape ? 

Rien n’est laissé au hasard pour l’élection du prochain pape. Le futur chef de l’Église catholique et évêque de Rome sera élu à la suite d'un conclave, rassemblant les 135 cardinaux électeurs. Le processus d’élection est régi à la fois par une tradition multiséculaire, mais également par la procédure fixée par la Constitution apostolique Universi Dominici Gregis

Quant à la question de qui reprendra la tête de l’Église catholique, les spéculations vont bon train. Dans un entretien accordé à Onet.pl, le père Andrzej Kobyliński nomme trois favoris potentiels : les cardinaux Mario Grech de Malte, Matteo Zuppi d'Italie et Luis Antonio Tagle des Philippines. Cependant, celui-ci souligne : « S’il y avait un conclave aujourd’hui, le combat se jouerait entre ces trois cardinaux. Mais, bien sûr, il nous reste encore environ trois semaines avant le conclave. C’est pourquoi différents types de coalitions vont désormais se former. Probablement seulement après les funérailles, ou peut-être même avant les funérailles du pape François ». ("Gdyby dzisiaj było konklawe, to walka by się rozegrała między tymi trzema kardynałami. Natomiast oczywiście mamy jeszcze do konklawe pewnie ze trzy tygodnie. W związku z tym będą tworzone teraz różnego rodzaju koalicje. Pewnie dopiero po pogrzebie, a może i przed pogrzebem papieża Franciszka.")


Le cardinal ukrainien Mykola Byczok, à 44 ans, est le plus jeune cardinal en exercice, mais aussi le seul représentant actuel de l’Église gréco-catholique ukrainienne, nommé l’an passé par le pape François, il ne passe pas inaperçu en Pologne. En effet, ce dernier est diplômé du séminaire de Tuchów (voïvodie de Petite-Pologne) appartenant à la congrégation des Rédemptoristes.


Son rôle lors du prochain conclave dépasse le simple vote : il incarne un déplacement du centre de gravité spirituel de l’Église vers ses « périphéries », si chères au pape François. Alors que l’Ukraine lutte pour son indépendance, sa présence à Rome est aussi un geste de soutien politique et pastoral.

 

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