Édition internationale

Quand la photographie raconte les failles du monde : L'enjeu de l’EMOP Berlin 2025

En 2025, l’European Month of Photography (EMOP) Berlin revient pour une exploration unique des enjeux contemporains à travers l’objectif des artistes. Le festival biennal se penche cette année sur un thème brûlant d’actualité "What Stands Between Us". Plus qu’un simple questionnement, c’est un constat engagé, une invitation au dialogue et à la réflexion. Les photographes entendent mettre en lumière les divisions qui marquent nos sociétés et la manière dont l’image peut à la fois les documenter et les déconstruire.

Une photo d'un visage de femme en noir et blanc avec un post it rose dessus.Une photo d'un visage de femme en noir et blanc avec un post it rose dessus.
Untitled. From the series: Which Story Would You Prefer Not To Recall © Maya Schweizer, VG Bild-Kunst
Écrit par Eva Cahanin
Publié le 27 février 2025, mis à jour le 28 février 2025

 

L’image, un témoin des tensions sociales

Dans un monde où la polarisation s’accroît et où les démocraties sont mises à l’épreuve, les organisateurs de l’EMOP Berlin 2025 souhaitent interroger la place de la photographie dans cette fragmentation du réel. Loin d’être de simples témoins passifs, les images façonnent nos perceptions et influencent les discours publics. Dans notre quotidien saturé d'images, la photographie est souvent perçue, à tort, comme une évidence. Loin d’être neutre, elle peut amplifier des certitudes, enfermer les regards dans des bulles informationnelles, mais aussi, ouvrir des brèches, créer des ponts et offrir une autre lecture des événements. 

L’exposition principale, What Stands Between Us. Photography as a Medium for Chronicling, ouvrira ses portes le 27 février 2025 à l’Akademie der Künste, rassemblant les œuvres d’une vingtaine d’artistes contemporains. Ces photographes ont capturé les tensions politiques et sociales de notre époque : la montée des nationalismes, les désillusions démocratiques, les politiques migratoires restrictives ainsi que les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient.  L’objectif de cette exposition est clair : replacer l’image au cœur du débat, non comme une simple reproduction instantanée du réel, mais comme un médium narratif capable de donner du sens, de révéler les fractures du monde sans jamais imposer de certitude. Car la photographie est à la fois un médium et un témoin de l'histoire. Elle porte en elle-même cette double fonction : celle d’inscrire le temps tout en le racontant. 


 

image de simon lehner "father"
Father, From the series: How far is a lightyear?, 2005 – 2019 © Simon Lehner

 

Quand l’histoire éclaire le présent

Un aspect marquant de cette édition est le lien entre passé et présent. L'exposition What Stands Between Us puise notamment dans les archives de l’Akademie der Künste pour rappeler que les images du passé résonnent encore aujourd’hui. Les photographies historiques dialoguent avec les créations contemporaines, soulignant comment les enjeux actuels s’inscrivent dans des dynamiques plus larges, parfois oubliées.
Des événements comme la chute du Mur de Berlin, les vagues migratoires ou les mouvements sociaux d’hier et d’aujourd’hui sont ainsi mis en perspective. Cette dimension mémorielle rappelle que les fractures actuelles s’inscrivent dans un passé plus large et que la photographie, en tant que témoin du temps, joue un rôle essentiel dans notre compréhension du présent.

L’EMOP Berlin n’est pas seulement une vitrine pour la photographie contemporaine ; c’est un observatoire des mutations sociétales. La présence d’archives de l’Akademie der Künste viendra d’ailleurs enrichir les réflexions en offrant une perspective historique sur les enjeux abordés. 

 

Un mois d’expositions et de rencontres en Allemagne

Au-delà de cette grande exposition, la scène émergente occupera une place de choix avec Meet Me Halfway, une exposition conçue par la commissaire Marie-Luise Mayer. L’initiative « EMOP Special: Emerging Scene » a été lancée pour la première fois en 2023 et vise à offrir une visibilité aux jeunes photographes issus de six grandes institutions berlinoises et postdamiennes.

Cette année, le projet repose sur une idée forte : ce qui semble nous séparer peut aussi être un point de connexion. La frontière entre soi et l’autre, entre l’individuel et le collectif, est mouvante. Les œuvres présentées traitent de sujets aussi variés que l’identité, les relations humaines, les dynamiques de pouvoir ou encore la participation sociale. Loin de se limiter à une vision pessimiste du monde, l’exposition met aussi en avant l’espoir et la capacité de résilience face aux bouleversements contemporains.

D’autres expositions viendront agrémenter ce panorama, notamment Ein Dorf 1950-2022, un projet de longue haleine mené par Ute Mahler, Werner Mahler et Ludwig Schirmer. À travers des clichés pris sur plusieurs décennies, ce travail documente l’évolution d’un village de Thuringe, témoignant des bouleversements politiques et sociaux qu’a connus l’Allemagne contemporaine.

 

 

Photo de Thero Mamani Valles, une jeune femme prend la pose en sous vêtements sur fond bleu
Thero Mamani Valles, Shaya, 2024. From the series: Portraits of us, Photography, © Thero Mamani Valles

 

Organisé tous les deux ans, l’EMOP Berlin est le plus grand festival de photographie d’Allemagne. Au-delà de l’Akademie der Künste, le festival investit toute la ville avec une multitude d’expositions satellites. Des institutions culturelles aux galeries indépendantes, en passant par des espaces de projet alternatifs ou d’expositions d’archives, le festival fédère chaque lieu culturel afin de rendre Berlin actrice de sa propre chronique. 

 

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