Jean de La Fontaine (né le 8 juillet 1621), aurait eu 400 ans en 2021. Une belle occasion de se pencher sur les textes qui ont inspiré cet écrivain français dont les fables sont toujours d'actualité. La Fontaine a écrit une partie de ses fables en s’inspirant du Grec Esope, mais aussi du Panchatantra, un recueil de fables indiennes issues de la tradition orale et qui ont été traduites dans de nombreuses langues au cours de l’histoire.
La Fontaine reconnaît que les Fables de Pilpay (les fables du Panchatantra) sont une de ses sources très importante et avoue qu’il doit beaucoup à celui qui les a mises par écrit : “Seulement je dirai par reconnaissance, que j’en dois la plus grande partie à Pilpay, sage Indien.” indique-t-il dans la préface de son second recueil en 1678.
Les fables animalières du Panchatantra
L’Inde a un riche héritage de contes et de légendes populaires. La tradition orale remonte sur plus de cinq mille ans et un des plus anciens recueils du monde d’histoires, le Panchatantra indien, provient de cette tradition.
Les fables du Panchatantra auraient été recueillies par Vishnu Sharma vers 300 avant J.-C., afin d’enseigner le Niti (“la sage conduite de la vie”) aux trois fils d’un ancien roi. En tout, il y a quatre-vingt-quatre fables, et beaucoup plus d’anecdotes imbriquées – ce qui était la manière de conter traditionnelle des Indiens pour soutenir l’attention. Le Panchatantra signifie littéralement les cinq traités.
Les fables de Kalîlah wa Dimnah, la version arabe du Panchatantra
Les fables du Panchatantra furent vers 570 traduites d’une langue indienne, probablement le sanskrit, en vieux perse (palhevi) par Burzuyeh, médecin royal envoyé aux Indes pour en ramener des drogues médicinales.
Puis, vers 750, Abdallah Ibn al-Muqaffa, un célèbre littérateur perse et premier grand prosateur de langue arabe, les traduit en arabe sous le titre de Kalîlah wa Dimnah. Ce recueil aurait été destiné à l’éducation morale des princes, mais son audience fut plus large. Considéré comme un modèle de style et apprécié pour ses illustrations, il remporta un immense succès auprès d’un public de lettrés. C'est Ibn al-Muqaffa qui, le premier, fit mention de Bidpaï (ou Pilpay) comme auteur du recueil (source : Les Fables de La Fontaine aux Indes - Jean-Marie Lafont).
Les fables de Kalîlah wa Dimnah furent abondamment traduites, en persan, en turc, en mongol, en latin et inspirèrent de nombreux écrivains. Des exemplaires, enluminés ou non, rapportés par des savants ou des ambassadeurs, enrichirent les grandes bibliothèques européennes.
L'intérêt de La Fontaine pour le Panchatantra
L'intérêt particulier de La Fontaine pour les fables du Panchatantra semble avoir été déclenché par le retour en France en 1669 de François Bernier après son voyage "aux Indes" de 1656 à 1669. Ce dernier vécut dans la résidence parisienne de Mme de la Sablière, où vivait également La Fontaine. Ce “gentil philosophe”, dit “le Mogol”, exerça une influence sur les meilleurs milieux et les meilleurs esprits parisiens (source : Les Fables de La Fontaine aux Indes - Jean-Marie Lafont).
Jean de La Fontaine se serait inspiré principalement de deux traductions :
- Le livre des lumières ou la conduite des rois composé par le sage Pilpay indien traduit en français par David Sahib d’Ispahan et publié en 1644. Sous ce pseudonyme se cache Gilbert Gaulmin, un orientaliste réputé qui traduit du persan.
- Specimen sapientiæ Indorum veterum, la traduction des fables de Kalîla wa Dimna en latin du Père Poussines à partir de la version grecque, elle-même traduite de l’arabe.
Vingt-quatre fables de La Fontaine trouveraient leur origine dans les traductions des fables de Kalîla wa Dimna soit environ 10 % de l'ensemble des recueils, et plus particulièrement :
- La tortue et les deux canards
- La laitière et le pot au lait
- Les poissons et le cormoran
- Le chat et le rat
- La souris métamorphosée en fille
La rédaction remercie Shila, Emmanuel et Henri pour leur aide précieuse sur les fables du Panchatantra ainsi que Jean-Marie Lafont.