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Comment gérer la distance avec ses enfants étudiants ?

distance étudiantsdistance étudiants
Écrit par Marie-Pierre Parlange
Publié le 30 mai 2019, mis à jour le 6 août 2024

On a beau savoir que l'oiseau doit quitter son nid, vivre à des centaines voire des milliers de kilomètres de ses enfants étudiants parce que l'on est expatrié n'est pas toujours facile à admettre et à gérer. Comment vivre sereinement ce grand bouleversement ?

 

Il n'y a pas beaucoup de "Tanguy" chez les expatriés. Au contraire, les enfants quittent le giron familial très tôt dans bien des cas. Leur retour en France pour les études, ou leur envol vers d'autres contrées lointaines parce qu'ils sont habitués depuis longtemps au dépaysement, laisse souvent les parents désemparés. Au moment des adieux, comment ne pas repenser à leurs premiers pas, aux pleurs inconsolables le premier jour de maternelle, à leur première colonie, leur première boum ? C'était hier. Seulement voilà, ils ont grandi, ils vont faire des études, et vous repartez loin, si loin d'eux à l'étranger. Difficile de garder l'oeil sec...

"Mon fils unique est très calme, observateur, attentif mais discret, explique François. Il est parti en université au Canada. Après son installation sur place, nous avions des sentiments mêlés : fierté de sa réussite bien sur, mais aussi résignation, même un sentiment de deuil de notre vie à trois. Les 18 ans avec lui sont passés trop vite. J'apprends à m'ajuster au vide qu'il a laissé, le calme à la maison n'a plus la même couleur."

Muriel s'étonnait de ne pas trop souffrir du départ de sa fille ainée pour l'Italie : "J'ai été très occupée par la reprise de mon travail, la rentrée des plus jeunes. Et puis le weekend est arrivé, et là, j'ai réalisé qu'elle n'était plus là pour s'asseoir à table avec nous ou papoter de choses et d'autres. Ça m'a complètement déstabilisée. Dur dur !" Pour Caroline, "avec 4 enfants étudiant en France, et nous, les parents en Australie, la séparation a été dure, mais plus pour nous que pour eux !"
 

"Le syndrome du nid vide"


Pas de panique, ce sentiment est tout à fait naturel. C'est ce qu'on appelle "le syndrome du nid vide". Selon une enquête sur la famille de l'Institut national des études démographiques (Ined), plus de 50% des parents évoquent certes une satisfaction à voir leurs enfants devenir autonomes, mais la moitié d'entre eux mettent aussi l'accent sur le sentiment de vide, d'ennui et de solitude qu'ils éprouvent. Alors comment faire face ? Chouchoutez-vous et chouchoutez ceux qui restent ! Occupez-vous de vous et de votre conjoint, retrouvez les endroits où vous vous sentez bien dans votre ville, reprenez contact avec les amis après le rush de l'été.  Attention à ne pas vous mettre dans une situation d'attente (peut-être va-t-il/elle m'appeler ?) et restez dans l'action. En général, d'après les spécialistes, au bout de deux semaines environ, la vie devrait reprendre le dessus*.

Etre hyper connecté(e)


Avec des enfants au bout du monde, pas question de lésiner sur les forfaits, vive internet et les smartphones ! On essaye de combler la distance à grands coups de Skype, Facetime, Viber, MMS et SMS. Blandine à Londres tient à parler sur Skype quotidiennement à ses deux filles : "J'ai besoin non seulement de les entendre, mais aussi de les voir. En un coup d'oeil, je remarque si quelque chose les chiffonne."


Pour Caroline en Australie, la gestion du décalage horaire est compliquée : "impossible de les joindre lors de petits coups de blues le soir; et le matin, les étudiants sont difficilement joignables". A cela s'ajoute "la difficulté de communication avec l'équipe pédagogique qui a parfois du mal à comprendre la distance qui nous sépare, et le regret de ne pas pouvoir rencontrer les professeurs ou l'équipe pédagogique, de ne pas pouvoir assister aux remises de diplôme ou de médaille". Malgré skype, Aurélie, installée à Vienne depuis six mois, regrette "la spontanéité de nos échanges, notamment lorsqu'il s'agit de leur vie sentimentale. Pas question pour eux par skype de parler de sexualité avec moi par exemple, ça ne passe pas. Heureusement que je rentre à Lyon de temps à autres, on finit par aborder les sujets qui les préoccupent, même les plus intimes."


Sylvie, en Asie, se réveille souvent la nuit pour échanger des petits mots avec ses enfants en France : "C'est souvent le soir qu'ils ont besoin d'encouragements. Ils m'écrivent quelques lignes, et j'échange avec eux jusqu'à ce qu'ils se couchent."

"J'ai tenu à être auprès de ma fille quand elle passait ses concours, à la fin de la prépa, explique Pascale de Madrid. C'était important mais j'ai fait l'erreur de ne pas être avec elle lors des résultats, qui ont été très décevants. Mon conseil aux parents ? Pensez à être près d'eux à ce moment là. En cas de claque on est utile, beaucoup moins s'il s'agit de fêter un succès !"

Rester attentif


Le manque affectif, il n'y a bien évidemment pas que les parents qui le ressentent. "Ma fille me demande tous les weekends de lui dire ce que l'on va manger, raconte Amélie, à Pékin. Elle est pourtant en France, et a enfin accès aux fromages et aux bonnes boulangeries qui lui manquaient. Mais au delà des raviolis chinois ou du canard laqué dont elle raffole, c'est sa façon à elle de nous dire qu'on lui manque, et pas seulement mes bons petits plats." Pascale a remarqué que sa fille avait besoin de retrouver ses repères : "Nous habitons à Madrid depuis longtemps, et quand elle rentre de Paris il est important pour elle de retrouver sa chambre. Il a été question d'y mettre son frère car elle est plus lumineuse, mais nous nous sommes heurtés à un non catégorique, on n'y a donc pas touché".

Vive l'indépendance !


Rappelez-vous, à leur âge, vous n'aviez qu'une idée en tête, partir ! Vos enfants sont heureux de faire l'apprentissage de l'indépendance et de l'émancipation. L'ancien ado qui laissait traîner son linge sale est en train de devenir un adulte. La distance peut donc aussi être vécue de façon positive, y compris pour la fratrie qui reste avec vous. "Avec sa forte personnalité, ma fille prenait beaucoup de place, explique Pascale. Depuis son départ, les autres enfants s'expriment plus, et j'ai plus de temps pour eux. Notre relation s'enrichit."

"A 20 ans et plus, ce n'est pas toujours le moment où on a le plus envie d'être avec ses parents, écrit Caroline. Pour l'enfant, c'est une prise de conscience de sa nouvelle liberté, mais aussi de ses responsabilités dans la vie. Pour les parents aussi, c'est le fait de retrouver une forme de liberté et de perte des contraintes dues à un enfant à la maison."

Ce départ n'est donc pas forcément une rupture. Apprenez à faire confiance à vos enfants, sûrement plus responsables et plus autonomes que ce que vous ne le pensez. Une relation d'adulte à adulte a de grandes chances de naître. Marie-Thé, étudiante à Singapour, confie : "L'éloignement m'a rapprochée de mes parents. Quand on s'appelle, il y a une vraie écoute". Débarrassé des corvées et de la routine du quotidien, un nouvel équilibre familial pourra s'instaurer qui se révèle souvent très épanouissant, pour les parents comme pour les enfants.

Réédition

* Attention le départ d'un enfant peut parfois être très mal vécu et générer une dépression. Si les difficultés perdurent, il ne faut surtout pas hésiter à en parler à un médecin.

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