Vus de France, les expatriés sont pour beaucoup des exilés fiscaux. La réalité, pourtant, est toute autre. Leurs obligations fiscales en France sont d’une grande complexité́, souvent inadaptées, parfois même inéquitables.
Les débats parlementaires de ces dernières années ou les médias français se sont focalisés sur les exilés fiscaux, méconnaissant la diversité des profils des non-résidents qui ne sauraient être réduits à 2 % de leur population.
En quittant la France, la plupart des expatriés perçoivent leurs traitements et salaires dans leur pays de résidence, ne conservant plus en France que des revenus fonciers et de capitaux mobiliers. Ils sont plus de la moitié à résider dans un pays à la fiscalité́ moins avantageuse ou équivalente à celle de la France. Pour éviter la double imposition, 121 conventions internationales ont été conclues par la France.
Pour l’année 2016, le nombre de foyers non-résidents fiscaux déclarés (français ou non*) s’élevait à 231.576, soit 0,6 % des contribuables français. L’impôt sur le revenu (IR) des contribuables non-résidents a représenté 1% du total collecté au plan national.
Une fiscalité plus lourde ?
L’IR moyen payé par le non- résident est supérieur à celui du résident : 3.076€ vs 1.856€ respectivement. Les expatriés auraient donc des revenus de source française supérieurs à ceux des résidents ? C’est en grande partie vrai mais pas seulement. Dans son rapport sur la mobilité internationale des Français, la députée Anne Genetet démontre que « le barème de l’IR pour le non-résident est défavorable par rapport à celui des résidents et cette différence est particulièrement marquée pour les faibles revenus ». « Le non-résident fiscal dispose d’un revenu fiscal de référence inférieur de 30% à celui du contribuable résident (18.381€ vs 26.444€), alors même qu’il paye un impôt moyen 65% plus élevé́ ».
Cette fiscalité́ plus lourde trouve plusieurs explications et notamment le taux forfaitaire à 20% qui pénalise les plus faibles revenus et la CSG qui n’a aucune composante déductible pour les non-résidents (pour ceux qui perçoivent un revenu foncier).
Un taux forfaitaire de 20% mal compris
Les revenus d’activité ou de remplacement, les revenus fonciers et les revenus de plus-values sur cession de bien immobilier détenu par un particulier non-résident ont un taux d’imposition minimum de 20%. L’application du taux moyen requiert en revanche une démarche du contribuable qui doit en faire la demande expresse. Pour ceux dont les revenus mondiaux les placeraient dans une tranche inférieure, il faut pouvoir en apporter la preuve, une procédure délicate, voire impossible. « Les non-résidents qui ont des petits revenus en France sont doublement défavorisés, nous explique Anne Genetet. Notamment par manque d’information : s’ils ne cochent pas la bonne case, on leur applique le fameux taux couperet de 20%. C’est soit équivalent soit plus avantageux d’être résident. »
Pour les contribuables, démontrer une absence de revenus à l’étranger est parfois difficile, voire impossible. « Les situations sont très différentes d’un pays à l’autre,nous dit Anne Genetet. Par exemple, si vous vous avez un revenu foncier en France, votre activité salariée à Tokyo et que vous décidez d’investir dans l’immobilier en Thaïlande. Si vous mettez votre bien thaïlandais en location, comme il n’y a pas de taxe d’habitation, ni de taxe foncière ou d’impôt sur les revenus fonciers, vous passez sous les radars. Comment pourrait-on savoir que vous avez des revenus là-bas ? C’est profondément injuste. C’est la même chose à Dubaï où il n’y a aucun impôt sur les revenus ou les sociétés. D’ailleurs les anciens expatriés à Dubaï qui rentrent en France ont du mal à donner des preuves de leurs revenus. »
La voie contentieuse donne lieu à un remboursement pour seulement un tiers des contribuables victimes d’un taux trop élevé. Il y a donc là une différence de traitement entre contribuables.
Absence de déductions de charges pas toujours justifiée
La plupart des charges déductibles du revenu fiscal d’un résident français ne le sont pas pour les non-résidents. Un don aux Téléthon en France ne pourra être pris en déduction fiscale par l’administration américaine sur des revenus perçus aux États-Unis par exemple.
Prélèvements sociaux, les non-résidents en colère
Depuis 2012 et l’instauration de prélèvements sociaux sur les revenus fonciers des non-résidents, c’est l’incompréhension pour ces exclus du système de protection sociale français. Contentieux, arrêts de la Cour Européenne et du Conseil constitutionnel, fléchage vers le Fonds solidarité vieillesse, remboursement des contribuables de l’Union Européenne, le feuilleton semble sans fin. L’enjeu financier global est estimé à 300 millions d’euros.
« On ne peut pas continuer ainsi, reconnaît Anne Genetet. Tous mes interlocuteurs en sont conscients. » Pourtant la députée des Français d’Asie Océanie qui préconise leur suppression semble peu optimiste : « On se heurte à des limites budgétaires. Comme l’image des Français à l’étranger n’est déjà pas terrible, expliquer aux contribuables français qu’on s’assoit sur 285 millions d’euros de recettes fiscales est difficilement envisageable. »
* Source Rapport sur la mobilité internationale des Français. Le terme « non-résident fiscal français » recouvre aussi bien des ressortissants français résidant à l’étranger que des ressortissants d’autres États ne possédant pas la nationalité française mais disposant de revenus de source française ou de biens immobiliers sur le territoire français.