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Vincent Perez : "Un film d'époque n'a d'intérêt que s'il parle à la nôtre"

À l’occasion de la 52ème édition du Festival du Film Français de Hong Kong, Vincent Perez est venu présenter son nouveau film “Une affaire d’honneur” en compagnie de son épouse Karine Silla, co-scénariste. Nous avons pu échanger avec l'acteur et metteur en scène.

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Vincent Perez, Karine Silla et Damien Bonnard à l'avant-première du film "Une affaire d'honneur"
Écrit par Carine Calandreau
Publié le 28 novembre 2023, mis à jour le 8 décembre 2023

Avec mon nouveau film, on est comme dans un autre monde

Vincent Perez, vous avez joué dans Cyrano de Bergerac, La Reine Margot, Le Bossu, Fanfan La Tulipe ainsi que dans Demain dès l'aube. Parlez-nous de votre goût pour les films en costumes d’époque.

Il est vrai que les plus célèbres de mes films sont ceux en costumes. Quand on vous propose de jouer dans des films qui sont pour certains devenus des classiques, comme La Reine Margot ou de Cyrano, c’est un peu difficile de passer à côté. Je n’ai pas un goût particulier pour le film de cape et d’épée. En fait, je choisis surtout les bons scénarios. Ce qui m’intéresse ce sont les histoires fortes.

Là, je fais un film sur le duel, à la fin du 19ème siècle. C’est un film en costumes de fin d’époque, juste avant l’ère industrielle. On est dans un autre monde, c’est le début de l’électricité.

Le duel est comme une chorégraphie

Quelle est votre attirance pour le thème du duel et de l’honneur?

Au départ, ce qui me plaisait, c’était le fait que je n’avais jamais vu de film sur le sujet. Il y avait bien “Les duellistes” de Ridley Scott, il y a plus de 40 ans. C'est un film magnifique dont l'histoire se passe début 19ème et qui est la seule véritable référence en la matière. J’ai voulu aller dans le même sens surtout parce que j’ai découvert un  monde incroyable. En 1881, c'est la libération de la presse. Les journalistes peuvent mener une enquête et sortir un article sans passer par la censure ou par les autorités locales. Il y a alors un retour de la pratique du duel avec 50% des gens impliqués qui viennent de la presse et de la littérature. Le reste, ce sont des militaires ou des hommes politiques, etc. C’est un sujet intéressant qui n’a jamais été traité. Je me suis donc penché dessus en mettant toujours au centre du récit le duel, l’exercice du duel, cette chorégraphie qui est comme une danse.

Pour filmer des combats, il faut savoir combatre

Avec ce palmarès, on imagine que vous êtes déjà bien formé au combat à l’épée. Vous faisiez déjà de l’escrime plus jeune?

Non, j’aimais bien les arts martiaux et l’épée ou le sabre, ce sont aussi des arts martiaux. J’ai baigné dans des films d’art martiaux comme ceux de Bruce Lee, ou un peu plus pointus avec ceux de Kurosawa, avec des acteurs comme Toshiro Mifune. Ce sont des acteurs très physiques auxquels je m’identifie. Quand j’ai la possibilité d’apprendre une chorégraphie ou quelque chose de physique ça me plaît. J’imagine que je dois avoir une fibre de danseur. En fait, un combat, c’est de la danse, c’est de la chorégraphie. J’ai fait beaucoup de combats au cinéma. J’ai travaillé avec les plus grands maîtres d'armes, et c'est ça qui m’a permis de faire ce film qui sait de quoi il parle. Les combats sont filmés par quelqu’un qui connaît les combats et sait comment les filmer et les rendre le plus réalistes possible.

L'important, c'est d'apprendre à combattre en rythme

Combien faut-il de temps avant le début du tournage pour que les acteurs se préparent à ces scènes de combat?

Les acteurs, ça faisait partie de leur engagement. Il fallait qu’ils s’entraînent, qu’ils soient prêts pour que je puisse les filmer dans l’action. La difficulté, ce n’est pas d’apprendre les chorégraphies, c’est d’apprendre le rythme, d’être dans la vitesse du combat et de tenir sur les 2 à 3  jours lorsque qu’on tourne des scènes de combats du matin au soir. C’est donc assez éprouvant. Il faut tenir et donc être prêt physiquement. 

Ce sont des scènes plus longues à tourner ?

Ce sont des scènes beaucoup plus compliquées car elles nécessitent beaucoup plus de plans, de précision, etc. Ils se sont donc entraînés pendant 3 à 4 mois. Ça a été progressif mais c’était un entraînement avec un coach à peu près 4 fois par semaine. Et il y avait aussi l'entraînement pour apprendre le langage des armes.

J'ai lu de nombreux livres sur le duel

Avec Karine Silla vous avez fait des recherches très poussées pour pouvoir dédier un film entièrement au thème du duel ?

Quand je travaille, je passe énormément de temps sur les recherches. Je passe des mois et des mois à lire, à rentrer dans l’univers du film, le comprendre, me familiariser avec, me sentir chez moi dans cet univers, dans cette époque.  C’est comme si j’y avais vécu. J’ai passé tellement de temps à lire des livres qui ne sont pour beaucoup plus édités. J’ai souvent dû trouver de vieux livres d’époque dont il restait seulement 35 exemplaires. C’est dans ces  livres que j’ai retrouvé l’esprit de l’époque, l’esprit des duellistes aussi, et çà m’a inspiré pour écrire l’histoire. Ensuite, Karine m'a permis de révéler les enjeux humains, profonds, de donner une âme aux personnages, les faire vraiment vivre. C’est comme si j’amenais un diamant brut et qu’ensemble nous le taillions pour chercher l’identité du personnage.

Pourquoi situez-vous précisément votre film en 1887? Est-ce que c’est lié à la parution du manuel sur “L’art du duel” d’Eugène Tavernier en 1886 ?

Tavernier est incarné par Guillaume Gallienne dans le film. 1887, parce qu'on est dans un monde qui change et c'est le vrai sujet du film. C’est une période intéressante car c’est une période un peu révolutionnaire. Il y avait beaucoup d’inventions, comme par exemple le fait que l'on commençait à éclairer les rues avec l’électricité. Sur l’Avenue de l’Opéra, il y a eu une tentative à cette période. C’est aussi la construction du premier étage de la tour Eiffel, l’industrialisation... on va vers un monde moderne. Cette année-là était vraiment une année charnière et les personnages font partie de ce monde.

Ce film parle aussi de la libération de la femme

C’est pour raison que vous avez fait un lien avec le personnage féminin de votre film, Marie-Rose Astié de Valsayre, une féministe avant-guardiste, incarnée par Doria Tillier ? 

Tout à fait. En fait, si on fait un film d’époque, il faut que ça questionne la nôtre. Donc, le film parle aussi de notre époque. On peut s’identifier et se projeter dans le film. Là, il y a cette femme extraordinaire, qui a vécu à cette époque, Marie-Rose Astié de Valsayre, militante féministe et probablement une des premières à se battre pour l’égalité des salaires. C’est une femme qui a été oubliée, dont personne ne parle plus aujourd'hui, mais qui, par exemple, s’est battue pour le port du pantalon alors interdit aux femmes. Il fallait qu'elles portent un corset, un chapeau et une robe. Porter des robes par tout temps, forcément mouillées en hiver. L’humidité remontait et elles risquaient constammentdes refroidissements ou des vertiges. Elles étaient cantonnées à un vêtement qui était beau mais peu pratique pour les déplacements.  Quand elles prenaient le tramway, il y avait souvent des accidents du fait que la robe se prenait dans les roues. Cette période marque la fin de l’éclairage au gaz qui avait causé des incendies comme celui du Bazar de la Charité ou celui de l'Opéra Comique en 1887. Parmi les victimes il y a avait surtout des femmes, parce qu’elles étaient prisonnières de leurs robes.

Astié de Valsayre s’est battue pour aller vers un monde moderne. Ce qui est intéressant avec ce personnage, c'est qu'elle était en avance sur son temps. C'était une femme libre. Les féministes de l’époque ne l’aimaient pas trop parce qu’ils disaient qu’elle était folle, qu’elle demandait trop comme l’égalité des salaires, ça allait trop loin. Elle a créé la première ligue féminine d’escrime et se battait en duel. Elle s’est battu en duel contre des femmes pour pouvoir défendre son honneur. A l’époque les femmes ne défendaient pas leur honneur car seuls les hommes étaient responsables de l’honneur des femmes. Astié refusait ça et ça a été merveilleux de pouvoir la faire revivre.

J’ai toujours aimé venir en Asie

Pour se rapprocher de l’Asie, en 1992 vous faisiez partie de l’affiche d’Indochine, et l’année dernière en 2022 sortait la série adaptée du roman Shantaram de Grégory David Roberts qui se situe en grande partie à Bombay où vous interprétez un personnage français. Avez-vous d’autres projets en lien avec l'Asie ou Hong Kong ?

J’aimerais beaucoup collaborer avec des pays d’Asie, c’est sûr. J’ai toujours aimé venir en Asie, je m'y sens bien. J’ai visité beaucoup de pays d’Asie et je trouve qu’il y a des cinéastes, des acteurs et actrices absolument merveilleux. J’adorerais trouver un projet à Hong Kong, au Japon ou à Taiwan. J’adore le cinéma taiwanais et le cinéma coréen. Il y a aussi de très grands réalisateurs thaï. 

 

Vous avez été invité d’honneur par l’Alliance Française pour ce festival. Pourquoi êtes-vous venu présenter votre film à Hong Kong?

Ça me faisait plaisir de venir à Hong Kong et j’aime les Alliances Françaises car j'aime la culture française. J'ai toujours participé depuis le début de ma carrière à des films qui m’ont fait voyager. J’ai toujours été un ambassadeur de la France, du cinéma français et des films que je présentais. Je le fais aussi parce que je suis curieux, j’aime voyager et aller à la rencontre de nouvelles cultures, construire des relations avec certains pays. J’ai aussi construit une vraie relation avec certains pays comme la Russie ou le Japon. Je suis allé très souvent à Taiwan. La Corée, j’adorerais y aller plus souvent. J’ai eu beaucoup de moments d’émotions avec les Coréens. Le cinéma coréen est très humain.

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