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A Delhi, à l'école Motia Khan, des enfants avides d’apprendre

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Écrit par Isabelle Bonsignour
Publié le 17 juin 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

L'école Motia Khan, fondée en 2014, accueille les enfants d’un quartier de la capitale indienne, habité par de nombreuses familles défavorisées qui vivent en grande partie de la mendicité des femmes et des enfants. Les fondatrices de l'école, deux expatriées à Delhi, ont voulu offrir aux enfants et à leurs familles un moyen de se forger un avenir meilleur. De 50 enfants scolarisés au début à 250 aujourd’hui, le projet est un réel succès soutenu par deux ONG et géré par une équipe de bénévoles.

 

La rédaction a rencontré Hugues de Vaulx, expatrié français à Delhi, qui s’y est investi depuis 2018. Il nous raconte la création de l'école, son expansion rapide, son rôle et les beaux moments qu’il a partagés avec les enfants depuis deux ans.


Le “Shelter Motia Khan” : un abri insalubre dans un quartier défavorisé

Dans le quartier de Motia Khan, au nord de Old Delhi se trouve le “Shelter”, un lieu occupé principalement par des familles de la tribu Pardhi originaires du Karnataka, du Gujarat et du Maharashtra et venues à Delhi pour fuir la famine qui sévissait à l'époque dans leurs districts. Toutes y subsistent dans des conditions terribles : insalubrité du shelter, pas d'accès au système de santé, faibles revenus, pas de documents d'identité leur permettant de bénéficier des aides du gouvernement... Les hommes ont des petits emplois comme, par exemple, conducteurs de cycle-rickshaws et les femmes et les enfants mendient aux carrefours des avenues de la capitale. C’est aussi une des zones dans lesquelles de violentes émeutes inter-communautaires ont eu lieu en février 2020. Aujourd’hui, Motia Khan est en confinement strict à la suite du grand nombre de personnes testées positives pour la Covid-19 et donc inaccessible. 

 

 

Pendant une douzaine d'années, un groupe de femmes expatriées est intervenu tous les jours pour apporter des rations alimentaires et prendre soin de ces familles qui n’ont presque rien et ainsi leur procurer un peu de réconfort.

 


L'école Motia Khan : un avenir meilleur pour les enfants et leurs familles

L'école Motia Khan a été créée en 2014 par deux femmes faisant partie de ce groupe, Sophie Godefroid et Tina di Stefano, dans le but de scolariser les enfants habitant dans le “Shelter”. Elles étaient convaincues qu’il fallait absolument extraire les enfants du cercle vicieux de la mendicité et qu’un avenir meilleur pour les familles de Motia Khan passait par leur scolarisation. “A Delhi comme dans d’autres grandes villes indiennes, les enfants sont utilisés pour rapporter de l’argent à leurs parents,” explique Hugues. 
 

Motia khan delhi ecole

Quand on arrive à démontrer que l'école peut être un lieu où les enfants apprennent, s'épanouissent et sont nourris, et que via l'école, on peut aider les parents par des dons de vêtements par exemple, on fait prendre conscience, petit à petit, aux familles de l'intérêt de l'éducation pour leurs enfants.


L'école Motia Khan vit le jour dans le “Shelter” avec deux institutrices courageuses, Neeti et Noshi, qui y exercent encore en 2020 : “Je suis plein d'admiration pour ces deux maîtresses qui ont démarré l'école dans des conditions terribles d'insalubrité que personne n’aimerait vivre, au milieu des rats, avec en plus des parents réticents et de la violence. Mais, elles ont tenu le choc et sont toujours là aujourd'hui. Ce sont les meilleures amies du monde et l'âme de l'école,” avoue Hugues, ému.

 

Sophie Godefroid motia khan
Sophie Godefroid entourée des deux maitresses avec qui elle a fondé l'école, Noshi et Neeti

 

Au début, seulement 10 garçons assistent aux leçons. Puis, le bouche à oreille fonctionne et plus d’enfants rejoignent la salle de classe. Les deux fondatrices réussissent à persuader les parents que l'éducation est bénéfique pour leurs enfants et pour eux-mêmes : “au bout d’à peine un an, des filles se sont jointes aux garçons, l'école est devenue mixte et aujourd’hui il y a autant de garçons que de filles”, déclare Hugues. 

En 2016, Sophie et Tina parviennent à affilier l'école à la fondation Samarpan, une ONG indienne qui gère plusieurs établissements scolaires en Inde. Avec le soutien de cette dernière, elles trouvent un nouveau local pour accueillir plus d’enfants dans de meilleures conditions. L'école déménage alors dans un bâtiment proche du “Shelter”, critère essentiel pour que les élèves y viennent. Depuis, l'école a encore déménagé toujours pour avoir plus d’espace.

 

motia khan hugues vaulx
Hugues déménage l'école

 

Aujourd’hui, 250 élèves sont scolarisés. L'école emploie cinq enseignantes  et une personne en charge du suivi de la santé des familles ainsi que deux cuisinières et une aide-ménagère, qui vivent dans le “Shelter”. 

Les enfants sont nourris deux fois dans la journée : petit-déjeuner et déjeuner ou déjeuner et goûter / dîner. 

De plus, une psychologue, Samrita, assiste les élèves en difficulté, principalement les filles car nombre d’entre elles ont été abusées sexuellement : “Elles sont recroquevillées et ne disent pas un mot quand elles arrivent à l'école. Un immense travail est nécessaire pour leur redonner confiance en elles,” avoue Hugues.

Ce qui m’a le plus marqué, c’est la résilience de ces enfants qui vivent des choses pas faciles, mais ont toujours le sourire et sont avides d’apprendre. Ce sont des leçons de vie incroyables ! Ils nous renvoient au centuple nos petits gestes de tendresse 

 

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Tina, fondatrice de l'école

 

L'école Motia Khan est affiliée à l’ONG indienne, Samarpan Foundation. Grâce à une ancienne bénévole rentrée en France après son passage à Delhi, Anne Brière Boccas, une deuxième ONG française, basée à Pau, Le Fonds des Hirondelles, assiste l'école dans la collecte de fonds et assure ainsi une partie du financement.

 

Motia khan delhi ecole
Exercice de maths

 

La gestion de l'école assurée par des bénévoles

Les deux fondatrices de l'école Motia Khan, Sophie et Tina, en ont assuré la gestion pendant leur séjour à Delhi. Hugues de Vaulx et  Isabelle Hatat ont repris le flambeau après leur départ. Guidé par Sophie avant qu’elle ne quitte l’Inde, Hugues est depuis deux ans en charge de l'école avec le soutien des deux ONG. Cette période avec Sophie lui a permis de faire connaissance avec les maîtresses, avec les enfants et les parents et de reprendre la gestion de l'école : il s’assure principalement que les fonds sont suffisants pour payer le personnel tous les mois. Il veille aussi à ce que l'école puisse accueillir toujours plus d’enfants et les accompagner.

 

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Hugues avec Gulvesh et Adeep, dont la maman est Taranum, la cuisinière de l’école

 

Hugues s’est chargé de structurer une organisation fiable pour : 

 

1- La collecte de fonds afin de permettre à l'école de fonctionner. Le coût annuel de scolarité d’un enfant est de 100 euros. “En 3 ans, l'école est passée de 150 enfants accueillis à un peu plus de 250 et a déménagé deux fois”, remarque Hugues.

Samarpan Foundation couvre approximativement 60% du budget de l’école. Le Fonds des Hirondelles 30% et le reste vient de dons des fondateurs et bénévoles. Les deux ONG demandent un suivi régulier des activités de l'école.

 

2- Le suivi hebdomadaire des enfants scolarisés ainsi que des institutrices et du personnel administratif

En cas de maladie ou d’accident d’un enfant ou de sa famille, l'école se charge de l’accompagnement de la personne (enfant ou adulte) à l'hôpital et s’assure de la prise en charge du patient. Les familles n’ont souvent pas accès aux soins de santé par manque de documents : “elles sont plutôt “intouchables” au niveau caste” confie Hugues. “Les portes des hôpitaux leur sont souvent fermées. C’est pourquoi, nous avons tissé des liens avec des structures hospitalières pour que ces enfants et leurs parents soient soignés,” affirme-t-il. Cela a permis aussi d’organiser des campagnes de vaccination. 

 

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Sultana, enfant de l'école, accompagnée à l'hôpital St Stephen par deux infirmières françaises, Noémie et Isabelle, venue à Delhi par le Fond des hirondelles

 

De son côté, la psychologue, Samrita, surveille, chez les petits comme les grands, les signes qui pourraient indiquer un mal être, une violence subie... et intervient à la demande des maîtresses. “C’est grâce à l’action de Samrita que nous avons pu aider par exemple notre cuisinière Tarannum qui devait faire face à des problèmes importants. Nous avons épongé des dettes contractées par son mari et fait en sorte qu’elle ne soit plus menacée,” raconte Hugues.

Il est important de s’assurer qu’enfants et adultes sont en bonne santé physique et morale.

 

Motia khan Isabelle
Distribution de brosses à dent par Isabelle et Hugues, grâce à Sylvia Dominguez Patoir

 

3- L’organisation d'activités extra-scolaires pour les enfants : des sorties dans Old Delhi, au musée des sciences, au zoo, l’intervention d’un potier, d’un groupe de musique, d’un danseur… Cela permet de soulager les maîtresses et d’ouvrir l’horizon des enfants qui ne sont pour la plupart jamais sortis de leur quartier et ne connaissent pas grand chose de la ville dans laquelle ils vivent. 

La sortie en bus pour aller visiter le musée des sciences a été pour moi une vraie leçon de vie : les enfants étaient vêtus de leurs plus beaux habits, en file indienne dans le musée, émerveillés et hyper disciplinés. Ils le vivaient comme quelque chose d’extraordinaire !

 

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Sortie au musée des sciences de Delhi

 

L’école a organisé aussi des circuits de visite dans Old Delhi, situé juste à côté de Motia Khan, par le biais d’une structure fondée par Nick, un notaire anglais, Street Connections qui y organise des tours. Sanju, un jeune guide, qui vivait auparavant dans la rue, a été sauvé par  Salaam Baalak Trust, une ONG indienne et formé par Life Project for Youth (LP4Y), une ONG française. Pendant chaque visite, Sanju a raconté son histoire aux enfants et l’impact a été formidable : “Les enfants avaient des étoiles dans les yeux : ils avaient devant eux un modèle vivant d’un avenir possible,” affirme Hugues.

 

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Visite Old Delhi avec Nick, Sanju et Isabelle

 

4- L’accompagnement en anglais

Quand ils arrivent à l’école, la majorité des enfants ne parlent pas anglais. C’est important pour leur futur. Ils aiment apprendre des chansons anglaises et sont des danseurs incroyables ! 

 

5- La formation informatique et l’école à distance

Grâce au Fonds des hirondelles quelques ordinateurs portables ont pu être récupérés et remis à niveau par Liam, un autre bénévole doué en électronique. 

Pendant le confinement, la psychologue de l'école, Samrita, a eu l'idée d'équiper une vingtaine d’enfants de téléphone portable. Les institutrices ont ainsi pu donner des cours en ligne. “On s'aperçoit que les enfants jouent bien le jeu et cela confirme qu’ils sont avides d’apprendre,” s’enthousiasme Hugues. C’est un vrai succès : “on se rend compte qu’il va falloir qu’on investisse sérieusement dans ce côté enseignement à distance et dans l’informatique aussi” affirme-t-il.

 

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Le sol fait office de bureau

 

L’avenir de l'école Motia Khan

Hugues est confiant dans l’organisation mise en place : elle devrait permettre la pérennité de l'école avec le soutien des deux ONG et le personnel existant espère-t-il. “Pour moi, le fait que les deux maîtresses qui ont commencé dans des conditions très dures enseignent toujours à Motia Khan sept ans plus tard, est un vrai gage d'espérance pour l'école. A travers elles, à travers Tina, Sophie et Isabelle, toujours actives à distance, cette école est depuis le départ  une famille”, avoue Hugues.

 

L’expatriation de Hugues à Delhi se termine à l'été 2020 et sa préoccupation, aujourd'hui, est de constituer et accompagner une petite équipe qui pourra continuer son travail en assurant la gestion de l'école comme il l’a fait depuis deux ans : “C’est plus sympa d'être plusieurs. On se soutient et cela permet aussi une plus grande pérennité”, confie-t-il. Il prévoit d’accompagner ses remplaçants comme cela a été fait pour lui et pense donc revenir à Delhi dès l’automne, plusieurs fois.
 

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Hugues au shelter de Motia khan avec un enfant

 

Au cours de mes 30 mois à Delhi, c’est le contact avec cette école qui m’a le plus marqué, c’est ce qui m’a rendu le plus heureux dans ce que j’ai fait en Inde. Cela vaut le coup de s’impliquer. Face à cette misère qui nous éclate à la figure dès qu’on débarque de l’avion, il est difficile de faire l’autruche. Par contre, il est malheureusement possible de devenir cynique. Pourtant, il y a toujours moyen d’aider : chaque personne avec ses talents, son propre charisme, différent et complémentaire, a la possibilité de faire des petits gestes. Ce sont ces petits gestes qui font les grands ruisseaux. Cela nous fait grandir humainement ! Ca vaut le coup de ne pas fermer les yeux et d’être humain tout simplement.

 

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Chacun son masque

 

Si l’histoire de l'école Motia Khan vous a inspiré et si vous êtes prêt(e) à aider de quelque manière que ce soit, n'hésitez pas à contacter Hugues par mail : huguesdevaulx@gmail.com 

Toute personne a des compétences et des talents différents et il y a toujours un moyen d’aider : obtenir des financements via des contacts, donner un peu d’affection aux enfants, organiser une sortie ou un atelier, une collecte de vêtements, donner des cours d’anglais ou d’informatique, accompagner une famille à l’hôpital… Les enfants vous le rendront au centuple.

 

 

 



 


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