Lepetitjournal.com a rencontré Lise Talbot Barré, nouvelle Consule Générale de France à Pondichéry et Chennai qui nous livre ses premières impressions et les objectifs du Consulat pour 2021 et l’après Covid.
Bonjour Lise Talbot Barré ! Lepetitjournal de Chennai est ravi de faire votre connaissance et de vous donner la parole en ce début d’année 2021. Pouvez vous nous raconter un peu qui vous êtes ?
Je suis ravie d’avoir l’opportunité de parler au petitjournal.com, et à travers lui, à la communauté française de Chennai. Qui suis-je alors ? Je suis une diplomate du Ministère des Affaires Etrangères, j’ai commencé en 2003. Je suis russisante dû à une passion depuis mon adolescence pour le russe et la Russie. J’ai eu la chance d’aller en poste en Biélorussie de 2011 à 2014 où j’ai été conseillère de coopération et d’actions culturelles puis adjointe de l’ambassadeur et conseillère culturelle. Avant la Bielorussie, je suis partie à Ottawa où j’ai appris le métier de diplomate sur le terrain. Puis un retour à Paris dans des directions liées à la coopération. Puis j’ai eu une ouverture (puisque le Ministère nous propose cette diversité à la fois géographique et diversité de métier) pour rejoindre la direction d’Asie et d’Océanie, y coordonner nos politiques de coopération et d’action culturelle. C’était une zone qui m’intéressait personnellement par mes lectures ou mes voyages, et je souhaitais découvrir une nouvelle région. J’ai donc postulé pour Pondichéry. Ce poste rassemblait un certain nombre d’attraits avec à la fois cette histoire, ce patrimoine. L’Inde est un pays dynamique et fascinant, avec une culture très riche. C’était un poste qui cumulait des fonctions consulaires classiques mais aussi de la culture et des relations économiques qui sont des dominantes dans mon parcours de diplomate.
Vous avez pris vos fonctions en Inde en Septembre 2020, à la suite de Mme Catherine Suard. Connaissiez-vous l’Inde auparavant (à titre professionnel ou personnel) ?
C’est ma première fois en Inde du Sud. J’ai fait un voyage touristique au Rajasthan il y a une quinzaine d’années. Cela a été mon premier contact. Je dois dire que l’Inde du Sud est complètement nouvelle pour moi. J’arrive avec un regard nouveau !
Quelles sont vos toutes premières impressions de ce pays / cette culture ? Entre la Bielorussie et l’Inde, cela doit vous faire un sacré changement non ?
C’est totalement différent oui ! C’est la richesse de notre métier d’ailleurs, de pouvoir diversifier nos missions de servir l’Etat dans des pays différents. C’est sûr, il faut avoir le goût du changement au Quai d’Orsay ! C’est une remise en question permanente, l’apprentissage tout au long de la vie, c’est ce que j’aime dans la carrière. Mes premières impressions, c’est vrai c’est un peu étrange de prendre ses fonctions en pleine crise de la Covid-19. En septembre, Pondichéry et Chennai étaient encore très confinés, ou en tout cas avec encore beaucoup de restrictions. Donc c’est une première approche un peu spéciale. Voir Pondichéry sans personne dans les rues n’est pas la vraie Pondichéry. Mais voir la ville s’ouvrir à nouveau, revenir à la vie si je puis dire est très intéressant.
Après 4 mois, quel bilan pouvez-vous partager avec nous ?
Le bilan que je peux en faire après 4 mois c’est énormément d’opportunités pour la France, avec des défis, des demandes, des besoins. La communauté Française a des attentes du Service Public. Je constate que le Consulat a toujours été là tout au long de la crise : le consulat et le Bureau de Chennai ont été et sont opérationnels à 100%. Je constate aussi que la coopération entre l’Inde et la France, entre le Tamil Nadu et la France est forte, il y a énormément d’opportunités dans le domaine économique bien sûr. La visite de l’Ambassadeur en décembre (voir notre article à ce sujet) a montré à la fois la qualité des relations et tout le potentiel des projets à venir. Beaucoup de choses ont été lancées, puisque je prends la suite de Catherine Suard qui avait fait un travail remarquable, de fond. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Les interlocuteurs Indiens sont désireux de continuer à travailler avec nous, c’est très stimulant !
Profitons de ce début d’année pour vous parler un peu des objectifs que je me donne cette année avec l’ensemble des équipes.
- Tout d’abord, la sécurité de la communauté française et la continuité du service public. Nous avons mis en place un mode de fonctionnement pour vivre la crise dans la durée et assurer les services, avec la mise en œuvre du grand plan de relance de l’Etat qui comporte un volet de soutien aux Français, et donc aux Français établis hors de France avec notamment des aides.
- Le renforcement des liens économiques. Avec la venue de l’Ambassadeur de France en Inde, Emmanuel Lenain ici, nous avons marqué un bon premier jalon avec pour la première fois une rencontre entre le Chief Minister (du Tamil Nadu) et un Ambassadeur de France. Le symbole politique est très fort ; La volonté de la France de rencontrer cet Etat là est un symbole très important : Le Tamil Nadu est vraiment le Pôle économique et industriel de l’Inde du Sud. Je voulais d’ailleurs souligner que, pendant la visite de l’Ambassadeur, il y a eu la signature d’un MOU entre les organisations de Guidance et IFCCI. Cet accord est très important car il nous donne une panoplie d’outils d’accompagnement des entreprises françaises présentes au Tamil Nadu et des entreprises françaises qui souhaiteraient s’implanter au Tamil Nadu. On a vraiment un appareil d’accompagnement d’investissements français efficace, opérationnel et porté à haut niveau par le Gouvernement du Tamil Nadu. Prendre mes fonctions et avoir d’entrée de jeu cette concrétisation est un bon point de départ parce qu’ensuite, attirer les entreprises françaises au Tamil Nadu sera plus facile que cela ne l’était qu’auparavant. Tout cela va aussi nous permettre de mieux promouvoir la France : Grâce au Tamil Nadu Guidance, nous allons pouvoir organiser des évènements de promotion de la France pour les investisseurs Indiens qui souhaitent investir dans notre pays
- Ma troisième priorité, qui me tient vraiment à cœur, et vous le comprendrez de par mon parcours, c’est la jeunesse. Cela englobe l’enseignement Français en Inde, la Culture, l’éducation, la coopération universitaire, la recherche. Là, je dois dire que cela a été un challenge depuis le début pour essayer de faire ouvrir le lycée français de Pondichéry. Nous avons réussi à faire ouvrir les classes du lycée d’abord, puis les classes du collège et là, le Gouvernement de Pondichéry a annoncé l’ouverture de toutes les écoles de Pondichéry en Janvier et c’est une excellente nouvelle, pour la communauté française, pour le bien être des enfants. En tant que maman de deux enfants scolarisés au Lycée Français de Pondichéry, je pense qu’il est vraiment urgent que les enfants retournent à l’école, se sociabilisent, et aient accès à tout ce qui les construit à leur âge, pour être les citoyens de demain… C’est un effort collectif et j’en suis assez fière. Il y a un dialogue amical et efficace. J’espère de tout cœur que l’on arrivera à quelque chose à Chennai mais, vous le savez, c’est plus compliqué.
A ce propos d’ailleurs, y a-t-il des démarches de la part du Consulat pour faire avancer l’ouverture des écoles françaises (ou l’accès à l’enseignement français) à Chennai ?
Déjà il faut comprendre que c’est plus compliqué car les établissements ne sont pas de même nature. A Pondichéry, le Lycée est considéré comme un service de l’Etat à l’Etranger. A Syshia, l’école Française est hébergée dans une école indienne donc il faut à la fois respecter la législation du Tamil Nadu qui est différente de celle de Pondichéry. Il faut aussi respecter la gestion par l’école Indienne qui l’héberge. Les contextes sont différents. Aujourd’hui, je peux vous dire qu’il y a un dialogue permanent avec la direction de l’école Syshia. Avec le Gouvernement du Tamil Nadu, les choses sont plus compliquées techniquement car j’ai dû attendre mon exequatur, à savoir, l’acte juridique par lequel le pays d’accueil reconnait officiellement ma mission sur le territoire indien. Je n’ai obtenu cet exequatur que début Décembre. Donc je n’ai pas encore pu commencer le dialogue avec le Ministre de l’Education.
Pouvez vous nous raconter les projets à venir du Consulat ?
2021, la grande échéance pour le Consulat et la communauté française, sera l’élection des conseillers des français de l’étranger le 30 mai.
En terme économique, nous avons un certain nombre de projets avec l’IFCCI, Business France et Guidance, l’organisation d’évènements de promotion du Tamil Nadu et de la France. Mais c’est encore au stade de réflexions, je trouve prématuré d’en parler.
Vis-à-vis de la jeunesse, je suis entrain de remettre sur les rails le festival des Francophonies. Le calendrier évolue, nous travaillons plutôt pour l’été ou l’automne 2021. Mon souhait est de faire de Pondichéry le point de départ de la Francophonie et la culture francophone, ouvrir à toute l’Inde du Sud et faire la promotion de ce festival au-delà des frontières de Pondichéry.
J’aimerais beaucoup utiliser ma mission pour travailler une cause qui me tient particulièrement à cœur, c’est l’égalité entre les hommes et les femmes. Déjà au cœur du Consulat avec des formations, la lutte contre les préjugés, mais aussi cette cause tournée vers l’extérieur, que chaque projet et chaque action prennent en compte ce facteur d’égalité. Ces démarches s’inscrivent aussi dans le calendrier diplomatique de la France puisque celle-ci copréside le forum « Génération égalité » qui est un grand rendez-vous international des Nations Unies (l’été prochain). Cela s’inscrit aussi dans la stratégie mise en place par la France en 2018, qui engage chaque ambassade et chaque consulat à avoir une feuille de route d’égalité. J’aimerais préciser que tout cela n’est pas QUE tourné vers les femmes, ce sont aussi des actions à mener avec et pour les hommes !
Nous aimerions revenir rapidement sur les objectifs économiques et Business : Avez-vous quelques mots à dire aux entreprises et entrepreneurs qui aimeraient se lancer en Inde ?
Evidemment le MOU est la nouvelle pierre, le nouvel outil qui s’ajoute à notre panoplie. Nous avons la chance d’avoir à Chennai, au Bureau de France, une équipe Business France, dédiée à l’accompagnement des entreprises françaises qui veulent s’implanter en Inde, et en particulier dans le Sud de l’Inde. Cette équipe est composée de spécialistes sectoriels, répartis sur tout le territoire.
J’invite mes compatriotes entrepreneurs qui souhaitent s’installer dans le Tamil Nadu à nous contacter, à contacter Business France ! L’environnement des affaires ici est assez favorable, déjà grâce au fait d’avoir une agence dédiée pour faciliter les investissements, mais aussi grâce à un potentiel industriel de qualité, qui se développe, une main d’œuvre de qualité, un enseignement supérieur en abondance. On le constate, les entreprises françaises n’hésitent pas à implanter des centres de recherche ici, dans le Tamil Nadu ; je pense notamment à Saint Gobain, grande usine et centre de recherche incontournable. C’est le cas aussi de Renault Nissan, de Valeo etc… Donc le Tamil Nadu présente un potentiel assez intéressant, avec à la fois un accompagnement et un environnement des affaires qui est favorable, l’implication des autorités politiques, et un maillage universitaire, industriel et de la recherche qui est stimulant !
Pour finir, qu’aimeriez vous dire à nos lecteurs lepetitjournal.com en Inde ?
Je suis ravie d’être en Inde, il y a un potentiel énorme ici ! Nous sommes dans un pays ami, avec qui nous partageons un partenariat stratégique. Nous nous sommes beaucoup rapprochés ces dernières années grâce à une relation politique très étroite entre nos dirigeants. Je constate aussi sur le terrain, que cette relation amicale existe. Avec mon équipe, je me ferai fort de développer encore cette relation, de faire vivre cette amitié franco-indienne, dans un environnement qui est vraiment favorable. Nous vous préparons à la phase post-Covid avec plein de projets culturels, économiques, nous sommes dans les starting blocks !