Un tribunal de Delhi a récemment ordonné la saisie de peintures de M. F. Husain exposé dans une galerie d’art de la ville car jugée offensante, mais qui était cet artiste accompli aux multiples controverses ?


Un créateur aux multiples facettes
Né à Pandharpur, Maharashtra, le 17 septembre 1913, Maqbool Fida Husain s’installe à Bombay en 1937 pour devenir peintre. Artiste autodidacte, il commence sa carrière en peignant des affiches de cinéma et des panneaux publicitaires.
Artiste complet aux talents multiples, il explore des territoires aussi bien géographiques que conceptuels, de la création de jouets au design de meubles, de la peinture à la poésie en passant par le théâtre et le cinéma.

Courtesy of Usha Mittal © Victoria and Albert Museum, London
Il expérimente aussi bien le texte que l’image, peignant aux côtés de musiciens pour traduire la beauté de la musique et de ses notes en coups de pinceau.
M.F Husain n’a jamais cessé d’explorer et de redéfinir l’art. Membre du Progressive Artists' Group, fondé en 1947, il a participé au renouveau artistique post-indépendance, cherchant à traduire l’âme de l’Inde à travers une mosaïque de couleurs et de symboles culturels. Inspirée de la mythologie et du folklore indien, son œuvre a apporté une nouvelle dimension à la peinture contemporaine.

Un succès populaire et critique
Son ascension en tant que figure publique est autant liée à son style et à sa présentation qu’à ses thèmes : les chevaux, les figures mythologiques indiennes du Mahabarata jusqu’à des personnalités publiques comme Mère Thérésa, Indira Gandhi ou encore l’actrice Madhuri Dixit dont il était fan.
Peignant pieds nus, son audace artistique s’est même étendue à l’univers de la mode, où il a conçu des chaussures peintes à la main pour une collection avec la créatrice Ritu Beri.
L’un de ses gestes les plus emblématiques ? Acheter une Rolls-Royce pour en faire une œuvre d’art, peignant directement sur la carrosserie et défiant ainsi l’idée du luxe comme simple statut social.
En dehors de la peinture, il était aussi un grand cinéaste : son premier court métrage, intitulé Through the Eyes of a Painter, a remporté l’Ours d’or au Festival international du film de Berlin en 1967. Passionné par Bollywood, il a ensuite dirigé Gaja Gamini (2000), un film hommage à l’actrice Madhuri Dixit, suivi de Meenaxi : A Tale of Three Cities (2004), une exploration poétique de la beauté et de l’inspiration, qui a cependant été retiré des salles après des controverses religieuses.
Ces œuvres, qui ont mis à l’honneur l’art moderne indien autant sur la scène nationale qu’internationale, lui ont valu le Padma Shri en 1966, le Padma Bhushan en 1973 et le Padma Vibhushan en 1991. En 2010, le Centre royal jordanien d’études stratégiques islamiques a nommé Husain parmi les 500 musulmans les plus influents.
Son succès est aussi populaire : Husain est devenu le peintre le mieux payé en Inde, sa pièce la plus vendue ayant rapporté 1,6 million de dollars lors d’une vente aux enchères chez Christie’s en 2008.
Provocations volontaires ou artiste incompris ?
Mais la provocation a aussi marqué sa carrière. Il a souvent été accusé d’obscénité et de heurter les sentiments religieux des hindous pour ses représentations de divinités hindoues nues. Husain finit par être la cible de menaces de mort de la part de l'extrême droite indienne et de divers procès.
Caricatures de la Déesse Mère-Inde : art ou blasphème ?
En 2006, MF Husain devient victime de la "cancel culture" avant l'heure et quitte l’Inde pour un exil volontaire à Londres et à Doha. En 2010, il accepte la nationalité Qatarie.

Malgré la distance, il n’a jamais cessé de peindre et rêvait d’ouvrir un musée gratuit en Inde, projet qu’il n’a malheureusement jamais pu concrétiser.
Jusqu’à ses derniers jours, M.F. Husain est resté un artiste libre, audacieux et profondément attaché à ses racines. Décédé à Londres en 2011, il laisse derrière lui un héritage immense, qui continue d’inspirer et de questionner.

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