Une nouvelle téléréalité britannique, intitulée Go Back to Where You Came From, (“Retourne d’où tu viens”), propose un concept aussi inédit que controversé. Diffusée depuis le 3 février, l’émission met en scène six candidats vivant une traversée du continent africain jusqu’en Angleterre, dans les mêmes conditions que les migrants.


Go Back to Where You Came From, une mise en scène controversée
Pour cette nouvelle téléréalité, Channel 4 a recruté six candidats, plus ou moins opposés à l’immigration. Répartis en deux groupes de trois, les participants sont envoyés en Somalie et en Syrie. Après avoir partagé le quotidien des populations locales et assimilé leur culture, ils doivent tenter de rejoindre le Royaume-Uni “comme des réfugiés”. L’émission les amène à vivre le parcours d’un demandeur d’asile, jusqu’à la traversée de la Manche à bord d’un “small boat”, une route dangereuse empruntée chaque année par de nombreux migrants.
Toutefois, la mise en scène proposée par Channel 4 a ses limites. Les participants bénéficient d’un certain confort, de l’accompagnement d’anciens militaires, de gilets pare-balles et d’une protection renforcée assurée 24h/24h.
Une “expérience sociale” revendiquée par Channel 4
L’objectif affiché par l’émission, inspirée d’un format australien diffusé en 2011 par la chaîne SBS, est de mener une “expérience sociale” avec les candidats. L’idée est d’observer l’évolution de leurs opinions en les confrontant à la réalité migratoire.
Pour Channel 4 il s’agit d’un programme “éducatif” destiné à “remettre en question les idées reçues et déclencher le débat national” sur l’immigration. Dans une interview accordée au Telegraph, Emma Young, coproductrice de l’émission, explique avoir voulu “rendre le sujet plus accessible” et “trouver un moyen” d’intéresser les gens. Dans The Guardian, elle précise aussi que les voix entendues dans la série “sont celles entendues dans tout le pays lors du casting” et qu’elles “constituent une voix influente qui façonne notre paysage politique”. “Afin de pouvoir contester ces opinions, nous devons être en mesure de les exposer”, ajoute-t-elle.
Une téléréalité qui divise
L’émission reste extrêmement controversée et suscite une forte indignation en raison des propos racistes, xénophobes et islamophobes tenus par certains candidats, souvent banalisés : “C’est comme des rats, si vous laissez de la nourriture, ils vont continuer à venir”, “Soutenir l’immigration illégale à mes yeux, c’est comme soutenir, les putains de viols et les meurtres” ou encore “Je voudrais que la Royal Navy pose des mines le long des côtes et fasse exploser les bateaux clandestins”.
Les ONG sont également montées au créneau. Bien que, pour certains, il s’agisse d’un moyen “peu orthodoxe”, de déconstruire les idées reçues sur la situation des migrants et favoriser une meilleure compréhension du sujet, d’autres considèrent qu’il s’agit d’une simple course à l’audimat, exploitant la crise migratoire à des fins de divertissement.
Salomé Bahri, coordinatrice de l’association d’aide aux exilés Utopia 56 à Grande-Synthe, en France, dénonce le concept de l’émission : “Le principe de la téléréalité, c’est la mise en scène, le jeu. Sauf qu’on parle de personnes en errance, qui vivent ces situations, qui meurent sur les routes migratoires : ce n’est pas de la télévision. En faire une émission de divertissement, c’est profondément irrespectueux pour les personnes exilées”.
“Le principe de la téléréalité, c’est la mise en scène, le jeu. Sauf qu’on parle de personnes en errance, qui vivent ces situations, qui meurent sur les routes migratoires : ce n’est pas de la télévision. En faire une émission de divertissement, c’est profondément irrespectueux pour les personnes exilées”
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