Édition internationale

Narcotrafic : un tournant pour la France, sous surveillance internationale

Nous sommes avertis, le narcotrafic fait des ravages à l’échelle mondiale, et la riposte tricolore s’organise ! Prisons renforcées, juges spécialisés et moyens d’enquête renouvelés… Le gouvernement français se prépare à frapper fort. Au cœur de ce projet : Vincent Caure, député de la 3e circonscription d’Europe du Nord. Face à des réseaux criminels transnationaux, il mise sur une coopération renforcée avec le Royaume-Uni et une offensive contre le fentanyl. Nous vous expliquons ce que contient ce texte ambitieux, et pourquoi il est suivi de près à l’international.

Vincent caure - NarcotraficVincent caure - Narcotrafic
Vincent Caure, co-rapporteur du projet de loi sur le narcotrafic
Écrit par Ewan Petris
Publié le 14 avril 2025, mis à jour le 15 avril 2025

1er avril 2025, hémicycle de l’Assemblée nationale. Après des heures d’échanges, les députés adoptent la proposition de loi censée sortir la France du piège du narcotrafic. Une avancée majeure, portée par Vincent Caure, député de la 3e circonscription des Français établis en Europe du Nord. Mais concrètement, qu’est-ce que ce projet de loi va changer ? Les Français du Royaume-Uni sont-ils vraiment concernés ? Il est temps de démêler le vrai du faux : Vincent Caure s’est prêté à l’exercice du info/intox et a répondu à nos questions 

 

Le projet de loi sur le narcotrafic

L’objectif du projet de loi est simple, renforcer la lutte contre les réseaux internationaux de trafiquants de drogue. Adopté le 1er avril 2025 à l’Assemblée nationale, il comporte des mesures clés : création de prisons spécialisées pour isoler les chefs de réseaux, mise en place de juges et de magistrats spécialisés dans les affaires de criminalité organisée, renforcement des moyens d’enquête pour les forces de l’ordre ou encore coopération étroite avec des partenaires internationaux, dont le Royaume-Uni. 

 

Info/Intox : les violences liées au narcotrafic ont diminué en France en 2024 ?

 

Vrai et faux. Même si certaines formes de violence régressent, une violence plus grave prend le relais. À Marseille, le nombre d’homicides et de règlements de compte reste alarmant. À ce titre, le directeur de la prison des Baumettes (centre pénitencier marseillais) est sous protection policière permanente, des juges sont menacés chaque jour. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, nous a rappelé que le nombre de morts liées au narcotrafic en 2023 dépasse celui du terrorisme depuis 2011 en France. Ce sont des chiffres qu’il est important de garder à l’esprit.

 

La première cause de décès chez les 25-45 ans est la drogue aux États-Unis ?

 

Info, malheureusement. Le fentanyl, notamment (une drogue de synthèse) est la première cause de décès outre-Atlantique. Il a inondé les États-Unis et nous commençons à le trouver en Europe, car les marchés de la drogue sont globaux. Dorénavant, les trafiquants distribuent plusieurs "produits" : cannabis, cocaïne, fentanyl… Ainsi, les mêmes réseaux vendent donc différentes drogues. Aujourd’hui, face à une demande croissante de sensations nouvelles, le fentanyl répond à cette recherche. C’est pour cela qu’il commence à arriver en Europe.

 

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Le narcotrafic n’est pas un enjeu si important au Royaume-Uni ?

 

Intox complète. Malgré les différences politiques entre la France et le Royaume-Uni, le problème est très présent des deux côtés de la Manche. La chance que nous avons, c’est qu’il est encore temps d’agir. Des pays comme la Belgique ou les Pays-Bas, avec leurs grands ports (Rotterdam, Amsterdam, Anvers), sont devenus des portes d’entrée majeures de drogue en provenance d’Amérique latine. Les réseaux criminels y sont devenus de véritables entreprises. La ministre belge de la Justice, Annelies Verlinden, a même vu sa sécurité menacée et sa famille placée sous protection. Cela montre l’ampleur du problème. La France et le Royaume-Uni doivent agir rapidement, pour éviter d’en arriver là.

 

Le narcotrafic n’était pas un projet qui vous tenait à cœur lors de votre prise de poste ?

 

Intox. Certes, ce n’est pas un sujet sur lequel je pensais travailler en arrivant à l’Assemblée, car je ne viens ni de la police ni de la santé publique. Ce projet de loi m’a été proposé et il m’a immédiatement passionné. C’est aussi ça être député : parfois, nous nous saisissons d’un sujet que nous ne soupçonnons pas. Il y avait beaucoup à faire, notamment sur la prévention, peu présente dans le texte initial venu du Sénat. Finalement, j’ai vraiment voulu m’y engager, à 100%.

 

Nous avons travaillé avec mes deux co-rapporteurs, Roger Vicot (PS), et Eric Pauget (DR). Ce travail transpartisan a dépassé les clivages politiques et a permis un texte d’équilibre.

 

Le projet de loi sur le narcotrafic a d’ailleurs été une étude éclair, très simple à étudier ?

 

Mi-info, mi-intox. Oui, cela a été plutôt rapide, à partir de la fin du mois de mars : une semaine pour une trentaine d’auditions (devant des magistrats, enquêteurs, pénitentiaires, avocats, ndlr), puis deux semaines de débat à l’Assemblée. Mais ce n’était pas bâclé : plus de sept jours pleins dans l’hémicycle, plus de 1000 amendements déposés… J’ai travaillé avec deux co-rapporteurs, un socialiste, Roger Vicaut, et un républicain de droite, Eric Pauget. Ce travail transpartisan a dépassé les clivages. Nos sensibilités politiques étaient différentes, mais nous avons cherché un équilibre.

 

La légalisation du cannabis en France a été mentionnée ?

 

Intox. Des députés ont bien tenté, par amendement, de dépénaliser la consommation de cannabis, mais ces propositions ont été largement repoussées. Le texte portait sur autre chose : la réorganisation de la justice pour mieux cibler les grands narcotrafiquants, donner plus de moyens aux forces de l’ordre, et isoler les chefs d’organisation criminelle dans de nouvelles prisons pour qu’ils ne puissent plus commander depuis leur cellule.

 

Le projet de loi pourrait faire apparaître de nouvelles prisons en France ?

 

Info. Le projet initie un nouveau type de prison pour isoler les chefs de réseaux, inspiré du modèle italien face à la mafia. Le but est de couper la communication avec l’extérieur, en les poussant à coopérer avec la justice, via le statut du repenti. Ce dispositif existe déjà, mais est peu utilisé. Si un détenu donne des informations utiles, il peut obtenir une réduction de peine et sortir de ce régime carcéral renforcé.

 

Comment fonctionnent ces nouvelles prisons en France ?

Limitation des appels téléphoniques, pas de parloirs avec contact physique, pas d’unités de vie familiale. L’objectif est d’empêcher toute instruction vers l’extérieur. Dans les prisons classiques, des téléphones circulent, des colis sont jetés par-dessus les murs et des gardiens sont corrompus. Ces prisons spéciales visent à empêcher tout cela, à couper les têtes de réseau de leur organisation criminelle.

 

La brigade anti-criminalité est la plus concernée par ce projet de loi ?

 

Intox. La lutte contre la drogue concerne tout autant la police, la gendarmerie, mais aussi les magistrats spécialisés dans la criminalité organisée. Cette dernière ne se limite pas à la drogue : elle implique aussi extorsion, blanchiment, faux billets, trafic d’armes, traite humaine, proxénétisme… Les grands réseaux sont comme des entreprises qui se diversifient. Et il ne faut pas oublier les douaniers, qui jouent un rôle crucial dans les ports et aéroports : ils interceptent par exemple les mules (personnes qui transportent la drogue dans leur corps au péril de leur vie, ndlr).

 

Tout cela ne nous concerne pas en tant que Franco-Britanniques ?

 

Intox. Il ne faut jamais oublier que les réseaux sont internationaux. Ce qui se passe au Royaume-Uni impacte la France, et vice-versa. La lutte est commune, qu’il s’agisse de prévenir l’addiction ou de démanteler les réseaux. Affaiblir les trafics en France, c’est aussi les affaiblir au Royaume-Uni.

À ce titre, le gouvernement britannique est très mobilisé sur les questions de drogue, surtout chez les jeunes, et sur la criminalité organisée. Au-delà des clivages politiques, il y a une vraie volonté de coopération.

 

Le plus grand défi est derrière nous une fois le projet voté ?

 

Info, car oui, nous pouvons souffler un peu, puis nous repartons sur d'autres projets. Après la lutte contre le narcotrafic, le travail parlementaire continue. Une résolution pour soutenir le Danemark face aux menaces extérieures a d'ores et déjà été déposée, avec un collègue écologiste. J’ai déposé une résolution pour soutenir le Danemark, au sein de l’Union européenne, notamment face aux propos de Donald Trump. Il s’agit d’une autre facette primordiale de mon travail, car le Danemark est notre allié. 

 

En résumé, que retenir ?

Le projet a été voté au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. Une commission mixte paritaire va maintenant tenter d’harmoniser les deux versions. Une fois adoptée dans les deux chambres, la loi sera promulguée par le président de la République. Le texte entrera alors en vigueur. Le parquet national anti-criminalité pourra se mettre en place, probablement d’ici la fin de l’année 2025. Il faudra recruter des magistrats spécialisés. Il s’agit d’un changement profond, qui demandera sûrement quelques mois de mise en œuvre.