Le gouvernement travailliste de Keir Starmer propose une réforme du droit d’auteur pour faciliter l'utilisation d'œuvres artistiques pour l’entraînement des intelligences artificielles. Cette initiative, visant à attirer les géants du secteur au Royaume-Uni, a suscité une vive opposition de la part des artistes et de la presse. Musiciens, écrivains et journalistes se mobilisent pour dénoncer une menace pour la création et l’économie culturelle britannique.


Le projet de loi travailliste controversé sur l’IA et le droit d’auteur
Dans son ambition de faire de la Grande-Bretagne “un leader mondial” en matière d’intelligence articficielle, Keir Starmer souhaite faciliter l’utilisation d'œuvres artistiques par les entreprises de la Silicon Valley pour l’entraînement de leurs modèles d’IA.
Ce projet de loi prévoit l’instauration d’une “une exception au droit d’auteur”, permettant ainsi l’utilisation d’œuvres protégées sans autorisation préalable afin de développer ces technologies. Les entreprises travaillant sur l’IA n’auraient donc plus besoin de solliciter l’accord des créateurs pour exploiter leurs contenus.
Toutefois, les artistes pourraient “réserver leurs droits” pour s’opposer à l’utilisation de leurs œuvres à des fins d’entraînement de l’IA.
Le gouvernement britannique défend cette mesure en affirmant qu’elle offrirait “un meilleur contrôle” aux créateurs sur l’utilisation de leurs œuvres par les développeurs d’IA. Mais ce projet s’inscrit surtout dans une volonté plus large, formulée par Keir Starmer en janvier 2025, celle d’attirer les entreprises du secteur au Royaume-Uni en leur offrant un cadre de développement plus souple avant l’instauration de régulations.
Une riposte artistique inédite avec l’édition d’un album silencieux
En réponse à ce projet de loi, plus d’un millier d’artistes, parmi lesquels les chanteurs britanniques Kate Bush, Annie Lennox, Billy Ocean et Damon Albarn, ont publié ce mardi 25 février un album composé de douze morceaux silencieux. Intitulé Is This What You Want (“Est-ce cela que vous voulez ?”), il contient des enregistrements d’ambiances sonores capturées dans des studios vides.
Les douze titres forment ensemble la phrase : “le gouvernement britannique ne doit pas légaliser le vol au profit des sociétés d’intelligence artificielle” .
Ce projet, également soutenu par les groupes Jamiroquai et The Clash, a été initié par Ed Newton-Rex, musicien à l’origine de l’album. Il s’est exprimé sur l’enjeu du projet de loi : “La proposition du gouvernement confierait gratuitement l’œuvre de toute une vie des musiciens du pays à des sociétés d’IA, permettant ainsi à ces entreprises d’exploiter le travail des musiciens pour les concurrencer”.
“La proposition du gouvernement confierait gratuitement l’œuvre de toute une vie des musiciens du pays à des sociétés d’IA, permettant ainsi à ces entreprises d’exploiter le travail des musiciens pour les concurrencer” Ed Newton-Rex
Dans une lettre ouverte, des artistes attaquent cette réforme “inutile et contre-productive”
Un trentaine d'artistes, dont Dua Lipa, Elton John et le prix Nobel de littérature Kazuo Ishiguro, ont publié une lettre ouverte dans The Times le 25 février. Intitulée “Protéger le droit d’auteur britannique face à l’IA”, elle dénonce un projet de loi “totalement inutile et contre-productif” qui compromettrait un “système de droit d’auteur de 300 ans” et mettrait en péril “la position internationale du pays en tant que phare de la créativité, mais aussi les emplois, la contribution économique et le rayonnement culturel qui en résultent – en nuisant particulièrement aux jeunes artistes qui représentent l’avenir de notre nation."
“Elle mettrait en péril la position internationale du pays en tant que phare de la créativité, mais aussi les emplois, la contribution économique et le rayonnement culturel qui en résultent – en nuisant particulièrement aux jeunes artistes qui représentent l’avenir de notre nation."
Paul McCartney, ex-Beatle de 82 ans, a ajouté à la BBC : “Si vous présentez un projet de loi, assurez-vous de protéger les penseurs et les artistes, sinon vous ne les aurez pas de votre côté”.
Le soutien de la presse britannique
La presse britannique s’est également mobilisée contre cette réforme. The Daily Mail, The Sun, The Guardian, The Times et The Daily Telegraph ont tous affiché en Une un message sur fond bleu : “Make it Fair” (“Faites que cela soit juste”).
La News Media Association, à l'origine de cette initiative, a appelé à "protéger la plus importante ressource naturelle du Royaume-Uni", soulignant que "sans rémunération, nos industries créatives ne survivront tout simplement pas".
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