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STERILISATION DES DROGUES- Le projet eugénique d'une Américaine débarque au Royaume-Uni

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

L'Américaine Barbara Harris, 58 ans, a une mission : empêcher la venue au monde des enfants de drogués. Pour arriver à ses fins, elle les paye pour qu'ils se fassent stérilisés. Aux Etats-Unis, on compare son projet (Project Prevention) aux programmes de stérilisation des Nazis. Aujourd'hui, Barbara Harris part à la conquête du Royaume-Uni

[crédits photo: AFP]

? J'estime que je n'ai pas le droit d'être père?, déclare John, 38 ans. Depuis l'âge de 12 ans, John est accro à l'héroïne. ?J'ai déjà du mal à subvenir à mes besoins alors je ne vois pas comment je pourrais subvenir à ceux d'un enfant?, ajoute-t-il. John est le premier Anglais à avoir accepté 250 ? de l'association américaine Project Prevention pour se faire stériliser.
Des Etats-Unis à la Grande-Bretagne, il n'y a qu'un océan à franchir. Et grâce à un généreux donateur qui tient à rester anonyme, Barbara Harris n'a pas hésité à venir acheter la fertilité des drogués de ce côté-ci de l'Atlantique. Mais comment cette mère de famille de 48 ans est-elle arrivée à une postion et des actions si radicales ?

?Les drogués ne devraient pas avoir d'enfants?

Après avoir eu quatre garçons, Barbara Harris voulait une petite fille. Destiny a huit mois quand Barbara l'adopte. L'enfant souffre encore de l'addiction de sa mère naturelle au crack et à l'héroïne. ?Il y en a qui m'appellent Hitler aux Etats-Unis, dit-elle, mais que font-ils pour aider ? Tout le monde parle des droits des femmes, mais qu'en est-il des droits des enfants ? Ce sont eux les victimes.?. En Californie, il y a 20 ans, Barbara s'est d'abord battue pour faire passer une loi qui forcerait les femmes droguées ayant eu des enfants à se faire stériliser. La loi ne passe pas mais Barbara ne se décourage pas. ?J'ai pensé que tout le monde aimait l'argent. Alors pourquoi ne pas donner de l'argent aux drogués pour qu'ils n'aient pas d'enfants ??, explique-t-elle. Ainsi naît le Project Prevention. Son objectif : réduire à zéro le nombre de naissances d'enfants exposés aux drogues. En 12 ans, à coups de billets verts (300 $ pour une stérilisation), Barbara achète la fertilité de plus de 3.000 Américaines. Son approche est simplissime : aller sur le terrain avec des prospectus. Les intéressés appellent une hotline, laissent leurs coordonnées. Barbara et ses acolytes leur envoient des formulaires qu'ils feront remplir et signer par leur docteur. Une fois stérilisés ou mis sous contraceptifs, l'argent est viré.

Un mauvais départ en Ecosse

En mai dernier, Barbara fait ses premiers pas sur le sol britannique. Une femme de Glasgow dont la fille est accro à l'héroïne et qui a la garde de sa petite-fille demande à Barbara de venir  dépenser son argent (le projet en regorge grâce à de généreuses donations privées...) dans les rues du quartier de Possilpark. Au bout de quelques jours de campagne, les réactions sont mitigées et Barbara finit par pousser le bouchon trop loin. Une femme appelle le journal local outrée qu'on lui ait proposé de l'argent contre une stérilisation. Le journal en fait sa une. Et Barbara reprend l'avion. Elle a toutefois eu le temps de créer Project Prevention UK.

Des faux pas écossais à la prolifération d'antennes

Il faut beaucoup plus que les gros titres des journaux écossais pour décourager Barbara Harris. Elle vient de remettre les pieds sur le sol britannique, plus acharnée que jamais. Les antennes se développent et en quelques semaines, tout drogué de Londres, Bristol, Leicester, Glasgow et de certaines parties du Pays de Galles peut demander au Project Prevention les 250 ? pour se faire stériliser. Tout comme aux Etats-Unis où on compare son projet aux programmes de stérilisation des Nazis, les méthodes de Mme Harris suscitent des remous chez les Britanniques. ?Il n'y a pas de place pour un projet tel que Project Prevention au Royaume-Uni. Il exploite des gens ultra-vulnérables, sous l'influence de drogues, sans doute à un moment de leur vie où ils sont au plus bas?, explique Simon Antrobus, responsable de l'association d'aide aux drogués, Addaction. Pourtant l'assocation qui représente le corps des médecins, la BMA (British Medical Association), dit ne pas avoir de point de vue sur le Project Prevention. ?Comme pour tout autre traitement, il est nécessaire que les docteurs soient certaines que les patients soient en pleine possession de leur capacité au moment de la décision irréversible de la stérilisation?, spécifie un porte-parole de la BMA.

John, c'est certain, ne pourra plus jamais avoir d'enfants. Quant aux 250 ? de Barbara, ils les a claqués en un rien de temps, pour subvenir à ses besoins...

Elisabeth Blanchet (www.lepetitjournal.com/londres) lundi 29 novembre 2010

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Publié le 29 novembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012
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