Depuis 2018, l’auteure de la saga Harry Potter est taxée de transphobie par certains militants pour avoir maintenu que le sexe biologique est une donnée tangible et importante.
Des déclarations qui lui ont valu harcèlement, menaces de mort et effacement public. Chronologie de la descente aux enfers de l’auteure la plus controversée de notre époque.
2018 : un “like accidentel” sur Twitter met le feu aux poudres
En mars 2018, l’auteure de science-fiction “like” un tweet d’une certaine Rachel, qui affirmait dans son post n’avoir jamais été soutenue en tant que femme au Parlement britannique contrairement aux “hommes en robes”. Comprendre ici, les femmes transgenres. Sur son blog, J.K. Rowling se défend d’avoir voulu causer du tort à la communauté LGBT+ en soutenant les propos de la femme en question. Elle se justifie en expliquant qu’elle commençait déjà à l’époque à s’intéresser à la théorie du genre et que, dans le cadre de ses recherches, elle faisait des captures d’écran d’éléments qu’elle souhaitait garder en tête pour les consulter plus tard. Elle explique avoir apposé une mention “J’aime” sur le tweet sans s’en apercevoir, pensant faire un “screenshot” du post en question. Des explications qui n’ont pas réussi à convaincre les militants, qui commencent déjà à lui faire part de leur déception. Beaucoup de fans de la saga Harry Potter, identifiés comme membres de la communauté LGBT+, trouvent en effet refuge dans le monde imaginaire des sorciers, réconfortés de pouvoir être librement hors-normes dans un univers fantastique. Certains ont alors vécu comme un véritable coup dur de voir l’héroïne de leur enfance “prendre position contre eux”.
L’affaire Maya Forstater : J.K. Rowling prend position publiquement
En 2019, un an après avoir tenté - en vain - de redorer son image auprès des transgenristes, J.K. Rowling affiche cette fois une position de plus en plus affirmée. Elle maintient bec et ongles que la binarité des sexes biologiques ne doit pas être abandonnée au profit de la théorie du genre, et alerte sur les dérives de l’effacement de la biologie au profit d’une idéologie dont les limites sont passées sous silence sous peine d’être immédiatement taxée de “terf”. Terf étant l’acronyme anglais de Trans-Exclusionary radical feminist, un terme désormais utilisé comme une insulte envers les féministes dites transphobes.
Sur son blog toujours, elle revient sur l’affaire de Maya Forstater, une chercheuse dans un organisme de lutte contre la précarité. Celle-ci aurait perdu son emploi à cause de, dit-elle, ses positions quant à la transidentité. Elle maintenait, entre autres, que les “femmes trans sont des hommes” et elle refusait d’utiliser les pronoms demandés par ses interlocuteurs transgenres. Sur twitter, J.K. Rowling lui avait publiquement affiché son soutien : "Habillez-vous comme vous le souhaitez. Appelez-vous comme bon vous semble. Couchez avec n'importe quel adulte consentant. Vivez votre meilleure vie dans la paix et la sécurité. Mais forcer les femmes à quitter leur travail pour avoir maintenu que le sexe est réel ?". Là encore, les critiques ne se sont pas faites attendre et la réputation de l’auteure a commencé à se cristalliser dans les milieux militants.
“Wumben? Wimpund? Woomud?”
En 2020, c’est le coup de grâce. Depuis quelques années, la théorie du genre se répand et prospère particulièrement sur les réseaux sociaux. On y entend de plus en plus des expressions se voulant inclusives des personnes transgenres telles que “personnes à vulves” ou “personnes à clitoris” pour désigner les femmes. A cette période, Devex, une plateforme médiatique pour la communauté mondiale du développement, publie un article intitulé “Opinion : créer un monde post-Covid-19 plus égalitaire pour les personnes à menstruations” (comprendre, les femmes). J.K. Rowling souligne ironiquement l’invisibilisation des femmes par cette formulation dans un tweet qui lui vaudra sans doute sa plus grosse tempête médiatique :
‘People who menstruate.’ I’m sure there used to be a word for those people. Someone help me out. Wumben? Wimpund? Woomud?
— J.K. Rowling (@jk_rowling) June 6, 2020
Opinion: Creating a more equal post-COVID-19 world for people who menstruate https://t.co/cVpZxG7gaA
"Personnes à menstruations. Je suis sûre qu’on devait avoir un mot pour ces gens. Que quelqu’un m’aide. Fammes ? Fèmmes ? Fimmes ?"
A la suite de ce tweet ironiquement naïf, l’auteure publie sur son blog un billet dans lequel elle maintient une fois encore l’importance selon elle de lutter contre l’effacement du sexe biologique. Pour J.K. Rowling, l’abandon du sexe au profit de la théorie du genre reviendrait à nier toutes les violences subies par les femmes. Dans son texte, elle estime ainsi que si le sexe est effacé, alors les violences faites aux femmes le sont aussi.
J.K. Rowling se défend d’être transphobe
L’auteure avance qu’elle a elle-même connu plus jeune ce qui s’apparenterait aujourd’hui à de la dysphorie de genre (la détresse ressentie par des personnes qui ne se sentent pas née dans leur bonne identité sexuée). “Quand je me renseigne à propos de la théorie de l’identité de genre, je me souviens à quel point je me sentais mentalement asexuée dans ma jeunesse. (...) Comme je n’avais pas de possibilité réaliste de devenir un homme dans les années 80, ce sont les livres et la musique qui m’ont permis de surmonter tant mes problèmes de santé mentale que les jugements incessants qui conduisent tant de jeunes filles à entrer en guerre contre leurs corps à l’adolescence”, témoigne-t’elle.
L’auteure aime par ailleurs à rappeler qu’elle se fend de recherches fouillées et approfondies sur le sujet, ainsi elle pointe que “60 à 90% des adolescents dépasseront leur dysphorie”. Alors, elle poursuit son long billet sur la dangerosité des hormones et des opérations de changement de sexe face à la montée en flèche des détransitions (revenir à son sexe d’origine après être devenu transgenre) ou de la facilité avec laquelle les jeunes hommes et femmes sont “rendus stériles” ou “mutilés à vie” par la chirurgie à un jeune âge alors même que ces sentiments de détresse tendent visiblement à s’estomper pour la majorité.
Pour étayer sa pensée derrière son tweet ironique, elle souligne par la suite l’aspect rétrograde et sexiste que revêt selon elle la théorie du genre : ““Femme” n’est pas un costume. “Femme” n’est pas une idée dans un esprit d’homme. “Femme”, n’est pas un cerveau rose, une appétence pour des Jimmy Choo ou n’importe quelle autre idée sexiste que l’on déguise maintenant comme progressiste. De plus, le langage “inclusif” qui désigne les femmes comme des “personnes à menstrues” choque beaucoup de femmes qui se sentent déshumanisées et objectivées. (...) Ce langage n’est pas neutre, il est hostile et aliénant,” détaille-t-elle sur son blog.
Ce sont finalement les aspects liés à la juridiction, aux prisons et au sport qui retiendront le plus l’attention de J.K. Rowling au fil du temps. L’auteure s’insurge effectivement régulièrement de l’apathie des féministes face à l’arrivée des femmes transgenres (qu’elle considère encore comme des mâles biologiques) dans les compétitions féminines, dans les prisons de femmes, dans les quotas féminins, etc… Elle y voit une colonisation des hommes dans des espaces féminins, et l’effacement de la lutte féministe au profit des hommes.
C’est à partir de ce tweet suivi de ce billet que les acteurs principaux de la saga Harry Potter vont commencer à se désolidariser publiquement de J.K. Rowling. "À tous ceux dont l’expérience des livres a été ternie, je suis désolé pour la douleur que vous ont causé ces propos", déclare Daniel Radcliffe (Harry Potter) dans la foulée du tweet de l’auteure. Emma Watson (Hermione Granger), elle, se positionne franchement contre celle qui a donné vie au personnage qui a propulsé sa carrière et récite : "Les personnes transgenres sont qui elles disent être et méritent de vivre leur vie sans être sans cesse questionnées ou qu’on leur assène qu’elles ne sont pas ce qu’elles disent être".
Trans people are who they say they are and deserve to live their lives without being constantly questioned or told they aren’t who they say they are.
— Emma Watson (@EmmaWatson) June 10, 2020
J.K. Rowling exclue des vingt ans du premier film Harry Potter ?
Le 1er janvier 2022, la chaîne américaine HBO a réuni le cast de la saga des sorciers pour célébrer les vingt ans de la sortie en salles du premier film Harry Potter. Celle sans qui rien n’aurait été possible, l’auteure des livres, n’était pourtant pas de la partie. Selon les médias américains, J.K. Rowling aurait bel et bien été invitée à l’événement, invitation qu’elle aurait déclinée. Difficile cependant de ne pas y voir un lien avec ses récentes prises de position qui font, tous les jours ou presque, les tendances twitter et les choux gras de la presse internationale. Hier encore, une polémique éclatait, taxant l’auteure d’anti-sémitisme pour avoir utilisé un gobelin pour jouer les banquiers dans Harry Potter. C’est à se demander si celui qui voit immédiatement un juif dans le personnage d’un gobelin ne serait pas le véritable antisémite… Passons.
En 2021, J.K. Rowling a finalement déclaré avoir porté plainte après que trois militants transgenristes se sont photographiés devant sa propriété avant de poster le cliché sur internet, révélant l’adresse de l’auteure. Suite à cela, elle a indiqué avoir reçu “suffisamment de menaces de mort pour pouvoir tapisser les murs de sa maison.” Si le harcèlement est devenu partie intégrante du quotidien de la mère d’Harry Potter, elle assure recevoir un nombre encore plus important de courriers de soutien au quotidien. Effectivement, ses positions divisent, et ce même au sein des milieux féministes.
“Menacer, harceler, insulter une femme n’a pas grand chose de féministe”
La situation en France sonne comme un curieux écho de celle des pays anglo-saxons, où la question de la théorie du genre devient de plus en plus clivante. On l’observe avec les polémiques provoquées par J.K. Rowling, Kathleen Stock, Dave Chappelle… Les violences envers les militants d’un côté ou de l’autre semblent ne faire qu’escalader. En France, J.K. Rowling est soutenue publiquement par des féministes radicales à l’instar de Dora Moutot (auteure à l’origine du compte de sexualité le plus suivi sur instagram) ou Marguerite Stern (qui est à l’origine des collages de rues féministe), qui sont elles aussi devenues des cibles de choix pour certains militants. Un harcèlement qui a fini par conduire Marguerite Stern à l’hôpital psychiatrique où elle demeure encore actuellement pour être traitée pour anxiété sévère, stress post-traumatique et burn-out.
Au nom du bien, toutes les violences semblent devenir acceptables. Du côté des transgenristes, leurs plus grands représentants sur les réseaux sociaux subissent, elles et eux aussi, les attaques incessantes de leurs détracteurs, tout aussi virulents et obtus. Les partisanes du féminisme radical et du sexe biologique feraient bien de ne pas se penser légitimes de faucher quelques têtes dans leur croisade pour la “femellité”. Qu'importe le point de vue, menacer, harceler, insulter une femme n’a pas grand chose de féministe, rappelons-le aux prêtresses instagram de la sororité.
Reste qu’on en vient à se demander comment, au nom du bien toujours, des prétendues féministes peuvent en arriver à envoyer des femmes à l’hôpital pour avoir… posé des questions. Pouvoir questionner les zones d’ombre de la théorie du genre (Est-elle basée sur des stéréotypes sexistes ? Quid des quotas ? Quid des prisons ? Du sport en compétition ? Le ressenti est-il une réalité ?) devrait être un droit des plus absolus. La cancel culture, grimée en gardienne de la bonne morale, ne parvient jusqu'ici qu'à polariser les opinions et provoquer harcèlement et auto-censure.