À Stroud, une horloge du XVIIIe siècle fait l'objet d'un vif débat. L'œuvre, un jacquemart orné d'une statuette représentant un enfant noir, est perçue par certains comme un vestige raciste du passé colonial britannique. L'artiste et écrivain Dan Guthrie milite activement pour sa destruction, soulevant des interrogations sur la gestion de l'héritage historique et culturel dans l'espace public.


Dans la petite ville de Stroud, dans le Gloucestershire, au Royaume-Uni, l’artiste Dan Guthrie, écrivain et professionnel de l’audiovisuel originaire de la région, mène un combat depuis plusieurs années : celui de faire détruire une œuvre d’art du XVIIIème siècle qu’il juge raciste. Cette œuvre est une statuette représentant un enfant noir avec de grandes lèvres rouges et portant une jupe en feuilles dorées, personnage central d’un jacquemart (horloge dotée d’un automate frappant les heures à l’aide d’un marteau), et installée sur la façade d’une ancienne école, aujourd’hui classée monument historique.
Une polémique qui remonte à plusieurs années
La statuette, datant de 240 ans, fait l’objet d’un vif débat depuis plusieurs années. En 2021, la municipalité a consulté les habitants de Stroud sur son avenir. Sur les 1680 répondants (dans une ville de 20.000 habitants), 78% se sont prononcés en faveur de son retrait, mais sans qu’elle soit nécessairement détruite. Parmi eux, 59% ont exprimé le souhait qu’elle soit placée dans un musée. Un rapport commandé par le conseil municipal a été sans appel : “Quelle que soit l’inspiration ou ses origines, il faut se rappeler que, sans aucun doute, l’image du garçon est venue directement ou indirectement de l’influence de l’esclavage et du colonialisme”.
“Quelle que soit l’inspiration ou ses origines, il faut se rappeler que, sans aucun doute, l’image du garçon est venue directement ou indirectement de l’influence de l’esclavage et du colonialisme”
Un projet qui peine à aboutir
Cependant, le jacquemart n’appartient pas à la municipalité, mais à une société fiduciaire, propriétaire du bâtiment de l’ancienne école. Cette dernière avait déjà financé la restauration de l'œuvre en 2004. Le retrait de la statuette doit donc être approuvé par cet organisme privé, ainsi que l’autorité Historic England, chargée de la protection du patrimoine. Ce processus administratif complique l’avancée du projet, retardant toute décision définitive.
La proposition radicale de Dan Guthrie
Dans une interview accordée à The Guardian, Dan Guthrie plaide pour la destruction pure et simple de la statuette, invoquant des raisons économiques : “Nous traversons une crise du coût de la vie, et le coût de l’enlèvement de cet objet et de son placement dans un musée s’élèverait à environ 30.000 £. Pourquoi dépenser autant d’argent pour maintenir en vie un objet raciste à perpétuité ? Pourquoi ne pas le détruire ?”.
Si l’avenir de l’horloge reste incertain, le débat qu’elle suscite met une fois de plus en lumière la question de la place des vestiges du passé colonial dans l’espace public britannique.
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