Édition internationale

Arnold Faivre, ou "l'envie de raconter des histoires" d’un Français de Madrid

Installé à Madrid depuis une grosse douzaine d’années, le Nantais Arnold Faivre a toujours eu une curiosité pour l’Espagne et sa culture. C’est notamment à travers sa sensibilité artistique qu’il a pu approfondir et préciser son regard sur l’autre, en faisant vivre ses passions, la musique et la littérature, et en laissant libre cours à un esprit touche-à-tout particulièrement stimulant. Il publie le 5 mai chez la maison d'édition sévillane Babidibú son premier conte pour enfant, Amadeo y los 5 cofres, qui nous plonge dans la bataille de Trafalgar et certaines traditions ancestrales andalouses. Interview.

Arnold faivre à madridArnold faivre à madrid
Arnold Faivre avec son ouvrage "Amadeo y los 5 cofres", au parc du Retiro, à Madrid
Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 24 avril 2025, mis à jour le 25 avril 2025

 

Né à Nantes il y a 42 ans, il est titulaire d’un IUP Information communication à l'Université de Rennes 2, complété par un Master 2 en Expertise des professions et des institutions de la culture, à Nantes. C'est dans le cadre de ce master qu’il a fait son premier stage long au Festival du cinéma espagnol de Nantes. "Ça m'a tellement plu que j'y suis resté pendant près de six ans, chargé des relations presse, des partenariats et de la communication", évoque Arnold Faivre. "J'ai ‘appris’ l'Espagne via son cinéma", développe-t-il. De fait, on le verra, cette question de ‘l’apprentissage’ d’un pays et d’une culture étrangère constitue une inquiétude qui le poursuit depuis ses années étudiantes, avec une réflexion sur les stéréotypes que la culture de masse véhicule parfois.
 
 
Comment et pourquoi avez-vous atterri à Madrid ? De gré ou de force ? Par amour ou par dépit ?

On arrive rarement à Madrid par dépit... Pour ma part, ce fut par amour mais aussi par envie de me rapprocher encore un peu plus de l'Espagne, que je connaissais déjà un tout petit peu de part un semestre Erasmus à Málaga, quelques années auparavant. A Madrid, j'ai trouvé un emploi dans le secteur de la communication. "Todo cuadró". 
 

Par banalisation, je voulais parler d'appauvrissement de la connaissance de l'autre


Votre lien avec l'Espagne remonte déjà à une vingtaine d'années. Dans un mémoire intitulé "Un traitement médiatique stéréotypé du cinéma espagnol?: L'exemple du Festival du Cinéma Espagnol de Nantes", vous vous penchiez sur "les dangers de la banalisation culturelle".

Oui, et j'avais même écris un autre mémoire sur la manière dont la ville de Málaga avait ressuscité Picasso pour bâtir une nouvelle identité. Mais c'est vrai que la question des stéréotypes m'avait intéressée -et m'interpelle d'ailleurs toujours depuis que je vis ici. Par banalisation, je voulais parler d'appauvrissement de la connaissance de l'autre, du risque de rester à la surface des choses. Alors que c'est justement dans la complexité que l'on grandit. 


 

Amadeo y los 5 cofres, une génèse à Conil de la Frontera, en Andalousie


On retrouve cette inquiétude dans votre conte Amadeo y los 5 cofres.

D'une certaine manière, dans Amadeo y los 5 cofres, j'ai voulu aller au-delà de la surface -où apparaissent ces coffres- et trouver des prétextes pour faire découvrir aux jeunes lecteurs une compositrice comme Hélène de Montgeroult, un peu de la civilisation celte, l'ancienne cité romaine de Baelo Claudia, etc. Tout ça, avec des mots simples, bien sûr. En convoquant tous ces bouts d'histoires, j'ai voulu aussi parler de racines et de traditions, qui ne sont pourtant pas du tout les miennes, comme la pêche millénaire de l'almadraba. Et puis, je pense qu'on peut distinguer le banal du stéréotype car ce dernier, même s'il agace, décourage parfois, a au moins le mérite d'ouvrir une petite porte sur l'autre. L'enjeu, ensuite, est d'y faire rentrer toute la complexité d'une culture. C'est là qu'on apprend de son voisin. Et ce travail n'est jamais terminé car les stéréotypes ont la dent dure ! 

S'il fallait résumer l'ouvrage, que diriez-vous ?

Amadeo y los 5 cofres est l'histoire d'un garçon de neuf ans plein d'imagination qui, avec l'aide de sa mère, repêche cinq mystérieux coffres qui viendraient des profondeurs, plus exactement des galions espagnol, français et anglais qui ont coulé en 1805, lors de la bataille de Trafalgar. Chaque coffre recèle un ou plusieurs objets qui entraînent le jeune héros vers de belles aventures. 

Comment les aventures d'Amadeo ont-elles vu le jour ?

Je passais mes vacances du côté de Conil de la Frontera, en Andalousie. Un endroit magique, propice à la création. Mon fils était tout petit et, pour l'endormir, je m'étais mis à lui raconter un bout d'histoire que j'avais imaginée. Avec un peu d'aventure, de mer, de trésors et de mystère. Et comme ça fonctionnait, j'ai eu envie d'en faire un conte qui, petit à petit est devenu un récit en cinq histoires. Mais avec toujours comme source cette côte atlantique et la bataille navale de Trafalgar. L'écriture s'est étalée sur deux ans, au fur et à mesure qu'une nouvelle idée germait. 


 

Bâtir des personnages crédibles en s'adressant à des enfants


Quelles ont été vos sources de documentation ?

J'ai visité le musée de Baelo Claudia, collé à la fameuse dune de Playa Bolonia. Je me suis documenté sur la pêche ancestrale de l'almadraba, sur le personnage romanesque du capitaine Horatio Neslon, et sur certains membres d'équipage. Les ouvrages de Galdos et de Pérez-Reverte m'ont aussi aidé. J'avais besoin d'en savoir le plus possible pour ensuite garder l'essentiel, bâtir des personnages crédibles, mais tout en m'adressant à des enfants. J'ai aussi consulté les archives du Museo de Arqueologia Subacuática de Cádiz pour trouver des objets susceptibles d'avoir 'réellement' existé pour finir dans l'un des cinq coffres que repêche le héros, Amadeo. D'ailleurs, ce prénom est une des premières choses que j'avais très clair dans ma tête : je voulais faire un clin d'œil à un roman de Catherine Banner, L'île aux mille histoires, dont le protagoniste s'appelle Amedeo. Je l'ai un peu relooké...  Et puis, j'ai surtout eu la chance de faire la connaissance d'une excellente illustratrice, qui vit à Séville : Mari Carmen Pichardo. J'aimais beaucoup les portraits qu'elle faisait de certaines compositrices. L'histoire d'Amadeo l'a touchée et poussée à me rejoindre. Sans elle, ce conte illustré n'existerait évidemment pas. Chemin faisant, j'ai écrit ce livre d'abord en espagnol puis en français. Finalement, c'est une maison d'édition sévillane, Babidibú, qui a mordu à l'hameçon ! 


 

Radio Clásica : des émissions sur des compositeurs français


En charge de nombreux projets autour de la musique classique, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette autre passion qui est la vôtre ?

La musique est d'abord venue par l'envie d'écrire des chansons et de les interpréter. C'était il y a 20 ans et ça a donné deux albums avec un groupe appelé Lélian. En parallèle, j'avais créé l'émission French Kiss pour la radio Euradionantes pour promouvoir la musique francophone actuelle. Tout ça, pour m'amuser les soirs et les week-ends. Arrivé à Madrid, un copain français m'a mis en relation avec Radio Clásica (RTVE) car ils cherchaient précisément un Français capable d'animer des émissions sur des compositeurs français. Je me suis presque retrouvé devant une page blanche ! J'ai commencé par huit heures sur Claude Debussy et ça m'a vraiment plu. Alors, depuis, je continue à raison d'une émission par an environ : Berlioz, Saint-Saëns, Fauré, etc. Tout cela sans expertise en musique classique, mais simplement avec l'envie de raconter des histoires et à base de beaucoup de recherche et de lectures.

 

Quels sont vos prochains projets ?

J'ai en tête un cycle radio autour de Maurice Ravel à l'occasion des 150 ans de sa naissance. Et puis, j'aimerais bien composer davantage de chansons pour remonter de temps en temps sur scène. Ça me rappellera mes années nantaises !
J'avoue aussi que ce premier livre pour enfants m'a donné envie d'en écrire un autre mais, pour le moment, je dois concentrer mon énergie sur mon petit héros Amadeo.