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Élise Pons (Bilbao Accueil) : "Bilbao, c’est bien plus qu’un musée et des pintxos"

Arrivée à Bilbao il y a un peu plus de deux ans, cette Parisienne, qui évolue dans le secteur financier et du vin, n’avait jamais imaginé rejoindre une association d’expatriés – et encore moins en devenir la présidente. Pourtant, depuis juin, Elise Pons porte cette nouvelle casquette à la tête de Bilbao Accueil. Loin des clichés sur l’expatriation, elle a découvert une ville qu’elle aime infiniment, et un véritable art de se réinventer.

Elise PonsElise Pons
Elise Pons
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 29 janvier 2025, mis à jour le 30 janvier 2025

 

 

Si je devais donner un seul conseil à un expat, ce serait d’être curieux. Pour moi, c’est essentiel quand on s’installe à l’étranger.

Pouvez-vous nous présenter Bilbao Accueil et sa mission ? Il me semble que l’association a été fondée en 2020, c’est bien cela ?

En effet, Bilbao Accueil a été créée en 2020 par Céline, une femme formidable qui, en arrivant à Bilbao, a constaté qu’il n’existait aucune structure pour accueillir les Français. En pleine période de Covid, elle a voulu lancer une initiative pour rassembler la communauté francophone et faciliter l’intégration des nouveaux arrivants.

Bilbao Accueil est ainsi devenu le premier point de contact pour les expatriés francophones – pas seulement les Français, mais aussi les Belges, Suisses et d’autres nationalités. On aide les expatriés à s’acclimater, à tisser des liens et à s’intégrer au mieux dans la région. D’ailleurs, même si l’association porte le nom de Bilbao, elle rayonne bien au-delà de la ville. De nombreux adhérents viennent de Guecho, en bord de mer, ou d’autres localités du Pays basque espagnol.
 

elise ponse et d'autres femmes de l'association Bilbao Accueil en tenues françaises avec le berret

 

Quels sont les défis rencontrés par ces francophones quand ils s'installent dans la région ? 

Le premier grand défi, c’est clairement le logement. À Bilbao, il est très difficile de trouver un appartement à louer. Les propriétaires, en raison des lois favorables envers les locataires, préfèrent souvent laisser leurs biens vides plutôt que de risquer des complications. Résultat : l’offre locative est extrêmement limitée. Personnellement, cela fait deux ans et demi que je cherche un appartement avec une chambre supplémentaire et une terrasse, et c’est un vrai parcours du combattant !

Après, il y a un autre défi, enfin si on considère que c'est un défi, c'est la langue basque. À Bilbao même, ce n’est pas un obstacle : la plupart des habitants parlent espagnol au quotidien, et le basque est plus couramment entendu en dehors de la ville, en province. En revanche, pour les familles qui choisissent d’inscrire leurs enfants dans le système scolaire local, l’apprentissage de cette langue est nécessaire, ce qui peut représenter une difficulté, tant pour les élèves que pour leurs parents.

Au lycée français, l’enseignement se fait bien sûr en français, mais dès le collège, quatre heures de basque sont au programme. C’est une charge importante, et tout le monde n’est pas forcément d’accord avec cette exigence, mais c’est la réalité du système éducatif dans la région et il faut l’accepter.

 

Nous facilitons l’intégration des expats grâce à un système très efficace de groupes WhatsApp thématiques.


 

Comment fonctionne votre association ? Quels types d’actions et d’événements organisez-vous pour faciliter l’intégration des expatriés ?

Bilbao Accueil existe depuis quatre ans et compte une centaine d’adhérents, soit environ 300 personnes, car un adhérent peut être une famille entière. Nous facilitons l’intégration des expats grâce à un système très efficace de groupes WhatsApp thématiques. Par exemple, il y a un groupe dédié à l’emploi où chacun peut partager des offres ou déposer son CV. Un autre groupe WhatsApp, intitulé Bon Plan, permet à chacun de poser des questions du quotidien et d’obtenir des réponses rapides de la communauté. 

Ce matin, une adhérente cherchait des informations sur la déclaration de naissance d’un enfant né à Bilbao, sachant qu’il n’y a ni ambassade ni consulat gérant ces démarches sur place. En quelques minutes, plusieurs membres ont partagé leurs expériences et donné des indications précises sur les documents à remplir et les procédures à suivre.Cette solidarité et cette réactivité sont la vraie force de Bilbao Accueil : une communauté soudée, où chacun contribue à faciliter la vie des autres.

Côté événements, nous sommes très actifs malgré notre taille encore modeste. Chaque mois, nous organisons au moins deux à trois rencontres conviviales. Nos événements phares sont nos apéro-rencontres et notre pause Pinchos, qui ont lieu dans des lieux sympas de Bilbao sélectionnés par nos bénévoles. Ces moments sont ouverts à tous, adhérents ou non. Nous célébrons aussi les grandes fêtes traditionnelles : Noël, la Galette des Rois, la Saint-Patrick, Pâques… et bien sûr, le Beaujolais nouveau, un incontournable qui remporte toujours un grand succès ! En parallèle, nous proposons aussi des activités plus ponctuelles comme des randonnées, du yoga, des visites guidées de la ville à prix réduits – voire gratuites. Tout cela est rendu possible grâce à une équipe dynamique de sept bénévoles, qui s’investissent pleinement pour faire vivre cette belle communauté francophone à Bilbao.

 

affiche beaujolais nouveau de bilbao accueil

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le profil des adhérents et l’évolution de la communauté des expatriés à Bilbao et dans la région ?

Le profil de nos adhérents est assez surprenant et, pour être honnête, je ne m’attendais pas à une telle diversité. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, seules un tiers des familles sont entièrement françaises. Un autre tiers est composé de familles franco-espagnoles ou franco-basques : un parent français et un autre basque, ou des couples mixtes où la culture basque et française cohabitent au quotidien.

Le dernier tiers regroupe des étrangers venus d’horizons très variés : Marocains, Allemands, Italiens… et même des Espagnols à 100 %, mais qui sont amoureux de la langue et de la culture française. Certains veulent simplement pratiquer le français et se rapprocher d’une communauté francophone. J’ai énormément d’admiration pour ces personnes, qui font l’effort d’intégrer un groupe où l’on parle français, sans pour autant être de langue maternelle. Je les trouve hyper courageuses, hyper ouvertes. C’est génial. C'est vraiment une richesse de la société.

 

logo rouge et vert de bilbao accueil


 

Qu’est-ce qui vous a motivée, personnellement, à prendre la présidence de Bilbao Accueil ? Et comment avez-vous découvert l’association ?

Je suis arrivée à Bilbao en suivant mon mari, qui intégrait un groupe franco-américain chargé de racheter des entreprises espagnoles et portugaises. Dès notre installation, nos priorités étaient claires : trouver un appartement et une nounou pour nos enfants. C’est là que des amies m’ont parlé des Accueils. J’ai adhéré à Bilbao Accueil avant même d’arriver, alors que nous étions encore à Paris, pour mettre toutes les chances de notre côté.

Franchement, au début, on s'est un peu mis un coup de pied aux fesses pour aller au premier apéro de rentrée de Bilbao Accueil. C’était une première pour nous, et on ne savait pas du tout à quoi s’attendre. Mais dès cette première soirée, le courant est bien passé avec les gens que nous avons rencontrés. Ce qui m’a frappée, c’est que nous étions sortis de notre cercle parisien et avions l’occasion de côtoyer des profils totalement différents. Quitte à s’expatrier, autant vivre l’expérience à fond plutôt que de recréer exactement la même vie qu’à Paris !

Petit à petit, je me suis impliquée dans l’asso. Puis, un an après mon arrivée, Céline, la présidente fondatrice, m’a invitée à un apéro avec les bénévoles. C’était un peu un traquenard, je ne savais pas que ce soir-là, elle comptait me proposer de rejoindre l’équipe ! J’ai accepté et suis devenue secrétaire de l’association. Un an plus tard, Céline annonçait son départ pour une nouvelle expatriation. Quand on m’a suggéré de postuler, ma première réaction a été de dire non. Je venais d’accoucher, mon travail était prenant, mon mari voyageait beaucoup… Bref, j’avais une liste infinie de raisons pour refuser. Mais Céline a insisté : Tu délègues, tu t’organises, tu verras, tu vas y arriver. Elle croyait en moi, alors je me suis lancée. Et en janvier, j’ai été élue présidente.

 

Elise Pons en pleine interview par les "jeunes reporters" du lycée français de Bilbao
Elise Pons en pleine interview avec les "jeunes reporters" du lycée français de Bilbao.

 

Connaissiez-vous les Accueils avant votre installation ?

Jamais de ma vie je n’aurais imaginé être présidente d’un Accueil. Franchement, ce n’était même pas une possibilité dans mon esprit. Avant mon arrivée, je ne connaissais absolument pas ce réseau. Je n’ai jamais été expat, je ne faisais pas partie de ce monde-là, donc tout ça était totalement nouveau pour moi. Au début, j’avais plein d’a priori : je pensais que ces associations étaient surtout fréquentées par des femmes d’expats qui organisaient des thés entre elles, faute d’autres occupations !

Et en réalité, pas du tout. À Bilbao Accueil, j’ai découvert des personnes incroyablement dynamiques, des entrepreneurs, des professionnels aux parcours inspirants. Prenons Céline, la fondatrice : elle a suivi son mari à l’étranger, mais à chaque expatriation, elle s’est réinventée. Avant de créer Bilbao Accueil en 2020, elle avait été directrice de l’événementiel d’un grand hôtel en Afrique, et avant ça, professeure. C’est une femme qui entreprend, qui agit, qui construit. Je trouve que l’expatriation, c’est aussi ça : une opportunité de voir les choses différemment, de se réinventer, d’explorer de nouvelles perspectives, que ce soit en travaillant, en s’investissant dans du bénévolat ou simplement en rencontrant des gens qu’on n’aurait jamais croisés autrement.

 


Non, il ne pleut pas tout le temps au Pays basque. Le climat est bien plus doux qu’on ne l’imagine. L’hiver, il fait souvent 15 degrés, ce qui permet de profiter de la nature toute l’année.

 

Quels conseils donneriez-vous à un francophone qui envisage de s’installer dans la région de Bilbao ?

Si je devais donner un seul conseil à un expat, ce serait d’être curieux. Pour moi, c’est essentiel quand on s’installe à l’étranger. La curiosité ouvre des portes : elle permet de rencontrer des gens, de mieux comprendre son nouvel environnement et d’éviter de se sentir isolé. À l’inverse, quelqu’un qui ne fait pas cet effort risque de se heurter à plus de difficultés, de ne pas trouver d’aide en cas de besoin et, au final, de ne pas apprécier pleinement son expérience.

Et après, d'un point de vue pratique, franchement, adhérer à Bilbao Accueil est un vrai gain de temps. Grâce aux groupes WhatsApp dont je parlais, poser une question, c’est souvent obtenir une réponse en moins d’une heure, que ce soit pour des démarches administratives, des recommandations ou des bons plans. 

Ah oui, et un autre conseil : ne pas écouter les clichés sur Bilbao ! Non, il ne pleut pas tout le temps au Pays basque. Le climat est bien plus doux qu’on ne l’imagine. L’hiver, il fait souvent 15 degrés, ce qui permet de profiter de la nature toute l’année. Ici, on peut randonner dans les collines, surfer en novembre et même aller à la plage avec ses enfants à l’automne. Enfin, il faut s’armer de patience pour trouver un logement. Le marché immobilier est tendu, mais avec un peu de persévérance et les bonnes ressources, on finit toujours par trouver son chez-soi.

 

J’ai découvert Lepetitjournal.com en arrivant en Espagne, et c’est un média que je lis régulièrement.

 

Vous entamez une collaboration avec Lepetitjournal.com. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Pourquoi cette envie de faire découvrir Bilbao ?

J’ai découvert Lepetitjournal.com en arrivant en Espagne, et c’est un média que je lis régulièrement. J’apprécie la diversité des sujets abordés, qu’ils soient pratiques ou touristiques, et je vois souvent passer vos articles sur LinkedIn, un réseau que j’utilise beaucoup.

Si j’ai décidé de proposer ma collaboration, c’est avant tout parce que Bilbao est une ville incroyable, en plein essor. Elle s’est affranchie de son passé marqué par l’ETA pour devenir un pôle dynamique et attractif. Pourtant, j’ai remarqué que Bilbao reste souvent une ville de passage : les visiteurs viennent pour le Guggenheim, mais ne s’aventurent pas plus loin, ce qui est vraiment dommage.

Bilbao regorge de trésors méconnus : une scène gastronomique exceptionnelle, avec des restaurants fabuleux, pas seulement étoilés mais aussi des adresses discrètes qui méritent le détour. Une richesse architecturale fascinante, où cohabitent maisons basques typiques, immeubles espagnols traditionnels et bâtiments ultra-modernes. Un patrimoine artistique omniprésent, avec du street art, des sculptures disséminées dans toute la ville. Et bien sûr, une nature verdoyante, imprégnée de légendes et de traditions basques.

J’ai envie de partager cette passion avec les lecteurs de Lepetitjournal.com, qu’ils soient expatriés en Espagne ou simplement curieux de découvrir Bilbao autrement. Et puis, j’adore écrire. Parler de cette ville qui me fascine, c’est un vrai plaisir, alors autant en faire profiter le plus grand nombre !

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