Fondée en 2017 par Eddy Dureuil et Timothé Roy-Bouchard, Ecotime conçoit des systèmes de récupération et de recyclage des précipitations (neige et eaux) pour les bâtiments commerciaux, municipaux et industriels. Avec une approche pragmatique et une volonté d’avoir un impact concret sur la consommation d’eau, l’entreprise ambitionne de transformer la manière dont les infrastructures gèrent cette ressource essentielle.


De la prise de conscience à l’action
Originaire des Antilles françaises,Eddy Dureuil a grandi dans un environnement où l’eau était précieuse. Arrivé au Québec, il est frappé par l’abondance apparente de cette ressource et par le manque de sensibilisation à sa préservation. « Je me suis rendu compte qu’ici, on vivait dans une illusion d’abondance. Pourtant, la consommation d’eau au Québec est trois fois supérieure à celle de l’Europe ! » raconte-t-il.
Avec Timothée Roy Bouchard, il décide d’agir en créant Ecotime. Leur objectif : réduire l’empreinte hydrique des bâtiments sans altérer le confort des usagers. « Si on veut que les choses changent, il faut que ce soit simple et invisible pour l’utilisateur final », explique Eddy Dureuil.
Oasis : un circuit fermé pour une eau optimisée
Ecotime a mis au point Oasis, un système qui capte, traite et redistribue les précipitations directement dans le bâtiment. Conçu pour être installé dans les bâtiments commerciaux, municipaux et industriels, il permet d’alimenter des usages ne nécessitant pas d’eau potable, comme les toilettes, le lavage de la voirie ou l’arrosage des espaces verts. « On ne réalise pas que plus de 40 % de l’eau utilisée dans un bâtiment pourrait être non potable », souligne Eddy Dureuil.
Le fonctionnement d’Oasis repose sur un circuit fermé. L’eau de pluie est récupérée depuis la toiture du bâtiment avant d’être filtrée et stockée dans une citerne souterraine ou intégrée dans la station Oasis. Cette eau est ensuite redistribuée dans le bâtiment, évitant ainsi de solliciter les infrastructures municipales et de gaspiller de l'eau potable. Le système est équipé de capteurs intelligents qui ajustent automatiquement la quantité d’eau en fonction des besoins du bâtiment et de la capacité de stockage disponible. «Nous avons développé une solution qui s’intègre naturellement aux infrastructures neuves et existantes, tout en optimisant leur efficacité », précise Dureuil.

Un système adapté aux grandes infrastructures et aux tours d’habitation
Oasis n’est pas réservé aux bâtiments municipaux et industriels. Le système peut également être installé dans des tours à condos, où la consommation d’eau est particulièrement élevée. En intégrant un circuit fermé de récupération des eaux pluviales, une tour d’habitation peut considérablement réduire son empreinte hydrique tout en minimisant les coûts d’approvisionnement en eau potable.
« Dans les grands immeubles résidentiels, l’eau utilisée pour les toilettes, l’arrosage des espaces verts ou encore le nettoyage des parties communes représente une part importante de la consommation totale. Avec Oasis, nous offrons une alternative durable qui permet d’alléger la pression sur les infrastructures urbaines tout en générant des économies à long terme pour les copropriétés », explique Dureuil.
Un engagement reconnu dans l’écosystème de l’eau
Eddy Dureuil est aujourd’hui l’un des six AquaHéros, un programme porté par Acqua Action qui met en lumière les innovateurs engagés pour la gestion durable de l’eau. Il participe à Americana, l’un des plus grands salons environnementaux francophones d’Amérique du Nord, pour présenter Oasis et échanger avec les acteurs du secteur. « C’est une occasion unique de sensibiliser et de nouer des partenariats stratégiques », affirme-t-il.
Ecotime et Phaneuf International, tous les deux des AquaHéros, envisagent de collaborer pour équiper les arénas en solutions de récupération des eaux pluviales. L’objectif est de réduire la consommation d’eau potable utilisée pour surfacer les patinoires. « Utiliser de l’eau potable pour ce type d’usage n’a plus de sens. L’eau de pluie, une fois filtrée, remplit parfaitement ce rôle », explique Dureuil.
Des applications concrètes dans les municipalités
Ecotime a déjà installé plusieurs systèmes Oasis dans des municipalités de plus de 10 000 habitants. L’entreprise cible principalement les infrastructures à forte consommation d’eau, comme les arénas, les centres sportifs, les casernes de pompiers ou les salles de spectacle. « Les municipalités doivent montrer l’exemple. Une fois qu’elles auront adopté ces solutions, le secteur privé suivra », estime-t-il.
Dans cette optique, Ecotime a contribué à lancer en octobre 2023 la Stratégie de Réduction de l'Empreinte Hydrique (SREH), une initiative menée en collaboration avec le Conseil Régional de l'Environnement de Lanaudière, les Ateliers Ublos et l'INRIU. L’objectif est double : mettre en place des solutions hydro-responsables dans le cadre bâti tout en mesurant leur impact afin de produire des données tangibles. Cette approche vise non seulement à optimiser la gestion de l’eau, mais aussi à sensibiliser les décideurs et à encourager une évolution du cadre législatif.
Un enjeu réglementaire et économique
Si les bénéfices environnementaux sont évidents, l’adoption de ces systèmes repose également sur des incitatifs gouvernementaux, encore trop rares. « Il faudrait que l’eau soit perçue comme l’électricité, avec des compteurs individuels et des programmes d’incitation », estime Dureuil. Certaines municipalités commencent à proposer des subventions pour l’installation de systèmes de récupération d’eau, mais le chemin reste encore long.
Vers un cadre réglementaire adapté ?
Avec Oasis, Ecotime apporte une solution pragmatique et adaptable pour réduire le gaspillage d’eau dans les bâtiments. « L’eau, c’est la ressource que l’humain utilise le plus. Il est temps d’en prendre conscience et d’agir », conclut Eddy.
Si la prise de conscience est en marche, il reste encore un verrou majeur : l’évolution du cadre réglementaire. Aujourd’hui, plusieurs normes de construction et de distribution de l’eau freinent l’adoption de solutions comme Oasis. Des ajustements sont nécessaires pour encourager la gestion circulaire de l’eau dans les bâtiments. Le législateur sera-t-il prêt à adapter les règles pour accompagner cette transition inévitable ?
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