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Soula Chronopoulos : faire de l’eau un enjeu de sécurité nationale

L’eau est-elle vraiment une ressource inépuisable au Canada ? Pour Soula Chronopoulos, la réponse est non. Face aux menaces de pollution, de surexploitation et aux tensions géopolitiques croissantes, elle milite pour que l’eau soit reconnue comme un enjeu stratégique et de sécurité nationale. À la tête d’AquaAction, elle défend une vision pragmatique et entrepreneuriale de la gestion de l’eau, convaincue que l’innovation est la clé pour préserver ce bien commun. Un engagement qui trouve ses racines dans un parcours personnel atypique, marqué par une quête constante de sens et de nouvelles opportunités.

Soula ChronopoulosSoula Chronopoulos
Soula Chronopoulos, présidente de AquaAction - Photo LPJ
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 24 février 2025

 

 

Un parcours aux multiples facettes

Née au Québec de parents grecs immigrés au début des années 60, Soula Chronopoulos a grandi dans une famille attachée à ses racines. Chaque année, elle retourne en Grèce s’occuper de ses oliviers, héritage familial et symbole d’une agriculture en péril face au manque d’eau. « Cette terre, c’est mon lien avec mes origines. Mais l’an passé, nous n’avons pas eu d’eau pendant huit mois. J’ai perdu la moitié de ma récolte », raconte-t-elle.

 

 

 

Les oliviers de Soula
Les oliviers millénaires de Soula Chronopoulos, là où chaque année, elle aime à se ressourcer

 

 

Mais avant de se consacrer à l’eau, Soula a fait carrière dans un tout autre domaine. Diplômée de l’Université McGill et de l’Université de Montréal, elle passe 25 ans aux États-Unis, notamment à Atlanta et en Alabama, où elle développe des programmes de formation pour l’industrie pharmaceutique. Un environnement exigeant où elle apprend à naviguer entre stratégie, innovation et gestion d’équipes. « J’ai toujours aimé créer, construire, trouver des solutions. Mais à un moment, j’ai eu besoin de me reconnecter à quelque chose de plus essentiel », explique-t-elle.

 

 

Le choc de la crise de l’eau

En 2023, alors qu’elle travaille dans le secteur de la formation, un appel inattendu bouleverse ses perspectives. La famille de Gaspé Beaubien, à l’origine de l’initiative AquaAction, lui propose de prendre la présidence de l’organisation. « On m’a dit : "Il y a une crise de l’eau au Canada". J’ai d’abord ri. Comment un pays entouré de lacs et de rivières pourrait-il manquer d’eau ? », se souvient-elle.

Mais en creusant le sujet, elle découvre une réalité alarmante : pollution, gaspillage, infrastructures vieillissantes et pressions géopolitiques. « J’ai compris que l’eau était bien plus qu’une question environnementale. C’est un enjeu économique, social et même stratégique. Aux États-Unis, ils en ont fait une priorité de défense nationale. Nous, au Canada, on tarde encore à réagir », regrette-t-elle.

 

 

 

Diriger pour innover

Reprendre AquaAction n’a rien d’un poste de confort. Loin d’être une ONG classique, l’organisation caritative fonctionne comme une véritable pépinière d’entrepreneurs, soutenant des startups qui développent des solutions innovantes pour préserver et gérer l’eau. « Je ne voulais pas juste faire de la sensibilisation. Il fallait des actions concrètes, des entreprises solides, un impact réel », affirme Soula Chronopoulos.

Depuis l’arrivée de Soula à sa direction il y a environ deux ans et demi, AquaAction, en partenariat avec Réseau Environnement, a consolidé son réseau et soutient aujourd’hui plus de 95 entreprises québécoises, qui génèrent ensemble plus de 200 millions de dollars de revenus annuels. Mais son objectif ne s’arrête pas là : « Nous devons exporter notre expertise. Si on garde ces solutions uniquement pour le Québec, on passe à côté de quelque chose d’énorme », insiste-t-elle.

 

 

 

L’eau, un actif stratégique à protéger

Entrepreneure dans l’âme, Soula Chronopoulos ne se contente pas de gérer une organisation. Elle veut imposer un changement de paradigme dans la manière dont l’eau est perçue. Pour elle, il ne s’agit pas seulement d’un enjeu environnemental, mais d’une opportunité économique et politique.

« Les États-Unis cherchent déjà à sécuriser leur approvisionnement. Nous avons le choix : anticiper ou subir », prévient-elle. En effet, la pénurie d’eau a été classée comme une menace stratégique aux États-Unis, entraînant d’importants investissements pour protéger leurs ressources hydriques. Pendant ce temps, le Canada, bien que riche en eau, reste passif face aux risques croissants de pollution, de surexploitation et de pressions extérieures.

« Sans eau, il n’y a ni énergie, ni agriculture, ni industrie. Pourtant, nous continuons à la traiter comme une ressource infinie, alors que d’autres pays l’intègrent déjà dans leurs stratégies de défense », alerte-t-elle.

Avec AquaAction, elle veut changer le discours : faire reconnaître l’eau comme un actif stratégique et encourager des solutions locales pour garantir un accès durable et maîtrisé.

 

 

Un combat loin d’être terminé

Soula Chronopoulos est une femme pressée. À peine arrivée à AquaAction, elle a fait bouger les choses et ne compte pas s’arrêter là. Prochaine étape : Americana 2025, où elle mettra en lumière des entrepreneurs québécois qui repensent la gestion de l’eau.

Mais la tâche est immense, et elle en a conscience. « On parle beaucoup du climat, du carbone, des énergies renouvelables. Mais l’eau ? Peu de gens réalisent que c’est l’élément clé de tout le reste », insiste-t-elle.

Alors que l’eau devient un enjeu mondial, le Canada prendra-t-il enfin la mesure du défi ? Soula Chronopoulos, elle, n’attendra pas la réponse pour agir.

 

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