Dans cet entretien exclusif, Benoit Dubreuil, commissaire à la langue française de la province du Québec, nous plonge dans les rouages de la politique linguistique, en nous exposant l'évolution de la gestion du français, les défis actuels et futurs, ainsi que le rôle qu'il incarne dans cette mission essentielle pour l'identité culturelle québécoise.
Le commissaire à la langue française incarne une nouvelle autonomie dans la défense du français.
Les origines du poste de commissaire à la langue française
Le poste de commissaire à la langue française ne date que de quelques années, mais s’inscrit dans une longue tradition de défense du français au Québec. Monsieur Dubreuil explique que ce rôle découle de l’évolution des institutions depuis les années 1970, lorsque le Québec a commencé à consolider ses lois linguistiques, notamment avec la Charte de la langue française de 1977. À cette époque, la langue française est devenue un enjeu central de la Révolution tranquille, aboutissant à la création d’un secrétariat et d’un office pour la langue française.
De la réflexion à l’indépendance : la transformation de la gouvernance linguistique
La gouvernance de la politique linguistique québécoise a connu récemment des changements significatifs. Le Conseil supérieur de la langue française, qui avait pour mission de conseiller le gouvernement, a été aboli au profit du poste de commissaire. Ce changement a marqué une rupture importante, car le commissaire est nommé par l’Assemblée nationale et exerce ses fonctions de manière indépendante, une autonomie qui donne plus de pouvoir à ce rôle dans le contrôle des actions gouvernementales.
La gouvernance linguistique québécoise se distingue par son ancrage dans la protection d’une langue minoritaire.
Un modèle québécois inspiré de l’international
Benoît Dubreuil compare son rôle à celui d'autres commissaires linguistiques à travers le monde, en mentionnant des exemples similaires au Canada, au Pays de Galles et en Irlande. Bien que ces fonctions partagent des missions similaires – veiller à l’application des lois linguistiques et protéger les droits des citoyens – la spécificité québécoise repose sur un ancrage plus fort dans la défense d'une langue minoritaire au sein du continent nord-américain.
Une équipe dédiée à la défense du français
Benoit Dubreuil ne travaille pas seul. Son équipe, composée de 18 personnes, joue un rôle central dans la réalisation des objectifs du commissariat. En plus d’une équipe de soutien administratif, ses collaborateurs se divisent en deux grands groupes : ceux chargés de la recherche et ceux qui se concentrent sur la mise en œuvre et le contrôle des lois. Le commissaire insiste sur l’importance d’une expertise quantitative pour comprendre les évolutions linguistiques et évaluer l’efficacité des politiques publiques.
Le renouveau de la recherche linguistique
L'un des grands défis auxquels est confronté le commissaire est le renouvellement de l’expertise dans l’analyse quantitative de la situation linguistique au Québec. Dubreuil souligne que cette discipline, florissante dans les années 70, a souffert d’un manque de relève, créant un vide générationnel dans la recherche démolinguistique. Aujourd’hui, des efforts sont en cours pour recréer cette expertise, notamment à travers un nouveau réseau de recherche soutenu par le gouvernement québécois.
Ce poste permet une action indépendante pour assurer la survie du français au Québec.
Un rôle unique dans la fonction publique
Ce poste offre à Dubreuil une autonomie rare dans la fonction publique québécoise. Il peut orienter ses actions avec une liberté certaine, ce qui lui permet de prioriser les sujets les plus urgents pour la survie du français. Dubreuil note toutefois que cette liberté vient avec une grande responsabilité, car il est constamment observé par l’Assemblée nationale.
Les défis futurs de la politique linguistique
Interrogé sur l’avenir, Benoit Dubreuil exprime son souhait de voir émerger une nouvelle génération d’experts et d’intervenants capables de relever les défis à venir, notamment face aux pressions économiques et sociales qui influencent l’usage du français.
Benoit Dubreuil incarne une nouvelle vision de la gouvernance linguistique au Québec, alliant réflexion prospective et contrôle rigoureux des politiques publiques. Mais dans un monde où la diversité linguistique est menacée, comment cette vision pourra-t-elle s’étendre et influencer la francophonie à l’échelle mondiale? Le modèle québécois peut-il inspirer d’autres régions confrontées à des défis similaires? Et surtout, quelles seront les prochaines étapes pour garantir la survie du français dans un contexte de mondialisation accrue?