Édition internationale

L’essor de la culture des mèmes en Chine

Vous les avez suremment vu passer sur vos internet, de John Cena et son célèbre "wo hen xi huan bing qi ling" ou le "eggman" chantant Xue Hua Piao Piao dans la forêt. Qu'est ce qui explique la popularité de ces mèmes chinois ?

Meme sur twitter, you pretty he ugly, you swan he frogMeme sur twitter, you pretty he ugly, you swan he frog
Écrit par Juliette Robieux
Publié le 27 février 2025, mis à jour le 28 février 2025

Les mèmes comme moyen de communication

 

Le terme “mème” a été inventé en 1976 par le biologiste Richard Dawkins dans son livre Le Gène égoïste. Il a utilisé ce mot pour décrire la transmission de l’information culturelle par réplication et mutation, à l’image des gènes qui se transmettent de génération en génération. Aujourd’hui un mème décrit est un élément de contenu, sous forme d'une image, une vidéo ou un texte, principalement caractérisé par sa nature humoristique ou sarcastique. Les premiers mèmes en Chine sont apparus sur Tieba, QQ et WeChat, représentant souvent des célébrités aux expressions marquantes. Leur popularité a explosé grâce à la facilité avec laquelle ils sont partagés. Pendant le Nouvel An lunaire 2017, 16 milliards de mèmes ont été envoyés sur WeChat, dont 90 % par des utilisateurs de moins de 30 ans. Les mèmes sont ainsi devenus un nouveau mode de communication, particulièrement sur WeChat, en raison de leur simplicité d’utilisation. “Ce qui entraîne l’essor des mèmes, c’est le fait qu’ils résonnent auprès de ceux qui peuvent les comprendre, s’y identifier et ressentir l’envie de les partager”, affirme Mackenzie Finklea, auteure et anthropologue ayant donné une conférence TED sur la culture des mèmes.

 

Les mèmes, un art lucratif ?

 

La popularité des mèmes est telle qu’ils sont désormais un véritable marché lucratif. Certains créateurs vendent leur mème via des plateformes de shopping en ligne. En 2017, une étudiante de l’université de Hangzhou a créé un mème, puis l’a commercialisé sur WeChat. Son succès lui a permis de gagner plus de 160 000 RMB. Ce cas n’est pas isolé : sur des plateformes comme Taobao, WeChat Mini Programs ou Xiaohongshu, il est devenu courant de vendre des produits dérivés inspirés de mèmes : stickers, t-shirts, accessoires, etc. Les entreprises chinoises exploitent également les mèmes pour vendre leurs produits. Mengniu, un des plus grands producteurs de lait en Chine, a lancé pendant la Coupe du monde 2018 une campagne publicitaire sur Weibo, s’appuyant sur des mèmes interactifs. Cette campagne aurait coûté près de 100 millions de dollars, mais le retour sur investissement a été largement bénéfique grâce à l’énorme engagement généré.

 

Le Chinglish : l’essor des mèmes chinois à l’international

 

Les mèmes chinois ne se limitent plus aux frontières du pays. Leur influence grandit à l’international, notamment grâce au Chinglish, un mélange de chinois et d’anglais qui donne lieu à des traductions approximatives. Cet été, un commentaire en Chinglish sous la photo d’une jeune femme récemment célibataire est devenu viral : "You pretty, he ugly, you swan, he frog!" Ce commentaire est une traduction maladroite de l’expression chinoise “Un crapaud rêvant de manger de la viande de cygne »” qui signifie désirer quelque chose hors de sa portée. Cette phrase a rapidement été reprise comme mème à l’étranger, notamment sur X, où le post l’incluant a amassé plus de 30 millions de vues et ont été réutilisé pour parler de sujets d’actualité, comme les élections américaines ou plus globalement de la culture occidentale. D’autres expressions en Chinglish, comme “Men all are feet of big pig” (Les hommes sont tous des pieds de grand cochon) ou “One boyfriend, always sad” (Un petit ami, toujours triste), ont également gagné en popularité. L’essor du Chinglish dans les mèmes témoigne d’une certaine confiance culturelle et d’une volonté de façonner son propre discours à l’international, plutôt que de simplement imiter les tendances occidentales.

Les mèmes et l’IA en Chine

L’intelligence artificielle joue un rôle croissant dans la culture des mèmes en Chine. Les internautes chinois utilisent déjà l’outil Sora d’OpenAI pour modifier des scènes de films classiques chinois en y ajoutant des éléments contemporains. Les mèmes créés par l’IA permettent aussi des rencontres improbables entre personnages de différents univers, mêlant parfois culture traditionnelle chinoise et pop culture mondiale. Cette tendance, appelée “Lalang Pei” (pairing forcé), juxtapose des personnages comme Voldemort (Harry Potter) et Lin Daiyu (du classique chinois Le Rêve dans le pavillon rouge). Face à cette tendance, de nombreuses entreprises chinoises ont réagi en développant leurs propres outils de création de vidéos avec IA. ByteDance, la maison mère de TikTok (Douyin en Chine), a par exemple ajouté une fonctionnalité permettant aux utilisateurs de créer des vidéos de mèmes IA facilement et rapidement.
 

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