Édition internationale

Lhyfe, cette entreprise française d’hydrogène vert qui veut aider la mer à respirer

Depuis 2017, Lhyfe, une entreprise française fondée par Mathieu Guesné, porte les promesses d’une transition écologique enfin concrète. Avec ses unités de production d’hydrogène vert réparties dans 12 pays, cette entreprise désormais internationale tente une nouvelle aventure : la réoxygénation de l’océan. Dans un entretien avec Lepetitjournal.com, Maud Augeai, directrice commerciale pour la France, revient sur les ambitions, les défis et les succès de cette industrie engagée pour un avenir décarboné.

Six des membres fondateurs de Lhyfe sous une éolienneSix des membres fondateurs de Lhyfe sous une éolienne
Six des membres fondateurs de Lhyfe sous une éolienne
Écrit par Liz Fredon
Publié le 21 janvier 2025, mis à jour le 30 janvier 2025



 

“Aujourd’hui, nous avons toutes les solutions pour décarboner, il suffit de les mettre en œuvre.”

Cette conviction de Mathieu Guesné, fondateur de Lhyfe, guide la création de l’entreprise en 2017. Avec une équipe de départ composée de seulement 10 personnes, Lhyfe prend rapidement son envol. Dès 2019, la première unité de production voit le jour sur la côte vendéenne.

Aujourd’hui, l’entreprise compte près de 200 employés et déploie son savoir-faire à travers l’Europe et au Canada. “Ce dont je suis le plus fière, c’est que nous avons su grandir sans perdre notre âme et nos valeurs”, souligne Maud Augeai, directrice commerciale pour la France.

 

 

Les huits co-fondateurs de Lhyfe
Les huits co-fondateurs de Lhyfe

 

 

 

Une fierté nationale à l’échelle internationale

“Il y a cinq ans, nous étions présents en France, nous allions à quelques événements à Bruxelles en se disant qu’un jour peut-être, quand on sera grand, nous nous internationaliserons. Finalement, dès 2020, c'est-à-dire à peine un an plus tard, nous avons commencé à recruter des gens en Allemagne et nous avons poursuivi comme cela”.

Malgré un marché complexe et des politiques publiques souvent lentes, Lhyfe s’exporte à l’international pour se saisir d’un marché qui en avait bien besoin. Désormais leader mondial de l’hydrogène vert, la stratégie de l’entreprise repose sur l’embauche de talents locaux dans chaque pays d’implantation. “Recruter localement nous permet d’être plus efficaces et de mieux comprendre les besoins spécifiques de chaque région”, affirme Maud Augeai.

Cependant, cette internationalisation n’est pas sans défis. “Chaque pays a ses propres règles et mécanismes de subvention, ce qui demande une adaptation constante. Mais c’est aussi ce qui fait notre force.”

 

 

Voiture fonctionnant à l'hydrogène Lhyfe
Véhicule Hydrogène Lhyfe

 

 

 

Décarboner les industries et les mobilités lourdes

Au cœur de la mission de Lhyfe se trouve une volonté farouche de répondre aux besoins écologiques des secteurs les plus polluants. “Nous travaillons sur deux axes principaux : l’industrie et la mobilité lourde”, explique Maud Augeai.

Dans l’industrie, l’enjeu est de taille : il faut remplacer l’hydrogène carboné, massivement utilisé dans la métallurgie, la chimie ou encore la fabrication d’engrais, par une alternative propre. Lhyfe ne s’arrête pas là, elle s’attaque également aux e-fuels, carburants durables destinés à l’aviation et au transport maritime.


 

Actuellement, la majorité de l’hydrogène est produite à partir du gaz naturel via un procédé émettant beaucoup de CO2 (10 kg de CO2 pour 1 kg d’hydrogène). Cette méthode, appelée “vapeur réformée de gaz naturel”, est donc polluante. La production d’hydrogène “vert” change cette approche. Elle utilise de l’électricité issue de sources renouvelables (comme l’éolien) pour alimenter un processus d’électrolyse de l’eau. Ce procédé casse les molécules d’eau (H2O) en hydrogène (H2) et en oxygène (O2), sans émettre de CO2. Le bilan : 1 kg d’hydrogène produit génère 8 kg d’oxygène. L’hydrogène ainsi produit peut être utilisé directement comme matière première pour des processus industriels ou comme carburant propre dans le domaine de la mobilité. L’oxygène, quant à lui, peut être revalorisé dans certaines applications, notamment pour des usages industriels ou pour des projets visant à protéger les écosystèmes marins.

 

Côté mobilité, Lhyfe participe à la décarbonation des grands corridors routiers européens. "Ces projets sont soutenus par l’Union européenne et visent à transformer des infrastructures essentielles pour réduire notre empreinte carbone", précise-t-elle.


 

“Une respiration sur deux, nous la devons à l’océan. Mais celui-ci perd sa capacité à absorber le CO2 en raison de l’acidification.”
 

 

Récif et poissons dans la mer Baltique

 

 

Aider la mer Baltique à respirer comme mission parallèle

L’activité humaine provoque ce que l’on appelle l’acidification des océans, un phénomène qui réduit progressivement leur capacité à absorber le CO2. Aujourd’hui, les émissions mondiales de CO2 dépassent largement la capacité de la planète à les compenser. Prendre soin des forêts et des océans est donc une urgence vitale pour notre écosystème. C’est face à ce constat que Lhyfe investit dans la recherche, notamment pour restaurer la santé de la mer Baltique, extrêmement touchée par la pollution. L’entreprise travaille à la réoxygénation des fonds marins, un processus visant à rétablir cet équilibre vital. Dr. Patricia H., docteur en physique des océans, a rejoint l'entreprise Lhyfe pour développer ce projet. 

 

“Nous allons essayer de réinjecter l'oxygène dans des zones où l’océan est déjà très acidifié et où il perd sa capacité à absorber le CO2.” expose Maud Augeai.

Cette démarche s’appuie sur des collaborations avec des instituts de recherche comme l’Ifremer et des experts suédois. Toutefois, comme le rappelle la directrice commerciale : “Ce projet ne nous rapporte pas d’argent. Nous devons d’abord assurer notre croissance pour financer ces initiatives.”
 

 

 

Vague en formation de rouleau

 

 

 

Une stratégie en trois volets
Petits sites territoriaux : Ces unités compactes approvisionnent des régions en hydrogène par conteneur. Elles sont idéales pour alimenter des stations de mobilité ou des industries locales.
Sites industriels : Avec des projets de grande ampleur, Lhyfe décarbone les industries lourdes. “Par exemple, au Havre, nous produirons plusieurs dizaines de tonnes d’hydrogène par jour pour une entreprise d’engrais.”
Production offshore : L’avenir de Lhyfe se joue en mer. “Nous avons déjà testé des prototypes au large du Croisic, et notre ambition est de produire massivement de l’hydrogène renouvelable offshore d’ici 2030.”

 

 

Objectifs pour 2030 et conseils pour les entrepreneurs

L’ambition de Lhyfe est de taille, il s’agit d’atteindre 3 GW de capacité de production d’hydrogène renouvelable d’ici 2030. Pour cela, l’entreprise nantaise mise sur une consolidation de ses acquis et une expansion progressive. “Nous sommes à un tournant. Ce plateau que traverse la filière hydrogène est nécessaire pour consolider les bases et repartir de plus belle.”

“Ça ne sert à rien de vouloir atteindre la lune tout de suite, il faut y aller par étapes.”

À celles et ceux qui rêvent d’avoir un impact global, Lhyfe est un modèle inspirant. "Il est essentiel de s’entourer des bonnes personnes. La confiance de nos actionnaires et de nos équipes est un levier décisif pour oser", confie Maud Augeai. Malgré cette croissance impressionnante, Lhyfe a su conserver les mêmes conditions de travail pour ses employés, ainsi que ses valeurs écologiques.

 

 

Pensez aussi à découvrir nos autres éditions