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Je marche seul(e) : célibat et expatriation font-ils bon ménage ?

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 1 mai 2024

Dans le monde des expatriés où être en couple et avoir des enfants semble être la norme, les célibataires peuvent avoir du mal à trouver leur place.  D’un côté, une vie professionnelle et sociale généralement trépidante, de l’autre, le vide affectif et la lassitude de faire tout en solo. Pour comprendre le dilemme des célibataires expatriés, nous leur avons laissé la parole. 

 

Il y a quelques années, à l’heure où Marie débarquait en Espagne, ne voulant plus entendre parler des hommes, Sophie nourrissait l’espoir de rencontrer « the one » en République Démocratique du Congo et Antoine partait retrouver sa dulcinée en Argentine. Aujourd’hui, tous sont célibataires et expatriés. Cette situation n’a rien d’inédit, mais elle se fait souvent voler la vedette par les problématiques de conjoints suiveurs ou familles multiculturelles, lorsqu’on parle d’expatriation. 

Pour Nicolas Serres Cousiné, coach de vie établi à New-York, « 20 à 25% des personnes qui m’appellent connaissent le même dilemme : ils ont une vie professionnelle épanouie, mais après avoir surfé sur la vague d’un début d’expatriation riche en rencontres,  ils se sentent seuls et perdus sur leur avenir ». 

 

« Il faut tout faire tout seul dans une langue étrangère: les problèmes sont doublement difficiles »

 

Lorsque Marie retrouve, à 30 ans, la Valence de son Erasmus, finis l’insouciance et les « botellón » géants.  « C’est un vrai challenge de tout faire toute seule dans une langue étrangère. Je me rappelle la première fois que j’ai dû aller au commissariat, j’étais morte de peur. Tous les problèmes en général sont doublement difficiles. Et puis on a souvent envie de partager ses journées et ses projets avec quelqu’un », raconte-t-elle.  

 

« Il y a beaucoup d’expatriés qui se disent que la solution à un mal être X, Y ou Z c’est de s’expatrier. Mais ce n’est pas être ailleurs qui résout le problème. Le problème c’est de s’être trompé de carrière, de conjoint…quelque chose en eux qui n’allait pas », expose Nicolas. « Il arrive que les expatriés se retrouvent plus ou moins exclus des réseaux d’expatriés, dans lesquels beaucoup sont en famille », poursuit le coach. 

 

 

Se mettre en couple malgré les différences culturelles ?

 

« Pour mes collègues et amis locaux, c’était difficilement compréhensible d’être célibataire à mon âge. Eux se mettent en couple et font des enfants très tôt » raconte Sophie, cadre humanitaire de 33 ans. « Mon indépendance les terrorise » corrobore Marie. « Mais j’apprécie beaucoup la façon de vivre des Espagnols, donc si je rencontre vraiment LA personne, je ferai des compromis », nuance-telle. « Pas de là à aller déjeuner tous les dimanches chez la belle-famille » dit-elle en riant. Beaucoup de clients de Nicolas, expatriés aux Etats-Unis, ont rencontré des difficultés pour avoir un partenaire local. « C’est une façon de concevoir l’amour complètement différente », expose Nicolas. « Dans la plupart des cas, les couples mixtes ne tiennent pas », illustre-t-il. 

 

Pour autant, il semblerait que les différences culturelles jouent davantage en défaveur des femmes que des hommes expatriés. « Les Argentins sont, pour beaucoup, machistes et ont une vision assez particulière de la fidélité », analyse Antoine, Français de 29 ans. «  Tandis qu’être avec une Argentine pour un homme français, c’est souvent plus facile et enrichissant ».

 

« C’est encore plus compliqué pour les femmes car elles ont une vision à plus long terme. Elles  pensent à la problématique des enfants et imaginent l’obstacle que peuvent constituer les différences culturelles dans leur éducation », note Nicolas. 

 

 

« Ma vie sociale s’est nettement améliorée »

 

« Me retrouver célibataire a été un tournant. Cela m’a permis de m’ouvrir et de sortir énormément : ma vie sociale s’est nettement améliorée »,  estime Antoine. « On se donne à 200% pour rencontrer des gens, on veut tout faire pour que ce ne soit pas un échec », confie Marie. Du côté de Sophie, être en mission sur l’un des plus gros terrains humanitaires va de pair avec une concurrence accrue entre femmes célibataires. « Quand il y a un mec bien, c’est la « guerre » entre les filles. Je me suis vite dit que la façon dont ça se passait, les relations éphémères, souvent cachées, ce n’était pas pour moi ».

 

Pour Nicolas, l’euphorie d’une vie sociale riche peut céder le pas à une détresse sentimentale. « Au début, tout va très bien : ils rencontrent plein de monde, ont beaucoup d’aventures, sont brillants, gagnent de l’argent et profitent de ne plus avoir d’étiquette sur le dos.  Puis après quelques années,  il y a de vrais malaises, des profondes tristesses. Ils ne savent plus du tout ce qu’ils veulent vraiment », observe-t-il « Est-ce que je dois sortir avec des personnes d’ici ? « Rentrer en France et mettre un terme à ma carrière ? », « Comment rencontrer de nouvelles personnes ? » sont autant de questions qui tombent fréquemment dans l’oreille attentive de Nicolas. 

 

 

« Je n’ai pas décidé d’avoir une vie simple, j’ai décidé d’avoir une vie meilleure : c’est un équilibre difficile à trouver »

 

« C’est un motif de retour en France pour certains », raconte Nicolas. Néanmoins, chez nos trois expatriés, d’autres critères pèsent plus lourd dans la balance. « Je n’ai pas décidé d’avoir une vie simple, j’ai décidé d’avoir une vie meilleure. C’est un équilibre difficile à trouver entre les difficultés auxquelles on fait face et la qualité de vie qu’on gagne : plus de temps, un meilleur climat, moins de pression et des gens plus détendus »,  considère Marie. 

 

« Je suis restée plusieurs années en France sans être en couple pour autant. Ce n’est pas lié à un lieu et à un contexte, ce sont des choses qu’on ne peut pas maitriser. Trouver quelqu’un ne doit pas être un critère dans mes choix de vie », analyse Sophie. Pour Antoine, se rapprocher de sa famille et de ses amis serait le seul motif d’un retour en France. 

 

« Chaque chose arrive au bon moment. Etre en couple est un désir, pas une nécessité. Pour l’instant, j’apprends à être stable toute seule. On ne construit pas sur des ruines », conclue Marie. 

 

Justine Hugues
Publié le 16 juillet 2018, mis à jour le 1 mai 2024
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