La Haute Assemblée du Sénat a adopté, le 10 avril 2025, une résolution « invitant à favoriser la restauration de la sécurité en Haïti afin de créer les conditions nécessaires à la mise en place d’un processus politique de sortie de crise ». Ce texte intervient alors que la situation dans le pays des Caraïbes est extrêmement préoccupante. Depuis plusieurs années, Haïti est en proie de nombreuses violences, mais aussi de problèmes de pauvreté et de santé. La source principale de ces violences provient de gangs. Selon les Nations Unies, plus de 5.600 personnes ont été tuées en 2024 dans des violences liées aux gangs.


Un vaste réseau de gangs impose la terreur à Haïti. En 2024, les Nations Unies dressent un bilan de 5.600 morts liées à ces violences. Entre févier et mars 2025, environ 40.000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer, prises au piège d’une spirale de violences qui s’intensifie depuis 2018. Anderson D. Michel, journaliste haïtien, est, lui, arrivé en France en 2019, après de nombreuses menaces de mort et plusieurs tentatives d’assassinat. Face à cette crise, l’ensemble des groupes politiques du Sénat a cosigné une résolution, adoptée le 10 avril 2025. La Haute Assemblée témoigne de son soutien et appelle à accroître les efforts pour la restauration de la sécurité à Haïti.
Anderson D. Michel, journaliste : « Critiquer, c’est renoncer à un retour en Haïti »
La situation actuelle en Haïti est une catastrophe humanitaire qui touche principalement les enfants. Ils sont les premières victimes de la violence acharnée des gangs. Dans les zones contrôlées par les gangs, la vie à l’école est impossible. Les enfants sont confrontés à la violence permanente, au risque d’enlèvement, et à un phénomène inquiétant : dans certains quartiers sensibles, les jeunes sont recrutés par les gangs. Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français établis hors de France et présidente du groupe d’amitié France-Caraïbes, s’est réjouie de l’initiative votée par la Haute Assemblée. Elle a accepté de répondre aux questions de la rédaction.
« Le désengagement américain sur l’ensemble de la planète crée une incertitude qui nous appelle à prendre davantage nos responsabilités », témoigne Hélène Conway-Mouret.
Au-delà de cette résolution, quelles actions concrètes la France prévoit-elle pour accompagner Haïti dans la sortie de crise ?
La France est déjà très engagée aux côtés d’Haïti, rappelons qu’elle a versé plus de 40 millions d’euros d’aide directe en 2024. Par cette résolution, le Sénat a demandé au gouvernement de maintenir cet effort, particulièrement important au regard de la dégradation des conditions sécuritaires et humanitaires en Haïti, mais aussi parce que le désengagement américain sur l’ensemble de la planète crée une incertitude qui nous appelle à prendre davantage nos responsabilités.
Sur le plan de la sécurité, la France a versé 8 millions d’euros en 2024 à la mission multinationale d’appui à la sécurité, et nous avons également organisé des sessions de formation pour la police nationale haïtienne et les forces armées d’Haïti. Sur le plan de l’aide au développement, ce sont 16 millions d’euros qui ont été versés en 2024, notamment pour financer un programme de cantines scolaires mis en œuvre dans 9 des 10 départements haïtiens. Il permet de fournir 80.000 repas chauds et de qualité chaque jour aux enfants, à partir de produits locaux. C’est là une action très concrète portée par la France et que je tiens à saluer.

Comment garantir que l’aide française ne tombe pas dans les circuits de corruption dénoncés en Haïti ?
Nous sommes très vigilants sur ce risque. Nous contrôlons directement les financements des formations. Certains projets, d’aide humanitaire notamment, sont mis en œuvre, soit directement par l’Ambassade, soit à travers des ONGs partenaires ou des organisations internationales (Programme Alimentaire Mondial, Organisation Internationale pour les Migrations), avec des procédures strictes de gestion des crédits. S’agissant des projets de développement de l’Agence Française de Développement, dont l’État haïtien est maître d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre, et donc la gestion des fonds, est généralement assurée par une structure partenaire (Expertise France ou ONG).
Quelle est la prochaine étape concernant « le projet du secrétaire général des Nations Unies pour sécuriser le financement de la mission multinationale d'appui à la sécurité » ?
Cette mission internationale, qui à ce jour n’a déployé que 1.000 policiers et militaires contre les 2.500 prévus, reste le meilleur outil dont dispose la communauté internationale pour accompagner la lutte contre les gangs, qui ne cessent de conquérir de nouveaux territoires et répandent la terreur. Il est donc essentiel de sécuriser son financement, tout en ayant à l’esprit que l’État haïtien doit aussi accroître son effort en matière de sécurité, car toute force internationale a vocation à n’être que transitoire.
Hélène Conway-Mouret : « Il faut désormais nous assurer que les autres membres du conseil de sécurité iront dans le même sens »
La prochaine étape sera de plaider pour que le conseil de sécurité des Nations Unies adopte la proposition du secrétaire général António Guterres, dont l’engagement en faveur d’Haïti doit être salué. Nous avons obtenu une réponse claire de Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, qui a tenu à être présent en personne pour le débat au Sénat sur la résolution, et qui a indiqué que la France soutiendrait la proposition du secrétaire général. Il faut désormais nous assurer que les autres membres du conseil de sécurité iront dans le même sens, c’est le travail qui mobilise nos diplomates dans les semaines à venir.
« Je veux apporter un message de soutien aux 1.000 ressortissants français qui vivent en Haïti, et saluer le travail de notre ambassadeur Antoine Michon et de son équipe », exprime la sénatrice Hélène Conway-Mouret.
Avez-vous un message particulier à nos lecteurs concernant la région Caraïbe ?
Je veux d’abord apporter un message de soutien aux 1.000 ressortissants français qui vivent en Haïti, et saluer le travail de notre ambassadeur Antoine Michon et de son équipe qui sont totalement mobilisés pour assurer la continuité des services diplomatiques et consulaires, en dépit de conditions matérielles extrêmement difficiles.
Je rappelle également que la France, par ses territoires d’outre-mer, est un pays Caribéen. À ce titre, nous partageons un destin commun, qui doit encourager notre coopération régionale. C’est à ce niveau-là que nous trouverons les leviers nécessaires pour lutter ensemble contre les trafics, contre les effets du changement climatique, mais aussi pour une meilleure intégration, des échanges plus fluides et une dynamique économique qui soit porteuse de progrès social pour tous.
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