S’expatrier n’est pas de tout repos tant les nouvelles difficultés à surmonter sont nombreuses. Lorsque le projet est entrepris à deux, il s’agit de trouver un équilibre au sein du couple, pour que chacun puisse s’épanouir dans cette expérience.
De nombreux Français s’expatrient en couple chaque année. Cette période, qui impose de s’éloigner des sentiers battus, est souvent synonyme de grands bouleversements. Nouveau lieu de vie, nouvel emploi, nouvelle culture, parfois nouvelle langue... Loin de tous ses repères, le couple doit trouver un équilibre nouveau dans cette vie qu’il découvre.
Si l’égalité au sein du couple dans la répartition des tâches s’est en moyenne amélioré depuis quelques années, l’expatriation peut parfois venir remettre en cause cet équilibre entre les conjoints. La charge mentale, ce qui peut se définir comme la prise en charge de la gestion du foyer, est aussi décuplée pendant cette période. Préparer l’expatriation tout en continuant à gérer la vie de famille sur place… l’un des conjoints se retrouve souvent le responsable de l’organisation du foyer. Si cette charge mentale ne peut être réduite, il s’agit plutôt de la répartir au mieux dans le couple.
Alix Carnot, directrice associée d’Expat Communication, et Corine Levet, présidente de la FIAFE, nous éclairent sur la répartition des charges dans le couple lors d’une expatriation.
Le travail, premier facteur de déséquilibre du couple en expatriation
Loin des schémas de vie traditionnels, l’expatriation est une période où les équilibres du couple sont bouleversés. C’est particulièrement dans le travail que la différence se ressent. En 2015 selon une étude d’Expat Communications, dans 90% des cas, c’est la femme qui suit son conjoint et seules 40% d’entre elles travaillent pendant leur séjour à l’étranger. « C’est celui qui a le plus de temps qui s’occupe des démarches pour l’expatriation » souligne Corine Levet, expliquant ainsi le fait que la gestion du foyer échoue généralement à la femme.
Cela reste un sacrifice
Emilie
Quitter son travail pour suivre son conjoint en expatriation est parfois mal vécu comme en témoigne Émilie qui a du arrêter de travailler : « C’est un choix assumé mais difficile à vivre. Cela reste un sacrifice ». Amélie, au contraire, a vécu ce changement comme « une aubaine pour quitter [sa] routine ». Prendre en charge le foyer peut alors parfois être fait avec beaucoup de plaisir. Corine Levet témoigne : « c'est assez valorisant de se dire que l’on prend en charge l'organisation pratique, les écoles, trouver une maison, choisir le bon quartier, vérifier que tout le monde est bien installé pour que le projet d'expatriation se passe bien ».
Mais ce schéma de la femme suivant son conjoint muté à l’étranger est « de moins en moins vrai » selon la présidente de la FIAFE, même s’il persiste toujours. « Maintenant, en général, les deux personnes du couple travaillent, la répartition se fait bien souvent de façon plus égale », explique-t-elle.
Selon Alix Carnot, le problème peut aussi se trouver dans une inégale répartition du travail. D’un côté, le « bouilleur de marmite », ou celui dont l’activité professionnelle permet de rémunérer le foyer. De l’autre, celui dont l’activité est un complément au revenu du conjoint, et peut donc sembler secondaire. « C’est un piège en terme de charge mentale. L’activité en complément va être considérée comme moins importante. Pourtant, cela ne demande pas forcément moins d’engagement ».
Dans le cas où les deux conjoints travaillent à part égale, « il y a autant de schémas qu’il y a de couples » explique Alix Carnot. Mais si beaucoup de situations sont plus égalitaires, force est de constater que l’inégale répartition de la charge peut persister. Laurence, expatriée avec son conjoint alors qu’aucun des deux ne poursuivait son activité à l’étranger, témoigne d’une « période de tension énorme » dans laquelle son compagnon « ne s’est pas rendu compte de l’ampleur du changement et de la tâche ».
La plupart des expatriés se débrouillent seuls face à ces démarches
Corine Levet, présidente de la FIAFE
Un grand changement de vie demande de grands investissements
Si le stress provoqué par un déménagement est toujours intense, celui d’un déménagement dans un nouveau pays est décuplé. Alors qu’auparavant les expatriés étaient envoyés par les entreprises françaises qui fournissait tout un package pour préparer l’expatriation, aujourd’hui la majorité se contente de contrats locaux. « La plupart des expatriés se débrouillent donc seuls face à ces démarches » explique Corine Levet. « Un déménagement dans un nouveau pays implique de trouver un appartement, une école, de s’occuper de toutes les démarches administratives... ». Et pour ajouter au stress de la situation, tout cela doit parfois être effectué dans une langue qui n’est pas maîtrisée.
Il y a tellement de boulot dans l’expatriation que même en faisant la moitié, on a l’impression d’être débordé
Alix Carnot, directrice associée Expat Communication
« Il y a tellement de boulot dans l’expatriation que même en faisant la moitié, on a l’impression d’être débordé », explique Alix Carnot. Elle, qui accompagne des couples qui s’expatrient pour la première fois, raconte recevoir « de jeunes couples qui sont en avalanche de charge mentale ». Un sentiment presque inévitable tant les changements à opérer sont importants, d’autant plus quand on doit cumuler son quotidien en France avec les préparations du départ : « Ces personnes ont alors la sensation de courir comme un hamster dans sa roue et que rien ne change ». Mais pour Alix Carnot, il ne faut pas s’inquiéter car il ne s’agit que d’une période transitoire, il faut juste veiller à ce que cette cette situation ne persiste pas une fois le couple bien installé.
Rétablir la communication du couple expatrié
« Parfois l’un des conjoints a l’impression de tout faire, mais ce n’est pas forcément le cas » estime Alix Carnot. Pour elle, retrouver l’équilibre au sein du couple passe forcément par la communication. La directrice associée d’Expat Communication conseille : « Une discussion sur la répartition des charges commence par un « merci pour ce que tu fais déjà », « pardon pour les fois où je te laisse faire » et termine par un « s’il te plaît, voilà ce dont j’ai besoin » ». Ces discussion régulières doivent être menées dans une ambiance de bienveillance. « Si on entre dans une logique comptable, c’est mort » appuie-t-elle. De son expérience, elle témoigne de l’importance d’être au point sur ces questions là : « Certains couples acceptent même que l’un des conjoints porte davantage la gestion du foyer pendant des périodes. Cela est bien accepté du moment que les discussions sur ce sujet sont bien menées ».
Corine Levet conclue plus durement : « Quand le couple n’est pas vraiment solide et se retrouve loin de ses repères, l’expatriation a tendance à mal se passer ». Pour cela, elle leur conseille de bien se renseigner sur le pays d’accueil avant de partir, mais surtout de rencontrer du monde et de sortir de chez soi dès l’arrivée afin d’échapper à la solitude qui peut frapper les nouveaux arrivants. Les accueils FIAFE à travers le monde peuvent être une bonne façon de rencontrer des couples qui ont vécu la même situation et ainsi de pouvoir échanger sur son expérience.