De nombreuses études sur les expatriés attestent du développement d’atouts liés à l’expérience de l’expatriation, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant. Parmi ces derniers, on retrouve notamment le développement d’une plus grande ouverture d’esprit, mais également une ouverture plus prononcée sur l’autre, sur les différences culturelles et sur le monde en général. L’expatriation peut également dans certains cas prendre la forme d’une quête identitaire. L’expatriation rend en effet possible une prise de recul sur ses valeurs profondes, mais aussi sur son pays natal, sur ses racines et ses origines.


Article écrit pour Expat Pro par Alexandra Milazzo*, neuropsychologue (diplôme EUROPSY), Sophrologue (diplôme RNCP).
Si les retours de nombreux expatriés et les recherches montrent un bénéfice de l’expatriation sur les individus et la famille, il existe néanmoins également des expériences dites « négatives », ce que certains chercheurs appellent « un échec d’expatriation ». Bien que le terme ne soit pas juste et trop réducteur, ce que les chercheurs entendent par « échec » est le fait de mettre fin plus tôt que prévu à l’expatriation, que ce soit pour motif de développement de troubles mentaux, de divorce etc. Cet article présente à partir d’une grande revue de littérature sur les familles expatriées, les facteurs qui favorisent une meilleure adaptation et qui réduisent de surcroît, les risques d’un « échec d’expatriation » * .
L’expatriation implique de grands changements à la fois rapides et multiples tels que quitter ses repères, sa famille et ses amis.
L'expatriation, une expérience familiale qui mobilise de grandes ressources
Lors d’une expatriation, même si elle est voulue par toute la famille et source d’émotions agréables dès le départ, il y a nécessairement un grand stress lié à une immense mobilisation d’énergie pour déménager en famille.
L’expatriation implique de grands changements à la fois rapides et multiples tels que quitter ses repères, sa famille et ses amis. Souvent l’uns des deux partenaires de la famille (lorsque le départ se fait en couple) doit quitter son travail, se couper de ses repères professionnels, abandonner ou modifier son statut social et économique et être le parent qui va devoir être le plus impliqué et disponible pour gérer l’adaptation des enfants, en plus de la sienne.
Le tout est rendu plus complexe puisque cette situation s’effectue dans un nouveau pays, dans lequel bien souvent, il est nécessaire d’apprendre une nouvelle langue, tout en étant loin de ses proches. De même, si jusqu’alors la famille s’était habituée à développer des modes de fonctionnement et des routines en lien avec le pays d’origine, ces routines sont nécessairement modifiées et devront être reconstruites dans le pays hôte, notamment si d’autres enfants naissent à cette période.
Les ajustements culturels et adaptatifs sont très exigeants et souvent plus importants chez le partenaire qui suit et qui ne retrouve pas un emploi ou doit en recréer un ou l’adapter dans le pays hôte. L’ensemble de ces éléments associés à l’adaptation à une culture différente affectent la famille dans sa globalité.
Pour faire face, les stratégies de coping...
En psychologie de la santé, les stratégies pour faire face s'appellent - en anglais - les stratégies de coping. Voici une liste de facteurs qui d’après les études vont rendre l’adaptation et la gestion du stress plus facile dans le cadre d’une expatriation en famille.

Quels facteurs protecteurs pour les expatriés ?
Les études montrent que plusieurs facteurs viennent faciliter les stratégies de coping en faveur d’une adaptation au stress et au changement lié à l’expatriation.
Facteurs individuels :
- Une confiance en soi élevée,
- Un niveau d’éducation élevé,
- Une bonne maîtrise de la langue parlée du pays hôte,
- La stabilité émotionnelle,
- La motivation à l’expatriation
- La vision positive du pays hôte,
- La participation active dans la décision de changer de pays,
- Une ou des expériences passées d’expatriation,
- Le sens de l’aventure,
- Une communication ouverte et une envie de socialiser en dehors de la famille
- Une bonne cohésion familiale
- Et ce que certains chercheurs appellent le trait de personnalité interculturel qui souvent provient de l’expérience de l’individu en tant qu’enfant et est très lié à l’ouverture d’esprit précitée.
Facteurs liés au pays hôte :
- Les écoles pour les enfants, éventuellement l’ouverture et les aménagements pédagogiques mis en place lorsque c’est nécessaire dans la nouvelle école
- Le soutien que la famille peut recevoir sur place au moyen d’associations par exemple ou de réseau à distance
- Les moyens mis en place par l’entreprise ou l’organisme à l’origine de l’expatriation
Le soutien des proches vient renforcer l'ensemble de ces facteurs protecteurs
Parmi tous ces facteurs relevant de facteurs propres aux individus, et de facteurs liés au pays hôte, le soutien des proches à distance est un puissant facteur facilitant la résilience. Il réduit le sentiment d’isolement et permet de faire face plus facilement au stress et aux imprévus qui n’avaient pas pu être anticipés.
De plus, si la cohésion familiale avant l’expatriation était déjà forte, il sera plus facile également de rester unis en tant que famille, et même de resserrer le lien grâce à l’expatriation. Le soutien entre partenaires est également essentiel.
Faire équipe avec le partenaire : un vrai challenge pendant l'expatriation
Lorsque la communication est rendue plus difficile et lorsque le temps de se retrouver en tant que couple et pas seulement parents est laissé de côté pour répondre au challenge l’expatriation, on peut rapidement tomber dans un cercle vicieux. Les enfants y sont souvent très sensibles, et peuvent y répondre en développant des troubles externalisés comme l’agitation ou l’opposition ou alors des troubles dits internalisés comme le développement de l’anxiété, de ruminations perturbant les apprentissages et le bien-être psychologique de l’enfant et donc toute la famille. La bonne nouvelle, c’est que ce sont des processus connus, et qu’il est possible d’avoir une aide professionnelle spécialisée pour toute la famille, avant que la situation ne prenne des proportions plus problématiques…
Aucun de ces facteurs seuls ne suffit à prédire une bonne ou mauvaise expérience d’expatriation

Quels sont les facteurs de risques d'une expatriation en famille ?
Voici les facteurs de risques, sur lesquels il est possible d’agir et sur lequel être vigilant avant l’expatriation pour faciliter le processus en amont et se donner plus de chances de rendre l’expérience d’expatriation riche pour toute la famille :
- Un manque de confiance en soi
- Une vision négative du pays hôte
- Le fait de ne pas maitriser la langue du pays hôte
- Une mauvaise cohésion familiale avant le départ (l’expatriation peut alors être le déclencheur d’un divorce ou de troubles mentaux telle qu’une dépression)
- Un manque de soutien familial et de proches lors du départ
- Un accueil et des moyens d’aider les expatriés trop faible dans le pays hôte
- Une décision d’expatriation qui n’est pas voulue par les deux partenaires lorsque le départ se fait en couple
- Un faible intérêt pour le voyage, la découverte d’autres cultures, langues etc
- Des difficultés de communication
- Le manque d’expérience d’expatriation ou de voyages
- Un manque de préparation ou une préparation insuffisante avant le départ à l’étranger
Aucun de ces facteurs seuls ne suffit à prédire une bonne ou mauvaise expérience d’expatriation mais s’ils sont conjoints et associés à un soutien des proches faible et à une cohésion familiale déjà faible au moment du départ, c’est un facteur de risque de générer des troubles mentaux, un divorce, rupture ou retour prématuré.
Maintenir le lien avec ses proches même à distance, un facteur essentiel pour faciliter le coping dans toute situation.

Quels sont les meilleurs conseils pour réussir son expatriation en famille ?
Pour résumer, si l’expérience d’expatriation peut renforcer le lien familial et amener à une ouverture vers le monde et les autres sans égal, elle peut aussi être un pari risqué et déclencher une cassure ou de l’avènement de troubles psychiques. C’est la raison pour laquelle il existe des réseaux et professionnels experts en expatriation pour accompagner les expatriés dans chaque étape.
Il est recommandé de se préparer avant le départ au niveau des démarches administratives, de l’information mais aussi en exprimant ses ressentis en tant que famille. Il est important que tous les membres de la famille puissent s’exprimer ouvertement sans craindre de décevoir ou d’être jugé. De cette façon, la famille peut renforcer son lien, être plus forte et plus à même de s’épanouir de sorte à aller ensemble vers une même direction.
Je crois profondément que l’expatriation, comme le voyage laborieux d’autrefois, est à la fois une fuite et une quête.
On peut faire appel à une aide professionnelle en amont si dès le départ, l’uns ou plusieurs membres de la famille sont en difficulté pour s’exprimer pleinement. Un autre conseil est de maintenir le lien avec ses proches même à distance, un facteur essentiel pour faciliter le coping dans toute situation. En cas de besoin d’un suivi familial ou individuel, il arrive qu’un accompagnement non spécialisé puisse aggraver un sentiment d’isolement, ou encore le sentiment de ne pas être compris ou « étranger ». Ainsi, il est conseillé de rechercher un accompagnement spécialisé dans sa langue maternelle, de sorte à faciliter l’expression émotionnelle et reprendre confiance en ses ressources, en tant que parent, enfant et famille, et profiter pleinement en famille de l’expatriation.
Pour conclure cet article, je reprends une citation du romancier expatrié Paul Theroux lorsqu’il s’exprimait pour le New York Times : « Je crois profondément que l’expatriation, comme le voyage laborieux d’autrefois, est à la fois une fuite et une quête. C’est à la fois le désir de quitter son foyer et la passion de trouver quelque chose de nouveau, de prendre des risques et de découvrir qui l’on est dans un paysage et une culture différents. »
*Alexandra Milazzo : Maman de trois enfants et expatriée en Suède, elle a vécu dans trois pays et accompagne depuis près de 10 ans des expatriés anglophones et francophones. Elle offre ses services en ligne en français, anglais, suédois et italien accompagnant, adultes, parents, familles et enfants. Elle est membre du comité de rédaction / lecture d’Enfances&PSY, référente HPI et TDAH pour la Zébrelle, membre experte psychologue du réseau ExpatPro et auteure d’une vingtaine de travaux et articles publiés.
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