La protection sociale des Français établis hors de France est un enjeu majeur souvent méconnu. Face à des dispositifs complexes et des budgets sous pression, une consultation de 6 mois s’organise. Elle se nomme “Assises de la Protection Sociale des Français de l’Étranger”. Florian Bohême, président de la commission de la Sécurité sociale et de la Protection sociale de l’Assemblée des Français de l’étranger, explique les raisons et les objectifs de cette consultation inédite, participative et impactante, pour repenser l’accès aux aides, aux bourses scolaires et à la Caisse des Français de l’étranger.


La protection sociale des Français de l’étranger est au cœur des politiques publiques. Avec ces Assises, elle sera pendant 7 mois au cœur de la vie démocratique des Français de l’étranger.
Quelles sont les raisons principales qui ont motivé l’organisation des Assises de la Protection Sociale ?
En 2023, avec plus de 130 Conseillères et Conseillers des Français de l’étranger nous avons tiré la sonnette d’alarme, à travers une tribune dans le média Lepetitjournal.com, sur l’importance de clarifier les dispositifs et les moyens dédiés à la protection sociale des Français de l’étranger. La protection sociale et l’éducation sont les deux piliers d’une expatriation réussie pour nos compatriotes et méritent toute l’attention de leurs représentants. En trente ans, le budget de l’action extérieure de la France a fondu de 50%. La protection sociale des Français de l’étranger repose sur des dispositifs parfois vieillissants, des budgets sous tension et un accès souvent complexe. Ces Assises doivent permettre d’analyser la situation, la rationaliser parfois et recueillir les attentes afin de proposer des solutions adaptées et impactantes.
La protection sociale des Français de l’étranger est au cœur des politiques publiques. Avec ces Assises, elle sera pendant 7 mois au cœur de la vie démocratique des Français de l’étranger.
42ᵉ session de l’AFE, focus sur la protection sociale des expatriés
Les Assises se déroulent du 10 mars au 10 octobre 2025, en suivant un format inspiré du Grand Débat National.

Comment vont s’organiser concrètement ces Assises ?
Ces Assises sont organisées par l’Assemblée des Français de l’étranger à la demande du Gouvernement via le Ministre des Français de l’étranger et ce conformément à la loi de juillet 2013 sur la représentation démocratique des Français établis hors de France.
Le Gouvernement a fixé les trois thèmes qui seront couverts par les Assises : dispositifs d’aides sociales directes et indirectes, bourses scolaires et bourses AESH relatives au handicap, et fonctionnement de la Caisse des Français de l’étranger et de sa catégorie aidée.
Nous avons demandé et obtenu le soutien de la Commission Nationale du Débat Public, ce qui permettra d’avoir une garantie de transparence et d’indépendance des travaux menés. A cela, nous y ajoutons un Collège d’Experts qui accompagnera les Assises pour garantir la qualité et la pertinence des recommandations.
Les Assises se déroulent du 10 mars au 10 octobre 2025, en suivant un format inspiré du Grand Débat National. Elles s'articulent autour de trois grandes phases :
- Une phase 1 d’état des lieux en mars / avril
- Une phase 2 de consultations citoyennes partout dans le monde jusqu'à fin septembre
- Une phase 3 de concertation pour établir les recommandations en octobre 2025

Comment les Français de l’étranger peuvent-ils contribuer activement à ces Assises et faire entendre leur voix ?
Je le dis ici et le redirai tout au long des Assises, chaque française et chaque français de l’étranger qui le souhaite peut contribuer à la réussite des Assises en faisant part de ses préoccupations, de ses recommandations.
Les Français établis hors de France sont au cœur de cette démarche et plusieurs moyens leur permettront de participer activement :
- Déposer des contributions citoyennes via une plateforme en ligne ouverte sur le site Internet de l’Assemblée des Français de l’étranger
- Participer aux événements locaux organisés par les élus et partenaires dans plusieurs pays.
- Suivre les débats en ligne et poser leurs questions lors des retransmissions sur YouTube.
Chaque voix compte pour orienter les réflexions et proposer des solutions adaptées aux réalités du terrain.
L’objectif est de formuler des recommandations concrètes, réunies dans un livre blanc et adressées aux décideurs publics.
Quels sont les objectifs que vous espérez atteindre à l’issue de ces six mois de consultation ?
L’objectif est de formuler des recommandations concrètes, réunies dans un livre blanc et adressées aux décideurs publics. Malgré les contraintes budgétaires que tout le monde a en tête, les Assises devront proposer des solutions réalistes, tout en ouvrant la réflexion sur de nouveaux dispositifs et des réformes à long terme.
Il faut penser à des recommandations qui poseront les bases d’une politique de protection sociale durable pour les Français de l’étranger, avec un suivi au-delà des Assises et du Gouvernement actuel.
Parmi les priorités - et ce sera naturellement aux citoyennes et citoyens de donner leur avis - je note notamment :
- Un accès simplifié aux aides sociales directes, pour les publics en grande précarité.
- Un dispositif de bourses scolaires plus équitable, notamment pour les classes moyennes.
- Une CFE plus attractive et accessible, en corrigeant les effets négatifs de la réforme de 2019.

Quels constats ont motivé la nécessité de revoir les dispositifs d’aides sociales pour les Français de l’étranger ?
Certaines aides sociales directes destinées aux Français en difficulté n’ont pas été réformées depuis leur création, parfois remontant aux années 1980, alors que les besoins ont considérablement évolué. Un rapport de la Cour des comptes souligne que la demande d’aides augmente, mais que les démarches administratives restent un obstacle : sur un échantillon de 57 dossiers étudiés dans dix consulats, aucun n’était complet. Cela démontre probablement la lourdeur des demandes.
L’état des lieux des Assises devra évaluer le non-recours aux aides sociales et identifier les freins empêchant certains Français de l’étranger d’en bénéficier. Un équilibre doit être trouvé entre les contrôles nécessaires et la simplification des procédures, afin de garantir un accès plus efficace aux dispositifs, notamment pour les publics en précarité.
Il est également essentiel de s’assurer que ces aides couvrent bien les besoins réels, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. En plus d’identifier le profil des bénéficiaires actuels, il faudra aussi analyser les publics exclus et proposer des réformes adaptées pour moderniser et rendre plus accessible l’ensemble des dispositifs. Cette démarche devra aussi s’appliquer aux bourses scolaires et à la Caisse des Français de l’étranger, afin d’améliorer globalement la protection sociale des Français établis hors de France.
Ces Assises doivent permettre aux Français de l’étranger de dire quelle caisse nous voulons pour les 40 prochaines années.
Certains Français établis hors de France jugent la CFE coûteuse et peu adaptée à leurs besoins. Comment ces Assises pourraient-elles répondre à ces critiques ?
Dans sa lettre de saisine, le gouvernement nous demande de permettre à la CFE d'assurer pleinement sa mission de service public de couverture des risques des assurés résidant à l'étranger, tout en ayant obligation d’avoir un budget à l’équilibre.
Chacun fera les propositions qu’il souhaite, mais il est important de se rappeler que la CFE est bien plus qu’une assurance santé. Une fois dit cela, il faut cependant que la CFE soit en capacité de se démarquer dans ce secteur ultra-concurrentiel. Cela passe probablement par un soutien financier et renouvelé de l’Etat au même titre que d’autres caisses de sécurité sociale. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Ces Assises doivent être l’occasion d’analyser le fonctionnement de la CFE, de faire le bilan de la dernière réforme de 2018 et notamment des fameux contrats EX. Ce dispositif pose aujourd’hui un problème de déficit à la Caisse mais au final ce sont les adhérents concernés par ces contrats qui sont les plus pénalisés en se voyant retirer le droit au tiers payant.
Ces Assises doivent permettre aux Français de l’étranger de dire quelle caisse nous voulons pour les 40 prochaines années. Pour répondre à votre question, oui s’assurer lorsque l’on est Français à l’étranger à un coût. J’habite en Asie du Sud-Est et je peux vous dire que ce coût est beaucoup plus élevé lorsque vous vous retrouvez hospitalisé sans aucune assurance.

Qu’est-ce qui garantit que ces Assises auront un impact réel ?
Pour être très honnête, ces Assises sont une première pour les Français de l’étranger, et leur réussite dépendra avant tout de la mobilisation citoyenne. Plus les contributions seront nombreuses, plus les propositions seront légitimes et entendues.
L’impact réel se mesurera aussi aux actions concrètes qui en découleront. Le Gouvernement devra prendre ses responsabilités pour simplifier les démarches et adapter les dispositifs tout en étant conscient que les finances actuelles ne sont pas à la hauteur des enjeux, tandis que les parlementaires auront eux un rôle législatif clé pour défendre des réformes durables et obtenir des financements adaptés.
Mais au-delà des décisions politiques, ces Assises ont un enjeu fondamental : rendre visible la précarité souvent ignorée dans nos communautés. De nombreux Français à l’étranger renoncent aux aides faute d’information ou par découragement face à la complexité administrative. Ces Assises doivent leur permettre de se faire entendre et d’accéder aux droits auxquels ils peuvent prétendre.
Si nous parvenons à mieux informer et protéger les 3,5 millions de Français de l’étranger, alors ces Assises auront déjà accompli une avancée essentielle. Pour participer et suivre les Assises de la protection sociale des Français de l’étranger :
- Depuis le site Internet de l’Assemblée des Français de l’étranger
- Depuis la chaîne Youtube de l’Assemblée des Français de l’étranger
- En sollicitant directement vos Conseillers des Français de l’étranger ou vos associations représentatives.