Sans attendre l'examen des articles, Élisabeth Borne est venue mettre fin au suspense mercredi à l'Assemblée en dégainant le 49.3 sur la partie "recettes" du budget 2024, dès le deuxième jour des débats, LFI et le RN annonçant des motions de censure en retour.
"Aucun groupe d'opposition n’est prêt à voter ce projet de loi de finances. Or, notre pays a besoin de ce budget", a argué la Première ministre, en défendant un texte "de responsabilité", avec "16 milliards d'euros d'économies", et des investissements pour "accélérer la transition écologique".
Il s'agit du treizième 49.3 pour Élisabeth Borne, qui devrait y recourir au total une dizaine de fois d'ici la fin de l'année, notamment pour faire passer sans vote les budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale.
L'année dernière, la cheffe du gouvernement avait laissé les débats se tenir une semaine dans l'hémicycle. Pas cette fois.
Le 49.3 vient les interrompre avant même l'examen de l'article liminaire, qui inscrit notamment dans la loi la prévision de déficit public à 4,4% du PIB en 2024. Il avait été rejeté en commission tout comme l'ensemble de ce volet recettes.
En réaction, le groupe LFI a aussitôt annoncé déposer une motion de censure, qui devrait recueillir les signatures de députés communistes et écologistes. La députée PS Christine Pirès Beaune a indiqué que son groupe ne la signera pas, mais qu'il la votera.
Le RN a aussi déposé la sienne, dénonçant une "absence totale de respect pour le débat" au Parlement. Marine Le Pen a appelé Les Républicains à la voter, faute de quoi leur opposition "est stérile", ne sert à rien", "ne vaut rien".
Ces motions seront discutées vendredi à 21H30 et donneront lieu à une discussion commune.
La Première ministre et son gouvernement ont toujours échappé à la censure jusqu'ici, et ces nouvelles motions n'ont quasiment aucune chance de faire mieux tant que Les Républicains ne s'y associent pas.
Les quelque 5.000 amendements déposés ne seront donc pas examinés dans l'hémicycle. Et les regards se tournent désormais vers le texte déposé par le gouvernement, qui pouvait choisir à sa guise les amendements proposés par les parlementaires.
- "Majorité de chimères" -
Le texte final "est différent" du projet initial, a souligné le ministre du Budget Thomas Cazenave. "Nous avons retenu plus de 300 amendements" contre 120 l'an dernier, "de la majorité mais aussi des oppositions".
Ces dernières ont déploré que quasiment rien n'ait été retenu des travaux effectués en commission. "Ils ajoutent a la méthode du 49.3 une méthode de fermeture du débat, une méthode de passage en force", a regretté Eric Coquerel (LFI).
Le rapporteur du Budget Jean-René Cazeneuve a, lui, pointé les aspiration contraires des uns et des autres. "C'est une majorité de chimères, ceux qui sont pour plus de dépenses publiques, et ceux qui sont pour moins de dépenses publiques, votent ensemble. Quelle cohérence vis-à-vis des Français ?", s'est-il interrogé.
Les députés de gauche réclamaient notamment des taxes sur les superprofits, les superdividendes des entreprises, ou encore des contributions exceptionnelles sur les hauts patrimoines pour financer la transition écologique.
La droite souhaitait, elle, réduire les dépenses en baissant de 6 milliards le montant de l'indemnisation du chômage.
Le sujet du logement, une "bombe sociale" selon nombre d'élus, a cristallisé une partie des débats.
Le gouvernement a apporté son soutien au passage de 71% à 50% de l'abattement sur les revenus des meublés touristiques (type Airbnb) en zone tendue, qui favorise la location de courte durée. Insuffisant pour une partie des élus des oppositions comme de la majorité, qui reviendront à la charge d'ici l'adoption définitive du projet de loi en décembre.
Le MoDem, certains Renaissance et les oppositions n'ont pas non plus réussi à empêcher le gouvernement de recentrer dans les "zones tendues" le dispositif du "prêt à taux zéro" pour le logement neuf.
L'exécutif souhaitait un milliard d'euros d'économies supplémentaires, au-delà des quelque 16 milliards déjà prévus. Les amendements retenus permettent une amélioration du solde budgétaire de 278 millions d'euros, mais des économies peuvent encore être trouvées sur le volet "dépenses" du budget, qui sera examiné à partir du 31 octobre dans l'hémicycle.
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