Édition internationale

Le nouvel ouvrage de l’écrivaine Yamouna David : Les états d’âme du caméléon

Yamouna David est née à Pondichéry avant d’aller étudier en Angleterre et en France. Elle a été avocate à Paris pendant vingt ans, puis directrice de la formation permanente des avocats pour le Centre Sud de la France pendant dix ans.

Les Etats d'ames du cameleonLes Etats d'ames du cameleon
Écrit par Anaïs Pourtau
Publié le 22 avril 2025

 

Par ailleurs, elle a contribué à la création de l’Observatoire international du bonheur (OIB), dont l’objectif est de favoriser l’émergence et la mise en œuvre d’un nouveau paradigme éthique mondial, grâce aux outils du droit.

 

Racontez-nous comment, d’avocate, vous êtes devenue écrivaine.

Madame Yamouna David a bien voulu nous raconter en quoi la littérature et l’amour des mots font partie de sa vie.

Mes parents, pour faire vivre leur couple et élever leurs enfants, ont dû faire des arbitrages constants.

Yamouna est née dans une famille binationale : sa mère est française et professeure de littérature française, son père est tamoul et magistrat. Le juge David est une figure connue et reconnue de Pondichéry.

Elle a d’abord été bercée par le tamoul, langue et voix de la vie quotidienne, comme le Suprabhatam matinal (hymnes récités tôt le matin pour éveiller les divinités hindoues), alors que la langue de sa mère, le français, ne l’a invitée que plus tard, lors de son entrée à l’école française, dans le monde de la pensée conceptuelle et des ailleurs, nous confie-t-elle.

Lorsque j’arrive à voler du temps, j’écris.

Jeune, je me suis rendu compte de l’importance des mots, puis j’ai pris plaisir à l’écriture juridique, qui demande une grande exigence d’exactitude.

Mes deux parents ont écrit des livres : mon père, en français, en anglais et en tamoul, a publié des ouvrages de droit indien, et son dernier livre, nous l’avons écrit ensemble. Ensuite, il a écrit des contes et légendes indiens (deux tomes) ainsi que des livres sur la culture tamoule.

Ma mère avait un style d’écriture que j’aimais beaucoup. Lorsque nous sommes partis (nous sommes quatre enfants) pour faire nos études ailleurs, elle nous écrivait toutes les semaines sur une vieille machine à écrire pour nous raconter les petites choses et les petits riens de la vie.

Ensuite, elle a eu un grave accident de la route. Elle n’a pas pu revenir à l’écriture, et cela a représenté un grand manque pour moi. Lorsque je suis revenue m’ancrer à Pondichéry, j’ai eu envie de raconter ces moments, comme le faisait ma mère, et ces textes sont devenus des chroniques, mon premier livre.

En parallèle, j’ai écrit le script d’un scénario de film et, pour que mon histoire ne soit pas dénaturée, j’ai écrit un roman à partir de ce script — l’inverse de ce qui se fait habituellement. Il est maintenant terminé et en quête d’un éditeur.

Je me suis régalée à écrire ces nouvelles. La biculturalité y est très présente, et j’ai vraiment attrapé le virus de l’écriture.

 

Bibliographie :
Les états d’âme du caméléon, paru en 2025, Éditions Le Lys Bleu
Bonheur impromptu. Chroniques : Paris-Madras 8h55, paru en 2022, Éditions L’Harmattan
Manuel de droit indien, David Annoussamy avec le concours de Yamouna David, paru en 2016, Société de législation comparée.

 

« En tant qu’avocat, on est toujours interprète. »

Yamouna David cherche les mots justes, ceux qu’elle prête à un autre pour dire quelque chose de sa vérité :

« L’avocat, c’est la parole certes, mais c’est surtout l’écrit méconnu, fondement d’un procès bien mené. Ayant passé ma carrière à écrire des phrases ciselées au scalpel du mot juste et de la stratégie, afin que l’œuvre de justice puisse s’exercer avec la connaissance la plus précise du litige à trancher… »

L’écriture romanesque semble alors être, pour Yamouna, une échappée belle, qui lui permet de s’envoler au-delà du factuel et de donner corps à l’imaginaire, peut-être même à s’attarder sur la beauté de l’environnement.

Elle utilise, pour parler de son état de voyageuse entre deux continents, cette très jolie formule de « transhumante », qui résonne, et pour cause, à mes oreilles d’habituée des valises.

Cette expression ne nous fait-elle pas penser aux troupeaux de moutons ou de vaches qui, lentement, en tintinnabulant, font deux fois par an la transhumance, de leur quartier d’hiver à leur quartier d’été, de la vallée aux alpages ?

Alors, ces nouvelles ne racontent-elles pas des chemins de vie, des petites épopées, comme ces migrations qu’accomplit Yamouna entre ses deux pays et ses deux cultures, et qui deviennent pour nous un trait d’union entre Pondichéry et la France, entre le français et le tamoul ?

 

« Je danse en tamoul et j’écris en français »

Nous discutons langue et écriture, et nous convenons que, si dans la langue est inscrite pour chacun sa culture, le biculturalisme offre un choix d’expressions pour dire un fait, une émotion. Ce que chacun en fait est singulier, lié à sa part d’inconscient, bien sûr.

Pour Yamouna, le tamoul est sa langue émotionnelle première, sa langue des sensations : celle de la vie quotidienne, des couleurs, des odeurs, des sonorités — comme celles des bangles, ces bracelets qui accompagnent les gestes des femmes indiennes en tintant les uns contre les autres.

Ce sont les sensations, les vibrations, les rythmes qui font penser justement à la danse bharatanatyam, qu’elle a apprise, et dont nous rappelons que chaque geste, chaque position du corps, est précisément et immuablement codé.

Mais voilà, le tamoul n’est pas la langue de son écriture. Elle choisit la langue française, dans laquelle elle trouve la poésie qui lui permet d’écrire ses histoires.

Écrire en français, c’est pour elle l’évidence de l’aisance dans l’expression, et le lecteur peut apprécier, tout au long de ses ouvrages, la justesse des mots et des formules qui font sonner la poésie.

À chaque page, le lecteur ressent cet amour du mot choisi et la liberté qu’il offre de raconter des histoires — histoires constitutives des croyances et des mythes fondateurs de nos cultures humaines.

Voilà des nouvelles qui se déplacent librement et sans frontières entre les provinces françaises et le Tamil Nadu, toutes teintées de couleurs indiennes.

Yamouna nous dit qu’elle aimerait aussi offrir à ses lecteurs tamouls un regard plus vrai sur la France que la seule image de la célèbre Tour Eiffel.

Car, tout comme le Tamil Nadu et l’Inde, les provinces françaises ont elles aussi des expressions, des patois ou des langues transmises oralement dans les familles, et que l’on retrouve dans les mythes et légendes que racontent les « lieux-dits » — comme ce pont maudit de Saint-Guilhem-le-Désert dans la nouvelle Le secret de l’ermitage, où l’on croise, comme une évidence, Ganesh et sa mère Parvati.

Bien sûr, ces deux-là aussi, bien qu’hindous, racontent les histoires et tribulations de notre même humanité.

Dans la première nouvelle qui donne son titre au recueil, Les états d’âme du caméléon, nous lisons cette tirade amusante adressée au caméléon :

« …d’un œil, regarde toujours devant, ce qui vient à toi, et de l’autre, observe, impavide, le passé, car c’est lui ton guide. Le destin peut changer à chaque instant, comme la couleur de notre peau. »

En la lisant, n’est-ce pas tout un univers qui s’ouvre à nous ?

 

« Je ne me suis jamais posé la question des deux cultures. C’est une non-question. »

« J’ai été invitée par l’Alliance française de Pondichéry, et l’on m’a demandé de participer au deuxième salon de littérature de l’imaginaire, en février 2025. Je me suis retrouvée à écrire, avec des auteurs chevronnés de fantasy, en forme de “cadavre exquis” (chaque participant écrit à tour de rôle une partie de phrase sans savoir ce que le précédent a écrit).

Nous avons animé des ateliers d’écriture pendant trois jours, dont les textes seront publiés. J’ai trouvé un vrai bonheur à écrire ! Lorsque je me laisse aller sans me poser de questions, les mots arrivent, ça coule, et c’est un vrai bonheur.

Je commence un nouveau recueil dans le domaine de la fantasy, à la limite de la science-fiction, et j’ai aussi commencé à écrire d’autres nouvelles.
Ma langue émotionnelle profonde est le tamoul.
La recherche du poétique dans la langue, ce quelque chose qui parle à mon âme, je ne le trouve que dans le tamoul ou le français.
Ce recueil de nouvelles pourrait plaire à un public indien, s’il est un jour traduit, pour qu’il puisse découvrir une France plus authentique.

J’ai commencé à raconter mes nouvelles à un jeune homme tamoul, lui-même artiste. Il a un amour des lettres en tamoul. Je lui raconte mes histoires, qu’il écrit et réinterprète en tamoul. C’est une expérience intéressante : il y ajoute sa sensibilité toute tamoule. Peut-être pourrons-nous en faire un jour une publication, dont il sera l’auteur, inspiré des États d’âme du caméléon.

On ne peut pas dire les mêmes choses en français et en tamoul. J’ai appris les deux langues simultanément. Par exemple, il est plus facile d’être gentil avec des mots tamouls qu’avec des mots français. Chacun a un rapport différent à sa langue.

"Mon père dit qu’il n’a vraiment compris le français qu’en classe de 4e, lorsqu’un voile s’est levé."

On peut penser qu’alors, la langue française est devenue la sienne – et quelle adoption, lorsqu’on voit sa contribution à la littérature !

Nous vous conseillons de prendre le temps de découvrir la belle écriture de Yamouna David, son style riche et très personnel, inspiré de sa double culture. Ses ouvrages,notamment, Les états d’âme du caméléon, sont des nouvelles en forme de kaléidoscope. Elles chantent selon la lumière et changent alors d’aspect. Un bien beau voyage en littérature.

Le 24 avril 2025 sortira un nouveau recueil : Madras - Paris 10h20, aux éditions L'Harmattan.

 

Yamouna David

 

Nous remercions chaleureusement Yamouna David pour ce moment partagé.

 

 

 

 

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