Elle a fait de l’écriture une arme et de la liberté des femmes un combat. Figure incontournable du féminisme turc, Halide Edip s’est imposée comme une voix forte pour l’éducation et l’émancipation des femmes. À l’occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, retour sur le parcours inspirant de cette pionnière qui a marqué l’histoire de la Turquie.


Halide Edip Adıvar, l’une des premières féministes turques
Pour célébrer la semaine de mars consacrée aux droits des femmes, on peut évoquer la figure emblématique d’Halide Edip Adıvar (1884.1964), féministe, romancière et héroïne de la Guerre d’indépendance turque.
Une intellectuelle d’avant-garde
Auteure d’une œuvre considérable, vingt et un romans mais aussi des nouvelles, essais, articles et pièces de théâtre, elle est connue pour ses idées modernes dont ses écrits constituent l’illustration. Éduquée au Collège américain d’Üsküdar, à Istanbul, férue de littérature turque et étrangère, elle est l’une des premières femmes ottomanes à avoir obtenu le Baccalauréat.

Une féministe
Elle traduit d’ailleurs, en 1897, le roman de Jacob Abbott, La Mère, ce qui lui vaut d’être décorée par le sultan Abdülhamid. Elle épouse ensuite son ancien professeur de mathématiques, Salih Zeki Bey, dont elle aura deux fils. Mais elle sera aussi la première femme ottomane à demander le divorce, ce qui constitue une révolution, puisque seules les membres de la dynastie ottomane avaient le droit de le faire…

Très vite connue pour ses articles dans les journaux et revues, en particulier dans la revue Tanin de Tevfik Fikret, Halide Edip suscite souvent le scandale par ses idées, surtout lorsqu’elle publie, en 1910, son premier roman, Seviye Talip, racontant l’histoire d’une femme ayant le courage de quitter son époux.
Elle est aussi la première femme inscrite dans les « Foyers turcs » nationalistes et fonde une organisation féministe, même si le mot « féministe » n’est pas à prendre au sens européen. En effet, le féminisme turc prônait à cette époque l’égalité entre femmes et hommes tout en conservant certains aspects de la tradition. Il était représenté dès la fin du XIXe siècle, par celle que l’on considère comme la première écrivaine turque, Fatma Aliye Topuz (1862-1936), qui écrivait entre 1895 et 1906, dans le fameux « Journal des femmes », réclamant déjà les réformes que réalisera plus tard Atatürk.
Aux côtés de Mustafa Kemal
Devenue professeur de littérature, Halide Edip se remarie en 1917 avec Adnan Adıvar, un professeur en médecine. C’est lors de l’occupation de Constantinople par les Français, Anglais et Italiens, qu’elle se lance dans la politique et va jouer un grand rôle dans la Guerre d’Indépendance turque.

Elle provoque une fois de plus l’étonnement en étant l’une des premières femmes à prendre la parole dans des meetings exhortant les Turcs à reconquérir leur souveraineté, ce qui lui vaudra, en même temps que Mustafa Kemal, d’être condamnée à mort par contumace par les tribunaux du sultan.

Obligée de s’enfuir avec son époux, elle rejoint alors l’armée clandestine de Mustafa Kemal en Anatolie et y occupe un poste avec le grade de « sergent ».
La période de la Guerre d’Indépendance (1919 - 1922), lui inspirera d’ailleurs deux grands romans, La chemise de feu, en 1922 et Douleur au cœur, en 1924.
Les dissensions avec Atatürk
Cependant, après la fondation de la république turque, Halide Edip Adıvar se brouille avec Mustafa Kemal, qu’elle accuse d’autoritarisme et à qui elle reproche de ne pas donner tout de suite, cela se fera en 1934, le droit de vote aux femmes. Elle choisit alors de s’exiler avec son époux en Angleterre, puis en France, où elle passera dix ans. À la mort d’Atatürk, Halide Edip Adıvar fera une déclaration officielle exprimant sa tristesse et expliquant que même si elle avait eu des mésententes personnelles avec lui, elle lui était toujours reconnaissante d’avoir sauvé son pays.
L’œuvre littéraire
De retour en Turquie en 1939, elle occupe la chaire de littérature anglaise de l’Université d’Istanbul et passe le reste de sa vie à écrire des romans ou publier dans les journaux, donnant aussi des conférences en Indes et aux Etats-Unis. Elle a d’ailleurs publié en anglais son autobiographie, Memoirs of Halide Edip, où elle explique son engagement politique, avant de devenir députée à l’Assemblée nationale turque durant quatre ans.
Ses romans les plus célèbres sont : Rue de l’épicerie aux mouches ( Sinekli Bakkal), dans lequel elle raconte l’histoire de Rabia, fille d’un forain animateur de spectacles populaires, qui s’oppose au traditionalisme de son grand-père. Puis, La maison aux glycines, où elle évoque son enfance. Quant au roman La Chemise de feu (Atesten Gömlek), il est considéré comme l’un des récits phares de la Guerre d’Indépendance turque. La condition des femmes et le contexte historique constituent donc les thèmes récurrents de l’œuvre d’Halide Edip Adıvar, l’écrivaine turque la plus célèbre de la première moitié du XXe siècle.
