Édition internationale

Rosalie Mann : “Pour décarboner notre société, il faut d'abord la déplastifier”

Rosalie Mann, présidente fondatrice de la No More Plastic Foundation et autrice du livre No More Plastic, fait actuellement sensation avec son combat contre la prolifération du plastique. Nous l’avons rencontrée lors de la Night of Ideas à l’Institut Français du Royaume-Uni. L’enjeu pour l’activiste est simple : dénoncer la prolifération du plastique et ses conséquences dramatiques sur notre environnement et notre santé : “Nous vivons à l'ère du plastique bien plus qu'à l'ère du numérique, et si nous voulons décarboner notre société, il faut d'abord la déplastifier."

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Rosalie Mann, autrice du livre No More Plastic
Écrit par Ewan Petris
Publié le 25 avril 2025, mis à jour le 30 avril 2025

Comment vous décririez-vous en trois mots ?

Je dirais 'atypique', car je pense et agis toujours différemment des autres. 'Déterminée', parce qu’une fois un objectif fixé, il n’est plus question de revenir en arrière. Et enfin, 'méticuleuse', car j’essaie d’analyser les situations sous tous les angles, cherchant à comprendre l’ensemble, pas juste une partie.
 

Le livre No More Plastic repose sur sept ans de recherches. Qu’est-ce qui vous a poussée à l’écrire ?

Tout a commencé avec mon fils, né asthmatique. Sa condition s’aggravait, et nous avons passé plusieurs nuits aux urgences. Un jour, un médecin m’a dit : "Tout cela est normal, c'est dû à la pollution”. Cette phrase a été un choc brutal. La pollution plastique m’a alors interpellée. 

En enquêtant, j’ai découvert une réalité effrayante : tous les enfants naissent pré-pollués, et nous vivons dans un monde saturé de microparticules de plastique. La santé publique, le climat, l’économie, tout est touché. La pollution plastique n’est pas un simple problème environnemental, mais un problème systémique et de santé publique.

 

Night of Ideas, Rosalie Mann

 

Quel est l'impact sanitaire de cette pollution invisible ?

Il faut comprendre que les microparticules de plastique sont présentes partout : dans le sang, les poumons, le sperme, la salive, même dans le placenta des femmes enceintes. Les conséquences sont catastrophiques. Je veux évoquer par là : augmentation des cancers chez les moins de 50 ans, maladies cardiovasculaires, Alzheimer, Crohn, endométriose, obésité, infertilité… 

Dans un pays comme la France, où le principe de précaution est censé protéger la population, il est incompréhensible que les autorités préfèrent promouvoir le recyclage plutôt que de réduire la production de plastique. Le recyclage du plastique n’est qu’un mirage, et il est souvent plus toxique que la matière originale.

 

Ce n’est pas la technologie qui manque, mais la volonté politique et industrielle de changer.

 

Est-il possible de réduire la production de plastique ? Et si oui, comment ?

Il est non seulement possible, mais impératif de réduire de 50 % la production de plastique, et ce dans deux secteurs cruciaux : les emballages et le textile. Ces deux secteurs représentent plus de la moitié des 460 millions de tonnes de plastique produites chaque année.

Les emballages plastiques sont majoritairement inutiles, et des alternatives existent déjà : mycélium, verre incassable, matériaux biodégradables. Dans le secteur du textile, 70 % des vêtements contiennent des fibres plastiques. Il serait possible de revenir à des matériaux naturels et recyclables comme le lin, la laine, le coton. Ce n’est pas la technologie qui manque, mais la volonté politique et industrielle de changer.

 

L'histoire cachée du plastique : comment le jetable a envahi nos vies ?

L’ère du plastique commence réellement après la Seconde Guerre mondiale, avec l’idée de libérer les femmes des tâches ménagères grâce à des produits jetables. Ce phénomène s’accélère dans les années 50 et 60, notamment avec l’essor des Tupperware, et dès les années 70, le plastique est partout. Pourtant, la production a continué d’exploser, jusqu’à atteindre des proportions hallucinantes dans les années 2000. Aujourd’hui, si nous réduisons de 50 % la production de plastique, nous reviendrons à la situation de 2017. C’est dire à quel point nous avons franchi un seuil critique.

 

Le livre No More Plastic n’est qu’une étape, vous animez aussi des conférences ? 

Effectivement, car je crois que l'éveil des consciences passe par la réflexion collective. Nous vivons dans une société où l’esprit critique est affaibli. Il est souvent martelé que “recycler le plastique est la solution”, mais il est temps de comprendre que c’est un mythe. Le plastique, tout comme le tabac autrefois, nous intoxique lentement. Les chiffres sont là : le plastique est une bombe sanitaire et environnementale.

 

Vous êtes parfois critiquée à l'égard de votre position, que répondez-vous à ces accusations ?

Ma réponse reste la même : chaque euro investi dans le recyclage est un euro qui n'est pas utilisé pour des alternatives réelles. Si les investissements étaient plutôt alloués à des matériaux comme le verre, nous aurions déjà des alternatives biodégradables. Le recyclage ne fait que maintenir le statu quo et ne résout pas le problème à sa racine.

Quant aux opposants au changement, l’industrie pétrochimique est l’un des acteurs majeurs. Le plastique est un sous-produit du pétrole, bon marché et extrêmement rentable. Plus nous nous rapprochons d’un règlement international, plus les lobbyistes se battent pour maintenir ce système…

 

Comment convaincre quelqu’un d’abandonner le plastique en quelques mots ?

Aujourd’hui, le plastique est partout, même dans l’espace. Le premier objet laissé sur la Lune par Neil Armstrong était en plastique. C’est donc cela que nous voulons laisser comme héritage ?

 

Pour en savoir plus ?

Retrouvez le livre No More Plastic de Rosalie Mann juste ici