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Auld Alliance kiltmakers : l’artisanat écossais revisité par un couple français

Jonathan Billot et Mathilde Goubet, un couple d’expatriés français installés en Ecosse depuis huit ans, décident en 2021 de concrétiser leur rêve en lançant Auld Alliance Kiltmakers, leur entreprise dédiée à la fabrication de kilts à la main et sur-mesure. Ensemble, ils allient leur passion pour la couture à l’exigence d’un savoir-faire traditionnel écossais, reconnu dans le monde entier : “C’est en Ecosse que nous avons compris que c’était notre vocation ! C’était l’alignement des étoiles !”.

Mathilde et JonathanMathilde et Jonathan
Écrit par Hermine Pinoteau
Publié le 3 février 2025, mis à jour le 21 février 2025

 

Du Rhône à Édimbourg : le parcours atypique de ces kiltmakers

 

Jonathan et Mathilde, tous deux originaires de la Côte-d’Or, sont passionnés de couture depuis leur adolescence. Après avoir chacun obtenu un Master de japonais à Lyon, le couple décide en 2018 de se lancer dans une toute nouvelle aventure, empreinte de brise salée et de chants celtiques : ils quittent la France pour s'installer à Édimbourg. 

 

Après plusieurs années passées à travailler dans la capitale écossaise, notamment au Château d'Edimbourg, Jonathan et Mathilde décident en 2020 de suivre une formation sur place pour devenir kiltmakers. Ils intègrent ainsi la renommée Edinburgh Kiltmakers Academy

 

Pour Mathilde, ce projet s’est véritablement dessiné sur place : “Nous sommes arrivés en Ecosse avec un master de japonais et une passion pour la couture, mais pas encore de projet. C’est en Ecosse que nous avons compris que c’était notre vocation ! C’était l’alignement des étoiles !”.

 

Ainsi, pendant 9 mois, ils apprennent les ficelles du métier, en travaillant le tartan et en réalisant toutes sortes de kilts. Si une journée par semaine est consacrée à la formation en présentiel, le reste du temps est dédié à leurs travaux de couture à la main, ainsi qu’à leurs professions respectives, qu’ils continuent d’exercer. Malgré les défis posés par le confinement pendant la pandémie du Covid-19, Jonathan et Mathilde achèvent leur formation en 2021.

 

En français, le tartan désigne aussi bien le motif écossais, qu'une étoffe de laine (100%) ornée de ce motif.

Le kilt est un vêtement traditionnel écossais. Il s’agit généralement d’une jupe portefeuille plissée, confectionnée à partir d’un tartan.

 

Plus que le lancement d’une entreprise de kiltmaking, la volonté d’avoir un impact positif sur une industrie en difficulté

 

Jonathan et Mathilde, fraîchement diplômés de la Edinburgh Kiltmakers Academy, décident de lancer leur propre entreprise : Auld Alliance Kiltmakers. Un choix osé, qui se distingue de la plupart des couturiers qui se lancent dans la profession, puisque nombre d’entre eux travaillent pour des boutiques. Pour Mathilde, impossible de s’y plier : “Ils reçoivent un tissu et des mesures pour faire un kilt qu’ils enverront par la poste. Il n’y a aucun contact avec le client”.

 

Pour eux, il n’est pas question de renoncer au plaisir de rencontrer et d’échanger directement avec leurs clients, de perdre de vue le contrôle sur la qualité de leur travail, ou encore de ne pas pouvoir fixer leurs propres tarifs. Avoir un impact positif sur l’industrie du kiltmaking est indissociable de leur projet. Un projet qui s’inscrit d’ailleurs dans une industrie fragilisée, le kiltmaking ayant été reconnu comme discipline en danger par l’Heritage Crafts Association, en 2021. Le couple reconnaît volontiers que leur démarche apparaît comme “un parti pris rare et audacieux, du fait que nous étions jeunes et français”.

 

Pourtant, le lancement de leur entreprise est un succès. Jonathan et Mathilde accueillent leurs premiers clients et se lancent avec passion dans la fabrication de kilts sur-mesure. Ils embrassent enfin leur vocation : “Nous avons vraiment pu nous épanouir du côté professionnel et trouver du sens à ce que nous faisions. Cela n’avait pas été le cas pendant 27 ans ! C’était vraiment un pari gagné !”.

 

Un savoir-faire écossais de qualité, à contre-courant de la fast fashion 

 

Si Jonathan et Mathilde ont choisi de travailler seuls, c’est pour eux la possibilité “d’avoir le contrôle et de s’assurer que tout ce qui est produit répond à une certaine qualité”. Bien qu’ils ne tissent pas eux-mêmes le tartan, ils prennent soin de l’acheter chez des artisans locaux, comme le reste des matières premières qu’ils utilisent. Ce choix est profondément enraciné dans leurs valeurs, qui ne souffrent d’aucun compromis.

 

Par ailleurs, celles-ci prennent le contre-pied de la fast fashion, “faite dans de mauvaises conditions de travail, avec de mauvaises matières et à l’autre bout du monde. Nous voulons vraiment tout l'inverse. Nous n’allons pas essayer de mettre un mètre de moins pour économiser de la matière ou du temps. Nous voulons vraiment produire la meilleure qualité possible”.

 

Tout le travail manuel accompli dans leur atelier de kilts, comme le veut la tradition écossaise, est entièrement réalisé à la main, sans aucune machine à coudre. Cette conception nécessite bien évidemment du temps, une grande précision et une rigueur absolue, mais garantit une bien meilleure qualité et une longévité incomparable pour le vêtement. Aujourd’hui, on estime d’ailleurs que moins de 100 personnes dans le monde sont désormais capables de coudre un kilt à la main.

 

Chez Auld Alliance Kiltmakers, chaque kilt est également fait sur-mesure, une approche qui répond à leur engagement en faveur de l’inclusivité. Comme l’explique Mathilde : “Nous voulons que nos kilts soient faits pour la personne, quelle que soit sa morphologie, son âge, ou son histoire”.

 

Le savoir-faire artisanal d’exception, dont fait preuve cette entreprise, se traduit notamment par une forte demande : la liste d’attente pour recevoir un kilt signé Auld Alliance Kiltmakers s’étend désormais sur plusieurs mois.

 

Kiltmakers

 

La conception d’un kilt chez Auld Alliance Kiltmakers

 

La création d’un kilt chez Auld Alliance Kiltmakers commence toujours par une rencontre. Jonathan et Mathilde accueillent leurs clients chez eux pour prendre leurs mesures avec précision. Après avoir acheté la matière première, ils se lancent dans un minutieux travail de couture, qui s’étale sur plusieurs jours. La couture de nombreux plis dans un tissu épais, propre au tartan, exige une technique traditionnelle écossaise bien précise.

 

Avec Auld Alliance Kiltmakers, chaque kilt réalisé c’est : 
- Environ 40 heures de travail, dont 30 heures de couture à la main
- Un fil, une aiguille et beaucoup de précision
- Environ 8 mètres de tartan, 100% laine et tissé en Ecosse
- Des lanières en cuir faites à la main par des artisans locaux, à Edimbourg
- Un savoir-faire artisanal et un profond respect de la tradition écossaise

 

 

Un entrepreneuriat aux multiples facettes

 

Jonathan et Mathilde doivent également gérer tous les aspects de leur entreprise, qu'il s’agisse des formalités administratives ou de la gestion de leur site internet et de leurs réseaux sociaux. Une charge de travail qui n’est pas de tout repos, surtout durant leurs premières années en tant qu’entrepreneurs : “comme toute personne qui lance son entreprise, nous travaillions jusqu’à tard le soir et le week-end. Nous n’avions aucune vacances”.

 

Le couple ne se limite pas à la confection de kilts, Jonathan et Mathilde font également du design de tartans et dispensent des ateliers et conférences autour du kilt, particulièrement en été, lors de la haute saison touristique. Bien que cela ajoute à leur charge de travail, ces activités leur permettent de diversifier leur quotidien : “C’est encore d’autres choses à gérer, mais cela nous permet de ne pas être à 100% dans la production et la couture, et de trouver un équilibre”.

 

 

Le prix de l’excellence artisanale

 

Jonathan et Mathilde reconnaissent sans embarras que leurs produits coûtent deux fois plus cher que ceux d’autres kiltmakers. Une particularité qu’ils expliquent par leur volonté de se rémunérer à la hauteur de leur travail, et de pouvoir rémunérer correctement leurs fournisseurs, ce qui garantit au client une expérience unique et qualitative. 

 

Par ailleurs, le couple dénonce les pratiques plus courantes dans l’industrie du kilt : “Dans l’industrie du kilt, il y a un problème de prix et de valeur. Beaucoup de kilts sont vendus à 500 livres dans des boutiques. Alors qu’il faut comprendre 200 livres de matière et 100 livres de TVA. Il reste donc 200 livres pour la boutique et le kiltmaker. Or nous passons plus d’une semaine sur un kilt”.

 

Une demande européenne difficile à satisfaire

 

Bien que Jonathan et Mathilde n’aient jamais cherché à exporter leurs kilts, ils font face à une demande croissante provenant de France, de Belgique, de Suisse, et plus largement d’Europe. Cependant, répondre à cette demande s'avère particulièrement difficile, notamment à cause du Brexit. Mathilde l’explique : “De plus en plus de réglementations rendent le commerce avec l’Europe compliqué. Elles ne sont pas possibles à mettre en place pour de petites entreprises comme nous”.

 

A cela s’ajoutent des défis logistiques, puisque la conception d’un kilt sur-mesure nécessite des rendez-vous en personne pour prendre précisément les mesures du client. Mais le succès de Auld Alliance Kiltmakers est avant tout local, avec une clientèle écossaise qui ne cesse d’augmenter.

 

Quel accueil pour ces expatriés français en Ecosse ?

 

Pour Mathilde la principale difficulté de son expatriation réside dans la gastronomie ! “Je pense que nous avons tous notre madeleine de Proust. Il y a des produits et des recettes qui nous font regretter la France. En plus, nous sommes de Bourgogne, donc très axés sur le terroir, le vin et le fromage”

 

Mais la France ne manque pas à tous les égards, “à l’inverse, à chaque fois que je rentre à Paris et que je prends les transports en commun, je rencontre des gens un peu plus grincheux, un peu plus pressés et un peu moins polis”.

 

L’Ecosse a su conquérir le cœur de notre couple de kiltmakers. Jonathan nous souligne l’accueil exceptionnel qu’ils ont reçu : “Nous avons été très bien accueillis en Ecosse, ce qui nous a beaucoup aidé à nous installer !”. Mathilde ajoute également : “Les Ecossais sont très chaleureux et ouverts sur l’étranger. Il n’y a pas eu de choc culturel”.

 

Retrouvez Auld Alliance Kiltmakers :

Site internet : https://auldalliancekiltmakers.com/fr/
Instagram : @auld.alliance.kiltmakers
Facebook : @Auld Alliance Kiltmakers
Contact : contact@auldalliancekiltmakers.com