Plus d’un siècle après son départ pour les États-Unis, l'’Assomption de la Vierge du Greco revient au musée national du Prado. Grâce à un accord avec l’Art Institute de Chicago, où l’œuvre est conservée depuis 1906, cette pièce maîtresse sera exposée à Madrid à partir du 18 février 2024, dans le cadre de l’exposition Le Greco. Santo Domingo el Antiguo, parrainée par la Fondation des Amis du Musée du Prado.


Cette réintégration temporaire est un événement majeur, car l’Assomption de la Vierge occupe une place essentielle dans la production du maître de la Renaissance espagnole. Elle fait partie d’un ensemble conçu pour l’église du monastère de Santo Domingo el Antiguo à Tolède, l’une des premières commandes du Greco en Espagne.
De Tolède à Chicago : l’odyssée mouvementée de l’Assomption du Greco
L’histoire de l’Assomption est marquée par de nombreux déplacements et changements de propriétaire. Peinte en 1577, peu après l’arrivée du Greco en Espagne, l’œuvre ornait à l’origine l’autel principal du monastère de Santo Domingo el Antiguo, accompagnée d’autres peintures destinées aux autels latéraux. Elle représente la Vierge Marie montant aux cieux, portée par un groupe d’anges, tandis que les apôtres, rassemblés autour de son tombeau ouvert, contemplent la scène avec solennité.
Au fil des siècles, le tableau suscita un vif intérêt. Il fut acquis en 1830 par l’infant Sebastián Gabriel, un grand collectionneur, pour la somme de 14.000 réaux. Son achat se fit dans la plus grande discrétion, en raison de la valeur exceptionnelle de l’œuvre. Une copie fut commandée à Luis Ferrant et Carlos Luis de Ribera pour remplacer l’original dans le retable.
Cependant, en 1836, la collection de l’infant fut confisquée par le gouvernement espagnol et déposée au Musée de la Trinidad, une institution qui accueillit temporairement plusieurs œuvres saisies. Après avoir récupéré ses biens en 1859, Sebastián Gabriel emporta ses toiles en exil à Pau, en France, où elles restèrent jusqu’à son décès, en 1875.
Après sa mort, l’Assomption de la Vierge passa entre les mains de sa veuve, l’infante María Cristina de Borbón, puis de ses héritiers. En 1902, ces derniers prêtèrent la toile au Prado pour la première exposition consacrée au Greco. Peu après, en 1904, elle fut vendue au marchand d’art Paul Durand-Ruel à Paris, grâce au financement du collectionneur américain H. O. Havemeyer et à la peintre Mary Cassatt. Deux ans plus tard, en 1906, l’Art Institute de Chicago en fit l’acquisition, où elle demeure depuis.
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Un retour temporaire mais symbolique au Prado
L’exposition Le Greco. Santo Domingo el Antiguo offre une occasion rare d’admirer l’Assomption aux côtés d’autres œuvres du Greco issues du même ensemble monastique. Cet accrochage permet de mieux comprendre le projet artistique global du peintre et son influence sur la peinture religieuse en Espagne.
Ce retour temporaire au Prado est d’autant plus symbolique que l’Assomption de la Vierge est l’une des rares toiles du Greco à porter une date explicite : 1577, l’année où l’artiste arriva en Espagne et où débuta sa collaboration avec les commanditaires religieux de Tolède.
À travers cette exposition, le Musée du Prado met en lumière l’itinéraire fascinant d’une œuvre majeure, tout en rendant hommage au lien indéfectible qui unit le Greco à Tolède, ville qui a accueilli et façonné, si l’on peut dire, son génie artistique.
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