"Une explosion de stress" : pour quelques milliers d'élèves atteints de phobie scolaire, la rentrée qui approche marque souvent un regain d'anxiété, principal symptôme de ce mal qui conduit à déserter les bancs de l'école.
"Une explosion de stress" : pour quelques milliers d'élèves atteints de phobie scolaire, la rentrée qui approche marque souvent un regain d'anxiété, principal symptôme de ce mal qui conduit à déserter les bancs de l'école.
Simon (le prénom a été modifié), 15 ans, ne passera pas les portes du collège le 2 septembre. Pour la deuxième rentrée consécutive, l'adolescent suivra les cours du Centre national d'enseignement à distance (Cned) depuis chez lui, avec en ligne de mire le brevet à la fin de son année de 3e.
"Rassuré" de suivre les enseignements à distance, l'élève se souvient de périodes de stress intense, des maux de tête et de ventre et une perte d'appétit en amont des rentrées scolaires, jusqu'au matin du retour en classe: "quand j'étais devant l'école, j'étais quasiment paralysé."
Pour Jessica Gueye-Diffurth aussi, qui vient de finir le lycée à 17 ans, les rentrées ont longtemps été synonymes de blocages, et de découragement. "Ça m'angoissait énormément (...), la plupart du temps je me disais simplement que je n'allais pas y arriver, que ça n'allait servir à rien".
Comme environ 1% à 5% des élèves - en l'absence de recensement, les chiffres varient selon les études - les deux adolescents sont atteints de phobie scolaire, aussi appelée refus scolaire anxieux. Soit "une peur irrationnelle d'aller à l'école" associée à "des symptômes d'anxiété très importants", explique la pédopsychiatre Laelia Benoit, chercheuse à l'Inserm.
"Le moment où il y a un énorme pic, c'est souvent à la rentrée du mois de septembre (...), parce que c'est un gros changement", confirme-t-elle.
- Temps long -
Pour autant, les élèves concernés ne sont pas toujours détectables dès septembre.
La co-présidente de l'association Phobie scolaire, constituée de parents d'élèves, explique ainsi que beaucoup d'enfants dissimulent un temps leur anxiété. "Ils tiennent, ils compensent, et à un moment donné, quand ils n'ont plus de ressources, ils craquent", pointe Christelle Schnitzler : les élèves basculent alors vers le décrochage scolaire.
Si, comme pour Simon, la scolarisation à domicile peut alors être une solution temporaire, la loi en a durci les conditions en 2021, obligeant les parents à demander une autorisation préalable, certificat médical à l'appui. "C'est un peu la loterie", constate Christelle Schnitzler, qui explique avoir constaté "de plus en plus" de refus dans certains départements.
Quant au retour en classe, il prend nécessairement du temps : "entre 18 mois et 2 ans", prévient Christine Baveux. Directrice des études au sein de la Maison de Solenn, qui accueille des enfants et adolescents avec des troubles psychologiques et psychiatriques, elle anime des ateliers de "rescolarisation", et insiste sur la nécessité d'un retour très progressif à l'école.
"Je propose toujours un mi-temps" lors d'une rentrée, souligne-t-elle.
Comme tous les élèves atteints de problèmes de santé, les phobiques scolaires peuvent en effet bénéficier d'adaptations, avec par exemple moins d’heures en classe, au titre d'un "projet d'accompagnement individualisé" dans un établissement classique. A charge pour l'école et la famille d'établir un dialogue fluide sur la question.
Pour d'autres élèves, le retour en classe traditionnelle est trop compliqué. Des structures à l'approche plus souple, comme les micro-lycées gérés par l’Éducation nationale, accueillent ainsi à chaque rentrée des décrocheurs avec une phobie scolaire.
Au micro-lycée de Paris, ils représentent "un bon tiers" des 55 élèves en première et terminale, indique Karine Halajko, enseignante d'histoire-géographie dans l'établissement.
En effectifs réduits, avec un encadrement moins contraignant et un suivi psychologique proposé, l'équipe pédagogique tente de raccrocher les élèves à l'école, et les accompagne jusqu'au bac. La méthode est "très empirique", explique Karine Halajko : en l'absence de solution miracle, il faut sans cesse s'adapter aux potentiels regains d'angoisse des élèves.
Si ce suivi n'obtient pas un succès unanime, certains lycéens parviennent à achever une scolarité quasi-normale.
"Le micro-lycée a beaucoup soigné ma relation à l'école", témoigne Jeanne (qui ne souhaite pas mentionner son nom de famille), 20 ans. Après avoir obtenu son bac en 2023, elle commencera en septembre des études d'histoire de l'art, et son anxiété a quasiment disparu.
"J'ai peur de ne pas être à la hauteur, mais je pense que c'est assez classique chez un étudiant."